Du scotch, des bouts de ficelles et des found footages : Blockbuster, sorti ce mercredi sur Netflix, est le premier film français du géant américain, mais il respire le système D. Loin d’une production coûteuse qui aurait été soutenue dès le début par la société de Reed Hasting, Blockbuster a en fait été sauvé par l’Américain après des débuts difficiles.
D’abord lancé en crowd-funding sur KissKissBankBank, le film pensait trouver son chemin vers les salles. Mais le distributeur aurait été frileux, laissant ce Blockbuster filer entre les mains de Netflix. Dès lors, il serait assez mesquin de s’en prendre trop durement à l’entreprise américaine pour ce film qu’elle a sauvé, même si cela interroge : tous les films ont-ils besoin d’être sauvés ?
Amateurisme théorique et pratique
Après avoir regardé le long-métrage de Julie Hygreck, la question prend une dimension particulière. Le premier film de la réalisatrice n’évite aucun écueil possible pour un tel projet : casting douteux, direction imparfaite, jeux maladroits et réalisation bancale, voire moche. On croit regarder un projet amateur ou au mieux, étudiant. L’humour a du mal à prendre et aucun personnage secondaire ne parviendra à tout à fait marquer l’écran. Blindé de défauts, Blockbuster trouve son seul salut dans son volontarisme inébranlable.
Nonobstant ses défauts techniques et artistiques, le long-métrage se tient droit jusqu’à sa dernière minute pour tenter de donner du souffle à son histoire. Et c’est peut-être là le mérite d’une comédie romantique pas très jolie mais qui croit en elle-même et en son duo de personnage. Finalement, avec beaucoup d’attention et de compromis, on trouve une certaine affection pour l’œuvre qui respire la camaraderie et les relations nœud-nœud.
Pour parvenir à se laisser porter par ce Blockbuster, il faut éprouver une certaine empathie pour un projet qui tente et assume. À la manière du personnage principal, Jérémy, qui semble brinquebalé de péripéties fortuites en décisions absurdes, le long-métrage semble dire en substance que l’échec n’existe pas et que tout est possible. En cela, il y a un zeste de ce que l’on peut aimer dans des teen movies, et une forme de synthèse du projet lui-même.
Le père Gondry sonne la fin de la récré
Quand Jérémy est largué par Lola, le film ne parvient pas tout à fait à donner du corps à cette rupture : il est encore embarrassé par le format found footage choisi par la réalisatrice pour donner de la modernité à sa réalisation. Puis passant d’une forme ludique à un cadre plus classique pour le cinéma, avec filtres de couleurs façon 500 jours ensemble, le film gagne en épaisseur.
Mais quand le garçon qui avait menti à la jeune femme tente de regagner son cœur, le scénario va de mal en pis et cède aux besoins d’utiliser des personnalités pour étoffer son propos. D’abord Manu Katché, puis Youssoupha et enfin Michel Gondry. Plongés dans le projet sans ménagements, on ne sait trop ce que ces derniers sont venus faire dans cette galère : crédibiliser un film sans têtes d’affiche ou surveiller une bande de morveux ?
Gondry, malgré tout, assure. Son empreinte sur le film est évidente et l’on finit par se douter que Julie et Tom Hygreck, à l’écriture, pourraient être ces Lola et Jérémy, se disputant pour revoir Eternal Sunshine of the Spotless Mind. Par sa présence dans le film, Gondry vient aussi comme sonner la fin de la récré : autant de bonnes intentions et de citations ne vont pas suffire pour réaliser un film pour grandes personnes. Mais il y aurait pu avoir un pire début.
Le verdict
Blockbuster
On a aimé
- Le duo Charlotte Gabris et Syrus Shahidi
- Instagram, selfie, mémoires en ligne : on a compris, c'est net
On a moins aimé
- Erreurs de jeu, de réalisation, et d'écriture
- C'est bien nœud-nœud
- Montage inégal
C'est pas terrible, certes. C'est faussement moderne et bourré de défauts. C'est Blockbuster. Les références au cinéma de Gondry, au 500 jours ensemble de Webb et aux comics ne suffisent pas à rendre le premier film français de Netflix intelligent. Son humour, très aléatoire, peu provoquer quelques malaises. Mais il y a bien, dans l'étonnant volontarisme d'un projet si précaire, une raison de se réjouir.
Ailleurs dans la presse
- Slate : « Avec son esthétique qui doit autant aux bricolages de Michel Gondry, mentor assumé du film, qu’à YouTube et Instagram, Blockbuster questionne au passage le rapport à la vérité et à la mort de cette génération d’adulescents qui aime tant à s’arranger avec la réalité. »
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