Ce début d’année 2018, Nintendo annonçait le développement et la sortie en avril prochain de Nintendo Labo, un nouvel OVNI vidéoludique que la firme a coutume de nous servir. Le principe est pour le coup inédit auprès du grand public et des habitués des jeux vidéo sur console classique : ici, le joueur fait l’achat d’un pack contenant un kit de construction en carton à monter soi-même. Une fois couplé avec la Nintendo Switch, il permet de découvrir de nouvelles expériences interactives.
La pratique n’est pas nouvelle : les jeux vidéo faisant appel à ce que l’on nomme des contrôleurs alternatifs sont une partie indépendante, qui participe à l’expérimentation d’interactivités nouvelles autour du jeu vidéo. Toutefois, c’est bien la première fois que l’on voit un constructeur de renommée mondiale axer une partie de sa gamme de produits sur ce genre d’activité.
https://youtu.be/P3Bd3HUMkyU
Nintendo toujours en quête d’innovation
Le fait qu’il s’agisse de Nintendo n’a pourtant rien d’étonnant, cela fait partie de la culture de la firme de proposer aux joueurs des expériences inédites : la mobilité avec les premières consoles portables telles que la Game Boy, la tentative infructueuse de mettre la réalité virtuelle au goût du jour dans les années 1990 avec le Virtual Boy, les expérimentations hasardeuses de nouvelles manettes avec la Nintendo 64, le motion gaming avec l’arrivée de la Wii… À l’origine entreprise de jouet, Nintendo s’est toujours naturellement tournée vers l’innovation ludique.
L’initiative mérite toutefois, comme à chaque nouvelle prise de position de Nintendo, de se poser un moment pour la réfléchir, l’analyser. Tendance en vogue depuis quelques années déjà, le Do It Yourself peut-il fonctionner en matière de jeux vidéo aujourd’hui ? Quel public est-il le plus susceptible d’être séduit ? Peut-on encore considérer ces nouvelles pratiques comme du jeu vidéo ?
Tant de questions auxquelles nous essaierons de répondre, ou en tout cas de considérer avec l’aide de François-Xavier Quencez et Rémy Sohier, tous deux chercheurs en informatique et culture numérique.
Le joueur plus actif que jamais
Aurait-on atteint un nouveau palier dans le domaine de l’interactivité vidéoludique ? Là où le jeu vidéo sur écran de TV rivalise avec la passivité supposée du média télévisuel, le Nintendo Labo est-il en train d’amorcer une nouvelle tendance où le joueur doit avant tout fabriquer ou créer le matériel avec lequel il souhaite jouer ? Si beaucoup d’utilisateurs continueront probablement de vouloir profiter d’un jeu clé en main sans avoir à bûcher pour lui faire prendre vie, le fait de proposer ce type de solution peut augurer une nouvelle approche très intéressante du jeu vidéo, pour ceux qui le voudront.
« Nintendo prolonge ce qu’on a pu voir avec Mario Maker, analyse Rémy Sohier, cette idée que le consommateur peut aussi devenir producteur de contenu et de jeu. Ça permet de contrebalancer cette image qui a longtemps collé à la peau de Nintendo, d’être assez fermé sur les créateurs nouveaux avec son Seal of quality. Ça se justifiait dans les années 80, mais aujourd’hui le marché est différent.»
Vu de l’extérieur, le risque semble toutefois de taille : Nintendo peut-il réussir à convaincre le grand public avec ses kits en carton ? Sur le plan pratique, François-Xavier Quencez juge la démarche efficace : « Le principe de l’assemblage est simple, ludique et même assez amusant. Les accessoires en cartons avant assemblage sont faciles à transporter et à livrer, car une fois l’assemblage effectué l’objet prend forcément plus de place. Quant au « risque » et à la stratégie de Nintendo, je pense que c’est en quelque sorte un coup d’essai que les constructeurs se permettent notamment grâce au récent succès de la Switch », explique-t-il.
Vers une démocratisation des contrôleurs alternatifs ?
À ce jour, l’usage et l’expérimentation de contrôleurs alternatifs, à savoir l’utilisation de matériel autre que le clavier, la souris ou encore la manette de Xbox, PlayStation ou Nintendo était bien souvent visible dans des projets indépendants, dans lesquels les créateurs étaient des développeurs en quête de nouvelles expériences, inédites, dans le cadre d’événements particuliers.
Le fait que Nintendo fasse appel à des mécanismes se rapprochant de la culture du Do It Yourself et du contrôleur alternatif permet de repenser cet aspect « marché de niche » appliqué à un public plus vaste. « On a lu la phrase « Nintendo rend populaire le contrôle alternatif », ce qui est à la fois vrai et faux, détaille Rémy Sohier. Oui l’idée de Nintendo est de fabriquer son propre contrôleur alternatif, mais la fragilité du dispositif fait que l’on risque de rester sur un usage très précis (domicile, atelier découverte). Les développeurs qui créent du contrôle alternatif se posent assez souvent la question de la solidité de leur installation (car ça a un coût, c’est un investissement). Peut être que le Nintendo Labo pourra peut être plus pousser les devs à faire du qualitatif en termes de structure également. »
François-Xavier Quencez ajoute : « Le Nintendo Labo fait parti aussi d’une idée de révolution qui concilie le jeu vidéo avec les jouets électroniques. À mon sens, il ne s’agit pas de chercher à séduire pour un produit qui sort du lot, mais de séduire dans deux domaines liés qui ont déjà fait leurs preuves. Le jouet électronique pour les enfants et le jeu vidéo pour tous les âges. Ce serait plutôt le contraire d’une activité de niche. Toutefois, si niche il y a, la cause pourrait être son prix qui fait grincer des dents ». Le prix d’un kit Nintendo Labo oscille en effet entre 64,99 € pour le Multi Kit et 74,99 € pour le Kit Robot, un budget conséquent pour une cartouche de jeu et quelques planches de cartons.
À ce stade, seule la sortie du Nintendo Labo en avril et sa réception auprès du public pourra nous apporter plus d’informations sur l’efficience de cette nouvelle tendance. Reste à savoir si les kits proposés par Nintendo séduiront les joueurs sur d’éventuelles autres activités liées à cet usage.
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