Des deux chaînes françaises d’exploitants, Gaumont-Pathé s’est toujours montrée plus gourmande lorsque l’on parle technologie. Le Français a ainsi fait voguer ses salles de mode en mode, 3D, IMAX, 4DX, EclairColor etc. Derrière cette infinité d’acronymes et marques, on trouve des technologies diverses aux promesses souvent imparfaites et dénaturant parfois la sacro-sainte idée de la projection à la française.
Et nous ne comptons plus les innovations qui nous ont laissés de marbre alors même qu’elles séduisaient à l’étranger. Toutefois, le cinéphile ne regrette jamais une mise à jour de sa salle, rien que parce que la projection est un domaine en constant progrès et chaque installation approche une meilleure image. Alors à défaut de succomber aux gadgets, on se plaît à suivre les tendances.
Notamment une, venue des États-Unis, ayant conquis l’Asie : le Dolby Cinema. Le laboratoire dont le son Atmos a conquis nos salons et nos salles obscures, et dont le standard HDR Dolby Vision commence à s’épanouir dans les rayons télé, a décidé de prendre la main des exploitants pour les accompagner vers une expérience de cinéma premium. Un concept marketing souvent entendu, notamment depuis la crise du téléchargement, mais qui a bien du mal à prendre vie dans nos contrées.
En véritable apôtre de ses technologies et d’une certaine idée de la séance, l’entreprise a donc développé avec AMC par exemple une salle Dolby. Plutôt que de labelliser seulement les projecteurs et les systèmes audio, Dolby a décidé de labelliser l’expérience d’une séance. Ainsi, façon ambassade, des salles Dolby Cinema aux couleurs du laboratoire ont bourgeonné dans la patrie du cinéma, prenant une place à part dans les multiplex. C’était en 2014.
En 2017, la première salle Dolby ouvre ses portes dans l’Hexagone, à Massy, au sud de Paris, dans un Pathé flambant neuf. Nous nous y sommes rendus pour une présentation et un essai de cette expérience premium.
Direction Pathé Massy
Les travaux ne sont pas finis et les chantiers jonchent la nouvelle zone commerciale de cette ville de l’île de France. À quelques pas de la gare, une place s’étire surplombée par le monstrueux multiplex. Autour, de mornes restaurants de grandes chaînes que l’on voit dans les centres commerciaux servent des terrasses vides.
Les salles de banlieues n’ont que rarement le charme de nos vieux cinémas, mais c’est de futur dont nous sommes venus parler. Et l’odeur du neuf, entre plastique et peinture, qui règne dans le multiplex nous convainc que nous sommes à la bonne adresse.
Au troisième étage du vertigineux Pathé, on trouve l’unique salle Dolby de l’établissement : elle se distingue par une entrée travaillée, cernée de noir et de bleu, et s’ouvre sur un couloir circulaire qui plonge dans l’obscurité de la salle. Projeté sur la façade du couloir, un visuel tiré du film projeté : les routes aériennes qui traversent la cité imaginaire de Blade Runner 2049, quelques notes de la bande originale s’échappent.
Ce couloir doit commencer l’immersion dans le film, nous expliquera-t-on. Il est sympathique, mais ne nous convainc pas d’ajouter 4 euros à notre place pour accéder au service Dolby. En revanche, une fois les portes à battant derrière nous, la salle, sa disposition et son architecture nous font une forte impression. Dans l’antre, qui aurait dû compter 500 places si elle n’était pas Dolby Cinema, on ne trouve que 200 places.
Les rangées sont très éloignées, les fauteuils incroyablement larges et rembourrés comme celui de notre salon. Similicuir inclinable avec un système silencieux qui nous fait littéralement tomber à la renverse. On n’ose y croire, mais nous nous enthousiasmons pour des fauteuils. L’exploitant nous annonce avec fierté qu’il s’agit d’une première pour un cinéma français, peuple d’inconfort que nous sommes.
Et si, nous le verrons, les technologies Dolby ont elles aussi leur charme, la disposition de cette salle mériterait d’être généralisée pour nous faire revenir dans des cinémas, quitte à ajouter quelques euros pour éviter foule, popcorn et téléphones de nos voisins dont le souffle vient nous frôler la nuque. Façon class business d’une compagnie aérienne, Dolby Cinema surclasse l’expérience par le confort : c’est nécessaire dans un pays où les salles sont peu rompues aux fauteuils américains rembourrés et larges.
Le design des Dolby Cinema est très cadré par un cahier des charges : moins de sièges qu’une salle classique, mais également une salle parfaitement noire, des couleurs mates, et aucune surface réfléchissante pour la lumière. Youri Bredewold, responsable de Dolby Cinema, estime qu’il s’agit là aussi de gagner en qualité de projection. Une fois la salle plongée dans l’obscurité, aucune lumière ne vient percer la nuit artificielle. Enfin, l’équipement Atmos est complètement dissimulé derrière des toiles noires. L’écran de 18 mètres est la seule perspective.
Contraste !
Le représentant Dolby enchaîne les bandes-annonces pour nous faire saliver. Et c’est là que la rolls des cinémas, l’équipement Christie légèrement modifié par Dolby montre ce qu’il a dans les entrailles : un contraste inédit au cinéma en France, qui nous fait oublier EclairColor et sa promesse de HDR. Les noirs sont abyssaux comme nous en avons pris l’habitude dans nos salons, les couleurs sont très saturées — souvent par delà le principe de réalité — et la définition est impeccable. Le système est composé d’un double projecteur laser modulaire Christie 4K, une des dernières gourmandises de l’industrie. Il faut ajouter aux excellentes performances du système laser le Dolby Vision, une importation du concept de HDR en salles obscures.
Comme EclairColor, Dolby ajuste dans son laboratoire londonien les films envoyés par les studios, une opération fastidieuse qui va adapter les images à la projection. Ainsi, chaque film peut être associé à son propre paramétrage : Vice-Versa jouera ainsi au maximum des contrastes allant jusqu’au contre nature quand d’autres productions vont rester plus neutres. Mais l’image est immanquablement flatteuse, l’effet est en plus indiscutable lorsque l’EclairColor se voyait surtout si l’on comparait les productions l’une à côté de l’autre.
On nous promet un contraste dynamique de 1 million : 1, une affirmation sans grand intérêt. Plus intéressant, le système Dolby a de très belles performances en termes de luminosité notamment en 3D. Youri Bredewold explique pouvoir mesurer en 3D, une luminosité maximale de 14 pieds-lambert, valeur que l’on trouve le plus souvent en 2D. En 2D, la mesure monte jusqu’à 31 pieds-lambert.
Côté son, on ne présente plus le Dolby Atmos qui, si l’on en croit sa popularité, semble avoir séduit les Français. Pourtant, nous avons des souvenirs d’expériences erratiques, mais là, le système semble cohérent, maîtrisé, les effets d’objets de canaux sont perceptibles et précis. Considérant la présence du système dans différentes salles, nous y prêtons une attention plus distraite qu’à la projection.
Un service désirable
Avec 116 salles dans le monde entier, dont 7 à venir en France — Massy est unique aujourd’hui — les contenus adaptés à la formule Dolby sont assez nombreux, bien que souvent tournés vers les blockbusters et les grands studios. Un premier film français bénéficiera du traitement : ce sera La Promesse de l’Aube. Mais ce cinéma premium semble tout de même, au moins pour des raisons de rentabilité, largement adressé aux films à longue durée de vie. Dommage pour le cinéphile.
Mais la donne pourrait changer avec l’installation, promise par la firme, d’un laboratoire Dolby en France. Cela va-t-il accélérer l’adoption des Dolby Cinema en dehors de la chaîne Pathé ? Difficile à dire compte tenu de l’investissement nécessaire et d’une exclusivité par zone. Ainsi, aux abords du multiplex de Massy, aucune autre salle de ce genre ne pourra voir le jour. Le souci pour Dolby est de garder un produit haut de gamme et rare.
Des salles vont être transformées prochainement. En Province, à Lyon et Rouen. Intra-muros, les Parisiens peuvent prendre leur mal en patience : Massy sera le plus proche pour cette année, les prochaines salles Dolby doivent encore être annoncées par la chaîne. Mais l’impatience va nous guetter, la claque que nous a mise la projection du sublime Blade Runner 2049 nous a fait saliver longuement dans nos fauteuils rembourrés. Et le passage des années ne devrait en outre pas trop abîmer ces salles qui sont surveillées et visitées par Dolby au moins une fois par mois. L’assurance que les Dolby Cinema ne se retrouveront pas à l’abandon dans quelques années.
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