En 2015, Sylvain décide de démasquer l’internaute qui le harcèle depuis des mois. En 2018, il raconte son histoire.

Nous sommes en 2015 lorsque Sylvain Szewczyk, honorable créateur de Bescherelle ta mère, voit une personne aux diverses identités numériques martyriser ses fans sur sa page Facebook.

L’internaute malfaisant, en créant des brassées de pages, réussit à imposer son fiel malgré les bannissements et les blocages. Comme piqué dans son ego, celui qui se révélera être un sexagénaire décide de s’en prendre de plus en plus directement à Sylvain.

« Quatre ou cinq mois en continu »

Le vidéaste fait face à une nuée d’insultes quotidiennes, pénalement répréhensibles. Jamais épuisé, l’internaute vient et revient, essaimant sa cruauté numérique. Aujourd’hui, lorsqu’il se rappelle ces événements, le jeune homme hésite quant à la durée de la nuisance : « C’était peut-être quatre ou cinq mois en continu ». S’il ne s’estime pas alors tout à fait affecté par ce comportement, il éprouve rapidement une grande lassitude : « Je n’avais aucune envie de me le coltiner pendant un an… »

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Robotique, l’internaute malfaisant s’évertue pourtant chaque jour à changer de compte, créer des pages pour multiplier les insultes. Face à une telle absurdité (supprimer les commentaires, bloquer les nouveaux profils, encore et encore — vider un océan à la petite cuillère –), Sylvain se décide : il faut agir. Il n’obtient pourtant aucune réponse immédiate. « Quand tu sais que Facebook ne va rien faire, et que la police ne pourra pas non plus t’aider, tu es forcé de faire preuve d’inventivité » : celui qui regarde assidûment Mr. Robot va donc ruser.

Il explique désormais dans un cours sarcastique et ludique de social engineering : Sylvain remonte la trace de cet internaute dont il ne connaît pas même l’identité réelle. Façon comicbook, il éprouve le besoin de « faire justice par lui-même ». Par-delà sa propre e-tranquillité, il invoque une invitation à ne pas se laisser faire et une curiosité réelle pour la découverte du « côté social qu’il y a derrière » : qui peut être l’individu, jamais las, qui insulte jour après jour tous les internautes de sa communauté ?

« Aucun remords »

Décelant d’abord son adresse IP en piégeant l’internaute — il l’invite à se rendre sur un site de sa conception pour y trouver « quinze photos » faussement volées d’une de ses cibles.  Puis, Sylvain s’attaque à son identité, grâce à une technique de growth hacking, le click-jacking : il trouve un moyen de l’envoyer sur une page sur laquelle une malice va le forcer à suivre une page Facebook, révélant sa véritable page personnelle. Ayant toutes les informations nécessaires pour le reste des recherches, Sylvain trouve enfin son numéro et son adresse.

Mr Robot

Le créateur de Mr Robot pilote entièrement ce projet de série sur Metropolis.

Source : USA

Il s’appelle Philippe, se déclare ancien militaire, à la retraite, la soixantaine bien entamée. Une main courante peut alors être posée auprès de la police qui, sans surprise, rappelle à Sylvain qu’une telle recherche n’aurait probablement pas été possible par l’administration. La phrase fera tiquer celles et ceux qui se rendent au poste pour des affaires similaires.

En dévoilant ce Philippe, Sylvain découvre d’autres témoignages de ses victimes sur le web. Un groupe de féministes évoque ainsi avoir subi l’obsession du sexagénaire pendant plus d’un an, tous les jours.

« C’est quand même étrange de ne pas se démonter, d’être aussi entêté »

Après avoir piégé l’agresseur, le jeune homme se décide à aller à la confrontation. Il appelle Philippe. L’appel qui suit — treize longues minutes — met en lumière l’impassibilité de l’agresseur. « Il n’exprime aucun remords, n’a pas même un mouvement de recul, il assume, nous explique Sylvain avant d’ajouter : c’est quand même étrange de ne pas se démonter, d’être aussi entêté ». Il tient tête, il fait revenir le sexagénaire sur ses méfaits, l’autre insiste, la voix teintée de fierté. « Cette confrontation finale montre qu’en fait, le type est dans la vie comme il est en ligne », résume notre justicier.

FacebookAngry

Brisant le mur de l’écran, on est forcé de reconnaître la douloureuse vérité : le retraité est « un con de A à Z ». Par-delà la fiction collectivement admise que le harcèlement du web est pratiqué par des ados inconscients, des personnes qui n’oseraient dire à voix haute l’inanité de leurs commentaires, Philippe est ce roc imperturbable qui ne bouge pas. « Quand tu as soixante ans, que tu fais ça pendant des années, tu es la preuve qu’il n’y a pas de profil type de harceleur », juge Sylvain. C’est peut-être le moment de le rejoindre : Internet catalyse, déforme et amplifie ; mais Philippe, qu’il soit en bas de chez vous ou sur Facebook, reste un nuisible.

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