Because Music, principal label indépendant français fondé en 2005 par Emmanuel de Buretel, compte intensifier son pari américain en 2018 et cela passera par le petit écran.
Porté outre-Atlantique par Benjamin Vermeil qui dirige une filiale de publication à Los Angeles, Because Music fêtait en cette fin d’année le succès critique de Rest de Charlotte Gainsbourg. L’album, pourtant francophone, de l’artiste rejoignait de nombreux tops des meilleures créations de l’année, notamment chez Pitchfork.
Après Christine and the Queens, dont le succès américain a poussé Because Music à enregistrer avec la chanteuse un album traduit, Gainsbourg rejoignait de nouveau le palmarès des artistes indépendants que l’on écoute de l’autre côté de l’Atlantique.
Mais si l’on en croit Benjamin Vermeil, les succès des Français sur les terres américaines sont de moins en moins dû au hasard et aux magazines. Celui qui a pris les rênes de la filiale du groupe français nous a parlé de ce que veut dire aujourd’hui « développer des signatures » à l’étranger, à l’heure des playlists automatiques et du streaming.
« L’effet Girls »
« Pour Christine and the Queens, tout a commencé aux États-Unis avec l’effet Girls, la série de HBO » se souvient M. Vermeil. Selon lui, beaucoup du développement des artistes indépendants passent aujourd’hui par les séries. Effectivement, alors que ces dernières n’ont jamais été aussi importantes dans les habitudes culturelles des Américains, leur programmation musicale, comme les produits qui y sont montrés, ont une force de prescription importante.
Comme les gaufres Eggo qui ont joui de l’étonnante popularité de Stranger Things, les chansons qui agrémentent nos shows préférés nous rattachent à l’univers de la série, puis, naturellement, s’invitent dans nos écoutes. D’où l’intérêt pour les labels indépendants de rester proches des studios : M. Vermeil explique ainsi « avoir un dialogue et un échange permanent avec les directeurs artistiques de la télé ». Il se souvient ainsi avoir invité au concert de Christine and the Queens la directrice musicale du hit de HBO, Girls. Résultat, les créateurs choisissent la Française pour un générique d’épisode. Le résultat est immédiat : le titre iT fait son entrée dans la vie des téléspectateurs.
En trois ans aux États-Unis, Because Music a eu le temps de s’habituer aux nouveaux enjeux du marché. Autre signature féminine, mais défi similaire : Camille, une artiste totale aux chansons francophones, a également profité de l’influence des écrans. Elle a ainsi participé à la bande-originale de Ratatouille de Pixar, où elle chante Le Festin, fascinant les Américains pour son typique parigot.
Depuis, la présence de l’artiste s’étend sur la télé américaine, jusqu’à un fameux Saturday Night Live où Emma Stone a dansé sur Ta Douleur dans un sketch devenu classique, Les Jeunes de Paris. En 2017, son album Ouï était chroniqué par toute la presse spécialisée anglophone qui compte, dont Pitchork, encore une fois.
La stratégie télé du Français paye sur différents segments de son catalogue : du duo électro Breakbot, vu dans How to make it in America, à Amadou et Mariam entendu dans Flatliners, la musique traverse l’Atlantique grâce à la télé.
« le streaming casse les frontières »
« Il y a bien sûr une barrière de la langue, car a contrario des Français, les Américains tiennent à comprendre les paroles et les chansons. Cela nous a poussé à traduire l’album de Christine and the Queens, mais il y a, toujours, une prime aux artistes originaux qui ont une histoire à raconter » constate le cadre de Because Music.
Bien sûr, le développement des signatures tient également au placement de ces dernières dans les nouvelles reines de la musique en ligne : les playlists. Pour cela, les labels entretiennent des relations avec les plateformes, mais les artistes sont également présents sur ce terrain.
« Les plateformes poussent forcément un modèle avec moins d’intermédiaires » analyse-t-on chez le label français. Toutefois, pour Because Music, aux États-Unis, le streaming représente une opportunité : « le streaming casse les frontières des marchés et de la diffusion, les goûts musicaux deviennent plus larges, on le voit tout à fait avec l’explosion de la musique latino. Pour nous, c’est l’occasion de pousser des choses risquées sur le territoire américain, comme Charlotte Gainsbourg et son album en français qui marche très bien. »
Par ailleurs, Charlotte Gainsbourg est également une artiste que le petit écran s’arrache : on retrouvait son célèbre Hey Joe dans la sensuelle série Netflix Gypsy. Encore une fois, la maison française avait cherché à séduire la direction musicale du programme, avec succès.
Côté streaming, mais vidéo cette fois, les frontières s’effacent également. Désormais, l’apparition d’une chanson dans une série d’un géant mondial est la garantie d’une mise en avant d’un titre auprès de très nombreuses populations.
Avec Netflix, le rythme de l’internationalisation des succès s’accélère donc : le jour même, les téléspectateurs vont chercher une chanson entendue et cela, aux quatre coins du monde. Le cas a été récemment remarqué avec le retour en grâce de We Might Be Dead By Tomorrow, titre de 2012 de la chanteuse française Soko.
Cette tendre ballade vient sublimer le générique de la poétique et trash The End of the f***ing world. Le titre a été retrouvé 312 168 grâce à l’application Shazam, c’est dix fois plus que n’importe quelle autre chanson de Soko, qui est, encore une signature Because Music.
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