Connaissez-vous la « peak tv era » ? C’est la dénomination de la période vécue ces dernières années par la télévision aux États-Unis : jamais le petit écran n’a fourni autant de productions, jamais autant d’argent n’a été investi pour ces formats, et jamais il n’y avait eu autant de shows disponibles pour les téléspectateurs. Plus de 500 en 2017.
Dans cet univers créatif, se démarquer, innover, et trouver son public s’avère déterminant. Une situation qui a poussé les créateurs à réaliser, de nouveau, des productions saisissantes, qui franchissent les barrières de leurs genres respectifs, et qui définissent de nouveaux formats en 2017.
Sur la période qui s’étale de janvier à ce 24 décembre, nous avons retenu nos dix meilleurs shows, que ce soit de nouvelles saisons, ou également des premières — nombreuses cette année. Le tout en respectant les critères de nos critiques habituelles : réalisation, pertinence, écriture et audace. On s’excuse d’avance pour Black Mirror qui échappe encore au classement puisque Netflix a décidé d’opter pour une sortie en fin d’année.
1. Twin Peaks: The Return — Showtime
Difficile de trouver une série plus pertinente que cette dernière saison de Twin Peaks. Attendu depuis plus de vingt ans, le show de Lynch et Frost s’est imposé à son spectateur comme un objet colossal et inclassable.
Si bien que la fin d’année offre aux Cahiers du Cinéma et à d’autres l’occasion de débattre : est-ce un film ou une série ? Le magazine a tranché : c’est son meilleur film de 2017. Soit. Côté créateurs, on défend l’idée d’un film de 18 heures en fragment.
Faut-il comprendre que la la série n’avait jusque-là jamais été du cinéma fragmenté ? Négatif, nous répond ce retour de Twin Peaks dont chaque épisode semble nous plonger dans autant de boucles créatives radicales. La série originelle semble s’offrir tout entière à Lynch qui n’appuie jamais sur ses personnages pour plonger le spectateur dans son monde, ses obsessions. « Non-existant », et pourtant si grand.
Disponible en VOD.
2. The Handmaid’s Tale, saison 1 — Hulu
Non, The Handmaid’s Tale n’est pas entrée en production après l’élection de Donald Trump. La série a seulement croisé le réel, par chance peut-être, mais surtout par ses fulgurances. La réussite du rapport au réel de ce drame de Hulu tient à deux éléments : la rencontre avec l’actualité de nos angoisses, et la cristallisation, visuelle, de la domination telle qu’on la connaît.
La série semble toujours nous dire que sa dystopie n’est pas lointaine, que nous contenons en nous les germes du cauchemar. Il s’agit là d’une qualité qui tient à la justesse du show , capable de transcender son mystérieux enfer masculiniste pour nous confronter à notre propre rapport à la liberté, aux femmes et au pouvoir.
Disponible en France sur OCS.
3. The Leftovers, saison 3 — HBO
Discret, déroutant et éprouvant, The Leftovers ne fait partie des shows les plus rassembleurs de HBO. Et pourtant, il suffit de connaitre un ami un peu sériephile pour en avoir entendu parler.
Ambitieuse, cinématographique et bouleversante, la série a su forger une communauté d’ultra fidèles. Et restera pour de nombreux critiques comme l’une des meilleures productions de cette décennie.
Son ultime saison devait clore l’épopée mystique entamée par Damon Lindelof en 2014. La tâche était lourde, surtout pour Lindelof, auquel on reproche encore la fin de Lost. Mais après une saison deux qui a eu ses faiblesses, la troisième saison du show se saisit de toute l’ampleur métaphysique et mystique d’une histoire décidément brillante. Pertinente en outre, la série ne parle plus seulement de la mort, elle entame son voyage vers la vie et le divin.
Disponible en France sur OCS.
4. Big Little Lies, mini-série — HBO
À la réalisation de ce luxueux projet de mini-série, on trouve Jean-Marc Vallée (Dallas Buyers Club) qui, avec sa direction photo, a choisi de donner aux lumières de Big Little Lies un éclat terne. Comme si, dès les premières minutes de ce coûteux show au casting cinq étoiles, l’éclatant, le rutilant, et la perfection apparente se voilaient. Peu à peu, le soap tourne au thriller et la violence éclate, faisant tout à fait verser la série dans son obscurité.
Le miracle opère quand le casting féminin — Nicole Kidman, Reese Witherspoon et Shailene Woodley — dévoile l’ampleur de son jeu, bien servi par la précision de la direction, et le calibrage des dialogues.
D’abord superficielle, parfois lente, la série cache bien son jeu pour laisser, peu à peu, ses personnages dévoiler leur ambiguïté et toucher juste, qu’il soit question de violence, de désir ou encore d’éducation. Rares sont les séries à personnages qui parviennent à une telle précision psychologique dans un cadre aussi stéréotypé.
Disponible en France sur OCS.
5. Dark, saison 1 — Netflix
Dark ne souffre pas la comparaison avec Stranger Things, et n’a pas peur de tutoyer Lost. Pourtant, la série allemande ne partait pas avec les avantages d’un casting hollywoodien, d’une machinerie télévisuelle toute prête : au contraire, Dark c’est plus de deux années de production, plus de cent jours de tournage, et un seul réalisateur pour tous les épisodes.
Le résultat est une petite merveille. Derrière la puzzle tv très bien menée, on trouve de multiples formes de poésies visuelle comme narrative, des références bien senties, et même un pléthorique casting convaincant.
Jouant sur les tableaux qui font le succès de séries sombres, sans jeu de mot, elle convoque également un très beau mixage sonore. Un vrai succès qui perturbe un peu le populaire genre de la puzzle TV froide et méta.
Disponible en France sur Netflix.
6. The Deuce, saison 1 — HBO
Moins tapageuse que les précédents shows HBO dans cette sélection, The Deuce illustre parfaitement la méthode de David Simon, créateur de The Wire : une série à très haut potentiel qui se dévoile aux plus patients dans ses nuances, sa justesse et son regard politique.
La première saison de The Deuce contient toutes ses qualités et probablement les meilleurs dialogues de l’année sur petit écran.
Vagabondant entre une dizaine de personnages, les prostitués et leurs macs, les flics et leurs mafieux, les débrouillards et le monde de la nuit, Simon raconte façon tableau de Courbet l’émergence du porno dans la pègre new-yorkaise.
Mais le sujet n’est qu’un moment cristallisé par The Deuce, le vrai intérêt de la série est manifestement autour du monde construit en parallèle de cette problématique. Et qu’ajouter d’autre que les pires des humains y ont leurs lumières, leur transcendance, sinon que The Deuce est un tableau maximaliste et passionnant ?
Disponible en France sur OCS.
7. I Love Dick, saison 1 — Amazon
Comme de nombreuses séries Amazon de 2017, I Love Dick n’a pas rencontré un large public. Et pourtant, ce projet de Jil Soloway (Transparent) montre que la créatrice atteint son zénith créatif. Tout est remarquable : la réalisation, les dialogues, la direction et le rythme. Très intello, suave et impertinente, I Love Dick semble prolonger la force de frappe de Transparent dans de nouveaux personnages.
Projet quasi exclusivement féminin, I Love Dick cherche à développer un regard féminin sur le topos du triangle amoureux. Ce choix laisse une grande place à l’intériorité du personnage principal, grâce notamment à des choix d’adaptation judicieux de la part de Soloway qui retranscrit en image le roman éponyme. Un dialogue s’installe entre la série et son spectateur, une discussion qui creuse nos désirs et nos obsessions.
Disponible sur Amazon Prime Video.
8. Mindhunter, saison 1 — Netflix
Avec Mindhunter, on pense à Zodiac de Fincher. Le style, la photo et les méthodes du cinéaste semblent en effet de nouveau convoqués. Mais Fincher ne se laisse pas happer par le piège qui constitue de faire à la télé ce que l’on ferait sur grand écran : il délaisse les montages de Zodiac pour jouer comme un prequel et raconter la naissance du profilage.
Ce n’est pas parce que Mindhunter se refuse de jouer au thriller que la série ne dispose pas pour autant d’une réalisation cinématographique et passionnante. Enfin, le pilier narratif du show, des face à face, sont mis en scène avec un talent rare qui pousse le téléspectateur à reconsidérer son besoin d’actions et de sang dans ses polars. L’air de rien, Fincher vient bousculer certains acquis du genre.
9. Silicon Valley, saison 4 — HBO
Si cette quatrième saison de la satire de HBO n’est pas la meilleure, elle est très certainement la plus drôle, la plus impertinente. En outre, elle garde cette déroutante faculté à coller à l’époque et aux mésaventures de la Silicon Valley. Moins dramatique que la saison trois qui se démarquait par une puissance inattendue dans un tel show, cette dernière itération marque tout de même la maturité de notre comédie préférée.
On y joue mieux, le casting y est plus juste que jamais, on abandonne pas les blagues vaseuses sans délaisser des piques plus élaborés, et on s’amuse. Des tirades de cette saison resteront en outre dans nos mémoires : à l’heure où Uber était secoué par des affaires de sexisme, Erlich, dénonçant le sexisme de la vallée, se lance dans un mansplaining pour expliquer à des femmes… le mansplaining.
Disponible en France sur OCS.
10. Legion, saison 1 — FX
En 2017, nous n’avons pas été gâtés par les séries tirées de comics. Les networks continuent de nous bombarder de drames de plus en plus éculés : Inhumans d’ABC est non seulement laide mais inconsistante, Gotham de la Fox n’offre aucune surprise depuis sa première saison et Agents of SHIELD peine à retrouver un niveau correct.
Netflix n’a pas, non plus, connu la meilleure des années avec sa franchise Marvel : Iron Fist était très décevante et Defenders était au mieux sympa .Seul, sur la fin d’année, Punisher a un peu relevé le niveau. Mais l’époque est dure et si on oublie Legion, la télé a accouché d’une mauvaise année pour les super-héros.
Heureusement, en début d’année, un projet porté par le solide Noah Hawley(Fargo) est venu mettre un coup de pied dans la fourmilière. Pensée comme une série d’auteur, originale et visuellement excitante, Legion est la meilleure chose qui soit arrivée aux séries inspirées de comics depuis longtemps.
Ici, on swingue, on questionne notre perception, on développe des personnages puissants et on tient même des dialogues sensés sur la folie ou encore l’amour. Une révolution.
Disponible en VOD.
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