La semaine passée, la minisérie McMafia dévoilait ses dernières minutes. En France, cette superproduction anglaise aux financements multiples — BBC, AMC, Amazon — est disponible en exclusivité sur Amazon Prime.
Nous la présentions comme un sobre thriller familial, jetant sur le genre propre aux fictions du crime organisées une modernité propre à l’époque. Son final, de haute volée, a réussi à racheter les moments les plus inégaux de cette première saison et a convaincu de l’importance de ce show, mais également de la pertinence de sa démarche.
« Les gangsters ont changé »
Le titre, McMafia, est si générique qu’il pourrait se prêter à l’anthologie. Mais il faut voir derrière ce logo la signature du réel : la série marche dans les pas de la marque McMafia du journaliste Misha Glanny.
Et ce dernier n’offre pas seulement le titre de son best-seller, non fictionnel (et un caméo) à la série ; il apporte une matière sur laquelle le showrunner, Hossein Amini, a tissé sa toile. Par exemple, dans McMafia, Glanny dénonçait l’importance de Londres comme plaque tournante de la finance sale à l’échelle mondiale. Il écrivait également, après de longues investigations, comment la capitale britannique avait fait naître une nouvelle classe de parrains, proprets et éduqués, se mêlant à la haute société locale sans être inquiétés pour leurs opérations criminelles. « Les gangsters ont changé, ils ne sont plus dans l’ombre. Ils peuvent être banquiers, avocats, ministres », disait ainsi le showrunneur en référence aux personnages décrits par le livre.
Cette pègre institutionnalisée donne à McMafia, la série, sa matière : le criminel dans la ville appartient à deux mondes, perméables, mais différents. Pour aller de l’un à l’autre, le personnage est constamment renvoyé à ses propres choix.
Voir le monde offshore
Dans ce Londres huppé où glissent les transactions turpides, Alex Godman (James Norton) navigue alors d’un monde à l’autre. Issu d’une famille d’oligarques russes enrichis par la fin de l’URSS, le jeune homme a fait ses classes dans les meilleures écoles londoniennes et s’est vu, aux frais de l’argent sale du patriarche, offrir une place dans la haute société. Sans autre objet que l’évolution du jeune homme vers le crime organisé, la série met en scène avec attention, ce glissement d’un monde à l’autre. Parfois avec une certaine lenteur, mais toujours au moyen d’une sobriété convaincante.
De la sorte, le passage initiatique vers le crime d’Alex Godman ne se lit qu’au travers des rares émotions qui traversent le visage de Norton. Le Britannique joue là avec une retenue et une froideur peu réjouissantes, mais idoines. Néanmoins, l’application de la série à coller à une réalité ne se lit pas systématiquement à l’écran, ironiquement, le reporter spécialisé dans la mafia moscovite Luke Harding, s’interroge dans Le Guardian : « Qui imaginait qu’un couteau à caviar pourrait être si mortel ? ». Mais Harding tranche tout de même : « Les idées qui sous-tendent McMafia — empruntées au livre de Misha Glenny — sont assurément justes. »
Le blanchiment d’argent y est détaillé selon les méthodes qui rappellent les Panama Papers, la place centrale de Londres, mais également l’importance de la participation du Kremlin à la régulation de la mafia russe, donne à voir le monde offshore. Et si ce réalisme ne saurait être suffisant pour faire de McMafia, un thriller attirant, son casting et son mode de production, internationalisé à l’extrême avec un tournage dans une dizaine de pays, donne encore de l’envergure à ce qui est résolument une ambitieuse série européenne.
La diffusion et le financement, partagé entre la BBC, Amazon et AMC, permettent au show d’obtenir le budget nécessaire pour faire voyager ses plateaux de Moscou à Tel-Aviv, en passant par Prague, et Bombay. Les créateurs rappellent, à propos de la diffusion sur Amazon dans 200 pays : « C’est une série internationale, qui se déroule dans plusieurs dizaines de pays, et nous sommes heureux qu’Amazon nous permette de toucher le public mondial auquel la série a toujours été destinée. »
Enfin, la cinématographie appliquée et froide de James Watkins, mêlée à cette débauche de moyens, donne à McMafia l’élégance et la classe visuelle nécessaire à sa crédibilité en tant que série.
Au terme des huit épisodes, la minisérie a su montrer les muscles qui pouvaient lui faire défaut lors de ses premiers épisodes. S’imposant, par son final, comme une force tranquille, mais sérieuse de la télé européenne. Loin d’être de la trempe de The Sopranos, ses personnages et son écriture manquent de la force et de l’épaisseur de la série iconique du genre, McMafia est néanmoins recommandable et confortable.
Vous pouvez retrouver la série sur Amazon Prime — le mois d’essai gratuit vous laissera tout le temps de la savourer.
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