Formidable aventure collaborative, Wikipédia compte aujourd’hui quelques millions d’articles disponibles dans un peu moins de 300 langues. Cela dit, ces statistiques spectaculaires, comme le sont celles relatives à la fréquentation du projet, cachent un important déséquilibre entre le Nord et le Sud.
En 2015, une étude conduite par un géographe sous l’égide de l’Institut Internet de l’université d’Oxford a montré la surreprésentation de l’Occident dans la rédaction de Wikipédia. Cinq pays en particulier sont très actifs : l’Allemagne, les États-Unis, la France, l’Italie et le Royaume-Uni. Or, naturellement, cela provoque certains biais dans la manière de traiter les sujets.
Face à ce constat (que l’on retrouve sous une forme différente entre les hommes et les femmes, ces dernières contribuant moins à l’encyclopédie participative), diverses initiatives ont été tentées pour se rapprocher des internautes venant des pays du Sud, comme la pose d’un bandeau invitant les membres à internationaliser les sujets, le projet Afripedia, la version hors ligne de Wikipédia (sur une clé USB) et la version mobile (Wikipédia Zero) non facturée.
Ces projets n’ont toutefois pas été pensés pour durer ad vitam æternam.
Ainsi, le programme Wikipédia Zéro vient de tirer sa révérence. Depuis 2012, ce projet consistait à s’associer à des opérateurs de télécommunications dans le monde entier pour proposer un accès à l’encyclopédie mobile sans que la consommation de données ne soit décomptée du forfait mobile (ce qu’on appelle le « zero rating », une pratique qui débouche de facto à un contournement de la neutralité du net).
« La fondation Wikimédia a créé Wikipédia Zéro en 2012 pour surmonter un obstacle à la participation à Wikipédia : le coût élevé des données sur les téléphones mobiles. Pour ce faire, nous avons conclu un partenariat avec des opérateurs de téléphonie mobile qui, à leur tour, ont renoncé aux coûts des données pour l’accès à Wikipédia », expliquent les responsables.
Et ces derniers de livrer quelques statistiques flatteuses, qui donnent une petite idée de l’ampleur du programme, méconnu dans les pays du Nord, ces derniers ayant des réseaux et des débits supérieurs : « nous avons établi un partenariat avec 97 opérateurs de téléphonie mobile dans 72 pays, permettant ainsi à plus de 800 millions de personnes d’accéder gratuitement à Wikipédia et à ses projets sœurs ».
Et c’est peut-être une bonne nouvelle
Or, continue la fondation, il a été constaté à partir de 2016 une « baisse importante de l’adoption et de l’intérêt pour le programme ». Les raisons de cette chute ne sont pas sûres, mais elle pourrait être liée à « des évolutions rapides de l’industrie mobile, ainsi qu’aux changements dans les coûts des données mobiles ». En clair, les téléphones se répandent et le coût du mégaoctet recule dans les pays du Sud.
En somme, c’est peut-être une bonne nouvelle que Wikipédia Zéro se retire (aucun autre partenariat n’est prévu et ceux qui vont expirer ne seront pas renouvelés), car il peut s’agir d’un indice illustrant la montée en puissance des infrastructures télécoms en Afrique, en Asie et en Amérique du Sud, couplée avec la démocratisation des outils qui permettent d’en profiter, à commencer par les terminaux mobiles.
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