Avec des succès modestes et des échos discrets dans le monde, les jeux vidéo produits au Moyen-Orient se font rarement connaître au-delà des frontières. Pourtant, on peut y voir poindre une timide lueur depuis quelques années grâce à une production inédite.
Certains représentants du jeu vidéo iranien étaient présents au salon Paris Games Week et à la Games Connection, le pendant professionnel de l’événement. L’Iran est en effet l’un des pays les plus prolifiques sur le marché du jeu vidéo au Moyen Orient, avec pas moins de 20 millions de joueurs et une légion de développeurs.
La difficile position de l’Iran face au marché mondial
Le pays, doté d’une très forte population de jeunes individus, constitue ainsi le troisième plus grand marché du jeu vidéo au Moyen-Orient derrière la Turquie et l’Arabie Saoudite.
Écarté pendant plus de 30 ans du système économique mondial à la suite du renversement de la monarchie en 1979 pour devenir une république islamique, l’Iran compte aujourd’hui 23 millions d’habitants qui jouent au moins une heure par semaine aux jeux vidéo.
Petit à petit, les sanctions économique imposées à l’Iran par les autres puissances mondiales s’allègent, les puissances mondiales s’associent au nouveau gouvernement modéré de l’Iran pour mettre en œuvre un accord international qui impose des limites au programme nucléaire iranien.
Pour les joueurs et les développeurs iraniens, ce changement décisif. Les grands éditeurs occidentaux et japonais qui jusqu’à maintenant ne voulaient pas se frotter à un pays qui faisait l’oeuvre de sanctions économiques pourraient dans un futur proche inonder ce nouveau marché de FIFA, GTA ou autres Overwatch.
Les développeurs locaux, eux, font partie d’une jeune génération en conflit idéologique avec la politique conservatrice de la République islamique d’Iran. Désireux de renouer avec l’Occident et de tracer une voie différente pour l’industrie du jeu de leur pays, l’ouverture du marché du jeu vidéo iranien pourrait être la bouffée d’air frais tant attendue.
La Téhéran Games Convention pour nouer les liens
Présents à la Games Connection de Paris le mois dernier, une petite délégation de développeurs et de chefs d’entreprises iraniens ont rencontré leurs homologues internationaux pour faire la promotion de la Tehran Games Convention. La première édition a eu lieu les 6 et 7 juillet 2017 et a accueilli 2 300 visiteurs, ce qui en fait le plus grand événement business au Moyen-Orient à ce jour.
« En réalité, personne ne sait ce qu’il se passe en Iran. Personne n’imagine qu’il existe du développement dans le monde du jeu vidéo. Il y a pourtant plus de 5 000 développeurs de jeux vidéo », confie Mohamad Zehtabi, directeur de Paeezan Game Studio, à nos confrères de Lettres Persanes.
Comme tout événement professionnel, la Tehran Game Convention accueillait plus d’une centaines de firmes oeuvrant dans le secteur du jeu vidéo et venues pour discuter affaires. Des conférences, panels et masterclass ont également eu lieu pour aborder tous les aspects de l’industrie, qu’ils soient économiques, créatifs ou techniques. Pour sa seconde édition l’été prochain, les organisateurs espèrent gonfler le nombre des visiteurs et surtout convaincre les différents acteurs du marché d’investir dans le jeu vidéo iranien.
Un marché en pleine croissance
Avec des difficultés à se procurer les consoles et les jeux édités dans le reste du monde, 77 % des joueurs iraniens jouent sur mobile. Pourtant la chose n’est pas aisée, puisque la population iranienne n’a pas accès aux Stores d’Apple et d’Android. En lieu et place de ces plateformes, on trouve Cafe Bazaar, un espace Android iranien local fondé en 2010. Avec plus de 27 millions d’utilisateurs et 55 000 applications, dont 8 000 jeux, c’est la plus grande plateforme de distribution numérique d’Iran.
Un de ses représentants, Mohammad Moallemi, est d’ailleurs présent à l’édition de la Game Connection à la fois pour évoquer ces chiffres, mais pour convaincre, lui aussi, quelques éventuels nouveaux partenaires. Le nom de sa conférence est explicite : « 30 millions de joueurs vous attendent en Iran ». Des studios de jeux à succès ont déjà répondu à l’appel et ont pu étendre leur marché. Supercell cartonne avec Clash Royale et Clash of Clans, Playrix avec Township…
L’idée est aussi de favoriser la création des développeurs iraniens et de les convaincre de vendre leur jeu aussi bien sur le marché local qu’au-delà des frontières. Les titres phares des éditeurs occidentaux comme Call of Duty sont vendus à prix cassés sur le territoire, entravant ainsi les plus petits développeurs qui tentent de se faire une place.
« Aujourd’hui les plateformes comme Café Bazaar respectent les copyrights, explique Mohamad Zehtabi, mais si des copies illégales circulent librement, l’industrie toute entière ne peut pas progresser. Le gouvernement doit donc mettre en place ces questions de protection et de copyright ».
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