Cette semaine, le Copyright Madness revient sur la curieuse stratégie d’Epic Games pour gérer les vidéos d’un tricheur sur le jeu Fortnite, le rôle indirect du système des brevets sur un enjeu de santé publique aux USA et une étonnante bataille entre deux musées belges consacrés à la photographie. Bonne lecture et à la semaine prochaine !
Copyright Madness
Statufié. Le domaine public pleure des larmes de sang en Italie, suite à une décision de justice catastrophique. La Galleria dell’Accademia a obtenu gain de cause face à une entreprise qui vendait aux touristes des billets d’entrée cinq fois plus chers que leur prix standard. Jusqu’ici rien d’anormal. Mais ce musée a aussi demandé que cette société arrête d’utiliser l’image de la fameuse sculpture du David de Michel-Ange qu’il abrite en ses murs. Le tribunal saisi de l’affaire lui a donné raison sur la base… du droit d’auteur ! Cela revient à dire que les musées italiens se voient reconnaître un droit d’auteur sur les objets qu’ils détiennent, alors même qu’ils ne les ont pas créés et que la plupart sont en réalité dans le domaine public. Autant dire que cette légalisation massive du copyfraud ne nous a pas laissé pas de marbre…
#EpicFail. Le studio de développement à l’origine du jeu Fortnite porte bien son nom. En effet, Epic Games s’est pris les pieds dans le tapis des dérives de la propriété intellectuelle en invoquant une violation de copyright contre un joueur. Les développeurs avaient remarqué que celui-ci utilisait des techniques de triche pour être quasi imbattable tout en donnant des astuces à d’autres joueurs à travers sa chaîne YouTube. Mais chez Epic Games, on n’aime pas les tricheurs et la seule solution qui a été trouvée pour mettre un coup d’arrêt au cheater a été de revendiquer une loi américaine, le Digital Millenium Copyright Act, pour faire retirer les vidéos qui utilisaient le contenu protégé. Le joueur risque une amende de 150 000 dollars pour avoir enfreint les règles d’utilisation du jeu d’Epic. Encore un procès qui s’avère épique.
Blocus. Les mélomanes vivent des moments difficiles en Finlande. La plupart des morceaux de musique issus de ce pays ont brutalement disparu un beau matin de YouTube. La cause de ce blocus musical ? Un désaccord avec la TEOSTO, principale société de gestion des droits musicaux en Finlande à propos de la répartition des revenus publicitaires. La TEOSTO n’y est pas allée de main morte, puisque même des enregistrements d’œuvres du compositeur Sibelius datant de 1899 ont été retirés, alors qu’ils sont manifestement dans le domaine public… Mais bon, se montrer ferme avec YouTube méritait bien quelques fausses notes…
Trademark Madness
Cheese. Ce cas de Trademark Madness prête à sourire : il oppose deux musées de la photographie. Celui situé à Charleroi n’a pas apprécié qu’un concurrent puisse exister en Belgique. Il a donc menacé de poursuites l’association Recyclart pour violation de marque parce qu’elle avait baptisé son musée le musée de la Photographie de Bruxelles. Les musées de la photographie, c’est un peu comme les Highlanders, il ne peut en rester qu’un. N’ayant pas les moyens de résister à un procès, l’association a été obligée de rebaptiser son musée la « fusée de la motographie ». Bien que l’association ait fait preuve de sagesse et d’humour, cela n’enlève en rien le caractère absurde de ce qu’a fait le musée de Charleroi. Imaginez si un boulanger décidait de s’attaquer à d’autres boulangeries parce que ce serait indiqué sur la devanture…
Encerclé. La société Starbucks est très fière de sa marque, au point… de la voir partout ! La célèbre chaîne de cafés a ainsi attaqué en justice une société japonaise baptisée Morinaga Milk, qui est spécialisée dans les bars à lait. Elle lui reproche d’avoir un logo trop proche du sien, susceptible de provoquer une confusion chez les consommateurs. Les deux logos sont certes circulaires, mais l’un montre la fameuse sirène de Starbucks, tandis que l’autre arbore une montagne. Difficile de les confondre, mais Starbucks considère que la forme ronde et les cercles concentriques qui séparent les éléments ont constitué à eux seuls des éléments trop proches. Le tribunal saisi de l’affaire a heureusement rejeté les revendications de la firme américaine. Mais on se demande quand même si les avocats de Starbucks ne rajoutent pas de l’alcool fort dans leur café…
Divorce. On est heureux de vous annoncer le retour de Beyoncé dans le Copyright Madness. La célèbre chanteuse et son mari Jay-Z ont souvent été épinglés pour des dépôts de marque sur les prénoms de leurs enfants. Cette fois-ci, il s’agit du prénom de Beyoncé. Elle menace une entreprise qui commercialise des objets avec écrit dessus « Feyoncé », du nom de la marque. En particulier, elle accuse la société de violer son droit des marques à cause d’un mug estampillé « Feyoncé , il lui a passé la bague au doigt ». D’après la chanteuse, il y a une allusion sans équivoque à sa chanson Single Ladies. Mais la réponse de la société a été à la hauteur de l’attaque : elle a dénoncé Beyoncé pour harcèlement !
Patent Madness
Opium du peuple. Les États-Unis traversent en ce moment une crise sanitaire grave, liée à la surconsommation d’opiacés, des médicaments à base d’opium prescrits pour soulager les douleurs. Plus de 35 000 Américains sont morts en 2015 à cause de surdose ou pour avoir basculé dans l’héroïne après être devenus dépendants. Or, le problème est en partie lié au délire autour des brevets qui sévit gravement aux États-Unis. Le principal médicament en cause, l’OxyContin, rapporte des millions de dollars au laboratoire pharmaceutique qui détient le brevet sur la molécule. Celui-ci aurait déjà dû expirer en 2013, mais le laboratoire a déjà modifié 13 fois la formule pour rallonger la durée de protection et garder sa poule aux œufs d’or. Du coup, le prix de ce produit reste tellement élevé que cela pousse certains malades devenus dépendants à passer à l’héroïne, avec des conséquences mortelles à la clé. Les brevets tuent parfois plus sûrement que les maladies…
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Merci à tous ceux qui nous aident à réaliser cette chronique, publiée sous licence Creative Commons Zéro, notamment en nous signalant des cas de dérives sur Twitter avec le hashtag #CopyrightMadness !
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