Du renouveau dans l’horreur, des larmes pour une page de l’Histoire oubliée, une femme à bouclier en tête du box office, ou encore un film coréen hué à Cannes : c’était 2017 sur les grands et petits écrans.

Cette sélection de dix films contient des œuvres qui étaient particulièrement mauvaises, plutôt bonnes, voire excellentes. La qualité n’est pas, ici, le seul sujet. Car ces dix longs métrages nous disent quelque chose de l’année écoulée, de l’état de Hollywood ou de l’état du monde et de la création. Certains témoignent de l’inéluctable montée en puissance des plateformes, d’autres du renouvellement de dinosaures, une poignée montre une révolution sociale, et certains nous racontent seulement nos angoisses et leurs prises avec le monde.

Voici les 10 films qui ont marqué l’année à nos yeux. Confirmant par leur existence plusieurs tendances, que ce soit le renouvellement du cinéma de genre, notamment de l’horreur, ou encore la modification de la place des femmes et des minorités sur grand écran, et parfois, plus simplement, les agitations économiques de l’industrie.

1. Wonder Woman

Nous étions sortis plutôt agréablement surpris de Wonder Woman, sans être vraiment conquis. C’était toutefois le moins mauvais DC que nous regardions depuis la reprise de la franchise en univers étendu, et en cela, le film était déjà un progrès significatif. Toutefois, là où Wonder Woman a conquis le box-office c’est en résonnant tout particulièrement avec son époque.

(Warner B.)

Warner Bros

L’année où le Time nommait comme personnalités de l’année les Silence Breakers qui ont bouleversé  2017 en nommant publiquement des agresseurs sexuels, notamment à Hollywood, il sortait en salles un film de superhéros réalisé par une femme et dont une femme tenait le premier rôle. Gal Gadot est ainsi rentrée dans la marche de l’époque en héritant du costume d’une Wonder Woman qui inspirera de nombreuses femmes.

2. Blade Runner 2049

Blade Runner 2049 a tristement marqué l’année en devenant un des plus importants, et surtout des plus injustes, flops de 2017.

un des plus importants et surtout des plus injustes flops de 2017

Pour un budget apporté par Alcon et Sony de 155 millions de dollars, le film de Denis Villeneuve n’a remporté que 258 millions de dollars au total, ne parvenant même pas à se rembourser aux États-Unis où il enregistre seulement 91 millions de dollars. L’opération financière ne sera pas sans conséquence pour le petit studio qu’est Alcon et laissera Denis Villeneuve affaibli alors qu’il doit poursuivre son chemin avec la Warner pour le magnifique Dune.

Pourtant, Blade Runner 2049 restera comme le meilleur film de science-fiction de cette année à nos yeux. Et son inexplicable échec sera le sujet de nombreux débats entre fans.

3. Okja

Okja est le cochon le plus bruyant de Cannes. Au festival français, Netflix et le film de Bong Joon-ho ont affronté le conservatisme de l’industrie européenne qui s’est exprimé au moyen de longues séances de sifflements et d’interminables débats dans les revues spécialisées. Mais cette crise semble avoir eu deux avantages : elle a posé les termes du débat entre exploitants et producteurs sur la table, formant des camps bien définis et introduisant le consommateur dans le débat.

En outre, rappelons que le débat n’aurait jamais eu lieu si Netflix, géant américain de l’entertainment, n’avait pas réalisé du cinéma et non pas seulement un téléfilm, pour parler qualitativement. Le jeu a donc bien changé et ce cochon coréen a montré la voie d’un Nouveau Monde.

OKJA

OKJA

4. Get Out

Bien placé dans les classements de fin d’année de la critique, le film d’horreur de Jordan Peele, également son premier film, a été la surprise de l’année. Get Out a ainsi réussi différents exploits : redonner des lettres de noblesse au cinéma de genre, l’horreur, remplir les salles dans le monde entier — plus qu’on ne pouvait l’imaginer, battre des records de rentabilité, le tout, par un film écrit et réalisé par un Afro-Américain pour seulement 4,5 millions de dollars.

Faisant du racisme, au milieu d’un printemps particulièrement explosif pour les questions raciales aux États-Unis, le ressort de son horreur, Peele a accompli un coup de maître. Il parvient à capter l’angoisse de l’époque, réussir un film haletant, et gagner le coeur du public en s’imposant comme une révélation.

5. Valérian et la Cité des mille planètes

Le film le plus cher du vieux continent n’a rien de très remarquable. Mais son flop, d’abord aux États-Unis, puis en Chine, en fait le pari perdu de la décennie pour le cinéma français. La méthode Coué mise en avant dans l’Hexagone, où le film a, sans étonnement, très bien réussi, n’a pas suffit à sauver Besson et son studio EuropaCorp qui a encaissé un box-office mondial très décevant.

le pari perdu de la décennie pour le cinéma français

L’action de l’entreprise a plongé, touchant à son plus bas historique, forçant le Français a se séparer de certaines de ses activités. Le film qui devait sauver l’avenir d’EuropaCorp est finalement celui qui l’a grandement mis en danger. Espérons que Taxi 5 (et 6, et 7, et 8) permettront au studio de rebondir.

6. Logan

Logan était le meilleur film de superhéros de l’année 2017. Ses qualités tiennent beaucoup à la liberté accordée à son réalisateur, qui a également tenu la plume pour le scénario — James Mangold. Il transforme l’essai en accordant à son film une dimension crépusculaire, jouant d’un futurisme triste et d’une esthétique western post-apocalyptique. Jackman, dans le rôle-titre, y offre également une de ses meilleures performances.

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Brutal, radical et rated-rLogan montrait ce que la Fox est encore capable de réaliser dans un monde dominé par Disney et Warner, qui n’osent pas ou plus envoyer de tels missiles visuels. Le rachat, en fin d’année, du studio de Logan par Disney pourrait également signer la fin, progressive, des derniers Marvel interdits au moins de 13 ans. Une raison de plus de voir en Logan un dernier mohican.

7. The Shape of Water

Lion d’or à la dernière Mostra, The Shape of Water, horriblement francisé en La forme de l’eau, est un grand film du mexicain del Toro. Plongeant, littéralement, dans un monde steampunk subaquatique des années 1950, le long métrage fantastique propose une relecture du cinéma de ces mêmes années. Celui de Jack Arnold et de sa sulfureuse Étrange créature du lac noir (1954), la bête, figure érotique et mystique, est de nouveau convoqué par le réalisateur de Pan.

Et au milieu d’une machinerie luxuriante et de décors fabuleux, il se noue le sensuel lien entre la femme et l’horrible. Connexion forcément chahutée par la folie des hommes, prêts à se détruire coûte que coûte. Une merveille du cinéma bis qui rappelle les meilleures années de celui-ci et nous laisse penser que le meilleur est encore à venir. Le long-métrage sera disponible au début de l’année prochaine dans les salles hexagonales.

8. 120 Battements par Minute

De 1989 à 2017, on compte déjà une trentaine d’années. Autant de temps qu’il a fallu pour que Robin Campillo (Eastern Boys) se saisisse, accompagné de ses camarades, de sa mémoire des années Act up-Paris.

Le temps a passé depuis le préservatif de la Concorde, depuis que des milliers de jeunes hommes ont disparu en une quinzaine d’années, fauchés dans la jeunesse ; si bien, que 120 Battements par minute a accompli plus que faire pleurer des salles entières : il a provoqué la reconnaissance publique d’une page de l’histoire française.

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Son succès en salles, la déflagration médiatique et mémorielle qui a accompagné sa sortie, et enfin les larmes qui ont coulé, ont définitivement sorti les morts d’une indifférence si longtemps entretenue. Si le film n’est plus en compétition pour les Oscars, il n’a pas failli.

9. Call Me By Your Name

Parce qu’il est le plus français des films américains depuis La La LandCall Me By Your Name est promis à de belles performances dans nos contrées malgré les multiples délais — il doit sortir fin février dans nos salles — imposés par son distributeur. Rohmerien à souhait, mais on pense aussi à Rivette ou Antonioni, Call Me By Your Name signe le retour d’un cinéma teinté d’autant de clichés grisants et que de justesse d’interprétation.

Saisie dans ses objets, ses paraboles, la romance initiatique, un rien interdite, est ici prolongée comme un motif de créations multiples. Bien placé pour les Oscars, Call Me By Your Name semble être étranger en tout du dernier gagnant, Moonlight. Les deux films partagent pourtant des scènes sur l’absence d’une beauté confondante, l’une sur du Barbara Lewis, l’autre sur Sufjan Stevens.

10. Ça

En 2017, l’horreur était définitivement au sommet de sa forme : avec Get OutÇa, emportait ce genre au plus haut du box-office. Le clown de Stephen King proposait un univers visuellement très en vogue (Stranger Things) et une fascination remise au goût du jour pour les terreurs d’enfance.

Le tout, bien que classique, était gentiment disposé dans une écriture très découpée qui faisait la part belle aux frousses plus qu’aux personnages. Ce n’est pas Christine de Carpenter, mais bien un long-métrage que l’on voit en famille, consensuellement angoissant. Une clef pour faire de Ça un des meilleurs succès de l’année, sans risque, sans éclat, mais avec une efficacité qui donne au genre une nouvelle aura et un nouveau potentiel commercial.

(ndJulienCadot : Yo Corentin, I’m really happy for you and Imma let you finish, but Star Wars The Last Jedi is the best movie of all time. OF ALL TIME.)

Source : Montage Numerama

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