Dans l’océan d’ennui des conférences Electronic Arts, A Way Out était venu réveiller les joueurs exténués à l’occasion de l’EA Play 2017, événement organisé en marge de l’E3. Développé par les développeurs à l’origine du très apprécié Brothers : A Tale of Two Sons, A Way Out a tapé dans l’œil des initiés par sa promesse alléchante assumée jusque dans les propos forts en gueule du créateur se cachant derrière, en l’occurence celle d’être une expérience strictement jouable à deux.
Un obstacle certain mais qui fait dire à Josef Fares, auteur et réalisateur : « Ce jeu [est] une expérience en coop profondément nouvelle, sans rapport avec ce que vous avez pu voir auparavant ». On peut d’emblée comprendre une chose : A Way Out veut proposer quelque chose de différent, à partager avec un autre humain. Une ambition louable à une époque où les titres les plus populaires veulent ériger un seul et unique gagnant.
1+1=1
Sans en dire trop sur le scénario, puisque cela reste l’ingrédient principal d’un jeu très — voire peut-être trop — porté sur la narration, il s’articule autour de deux personnages au caractère à la fois bien trempé et diamétralement opposé. Ils sont néanmoins animés par un but commun : sortir de la prison dans laquelle ils sont enfermés pour se venger d’un ennemi qui les rapproche. S’en suit une évasion et une avalanche de situations au parfum volontairement grand-guignolesque, propres à conférer le sentiment d’assister à un buddy movie plutôt bien écrit, astucieusement mis en scène et, en prime, référencé (si on vous dit Old Boy ?). Du genre à faire sourire puis à émouvoir. Un plaisir savoureux à partager comme un Twix, une barre d’émotion chacun.
L’implication apparaît donc totale dans A Way Out : on s’attache vite au duo de héros de fortune et à leurs nombreux échanges verbaux à même de faire avancer le schmilblick. Parfois conflictuelle, leur relation est au coeur de l’intrigue et de leur entente forcée naîtra la réussite de leur mission.
Elle régit aussi les rapports que vous entretiendrez avec celui qui tiendra l’autre manette, qu’il soit à côté de vous ou n’importe où grâce à la magie du jeu en ligne (il y a même un pass ami pour faire jouer un pote sans qu’il n’ait besoin de payer). Car on parle ici d’un vrai gameplay coopératif, en binôme, pas seulement de deux personnes qui font leur vie chacun de leur côté et se croisent de temps en temps pour que l’un fasse la courte échelle à l’autre. Dans A Way Out, il faut travailler de concert : les deux joueurs ne font qu’un, une formule que ne renierait pas Jean-Claude Vandamme et son célèbre 1+1=1.
Interactions humaines
Bien évidemment, certains moments sont résolument solitaires — c’est voulu — mais il y a suffisamment de passage réclamant de la solidarité pour affirmer que la proposition d’Hazelight est réussie. Dans les grandes lignes, nonobstant quelques maladresses dans les portions orientées action (courses-poursuites interminables, phases de tir en TPS inoffensives). Le fait est que l’on se prend très vite au jeu : on discute du moindre choix avec son équipier, on se chamaille sur l’approche à choisir dans certains passages clefs (avec un système de vote astucieux), on s’engueule quand l’un a zappé une QTE provoquant un game over. Si vous cherchez un vrai jeu coopératif, A Way Out avance de sérieux arguments et se paie le luxe de faire vivre deux aventures différentes, car asymétriques — aux participants. Une autre réussite pouvant même donne envie d’y rejouer en incarnant l’autre héros.
A Way Out veut aussi être un titre accessible, avec un gameplay simple et clair, même quand les choses s’accélèrent un peu. Hazelight rêve sans doute de pouvoir faire goûter son bébé à un maximum de monde avec des objectifs universels et parlants, un réalisme qui n’effrayera personne et un fil conducteur bien délimité pour ne jamais être perdu.
Les développeurs n’ont pas lésiné sur les petits détails qui font mouche non plus, en témoignent ces interactions optionnelles humanisant le casting et ne manquant jamais de renforcer l’immersion au gré de mini-jeux rigolos (il y a par exemple un vrai Puissance 4). Le studio a voulu soigner ce qui entoure les héros, notamment les personnages secondaires nourrissant leur histoire personnelle, et c’est encore mieux pour le cheminement amenant à l’identification.
Le buddy movie du dimanche soir
Hormis la nécessité d’être deux pour en profiter, ce qui laissera sur le banc de touche les égoïstes et ceux qui n’arrivent pas à faire confiance à autrui, A Way Out touche ses limites dans les arguments techniques sur lesquels il s’appuie. Graphiquement fauché, pour être poli, il peine à faire plaisir aux yeux, souffre de quelques décrochages dans les cinématiques et affiche parfois des bugs résiduels et/ou de caméra. Des tares qu’il compense par sa faculté à empiler les décors reposant sur diverses ambiances malgré l’intrigue très terre-à-terre et vite expédiée. C’est un peu générique mais suffisamment varié pour oublier les défauts visuels et l’aspect quelconque du rendu.
A Way Out sortira le 23 mars sur PC, PS4 et Xbox One.
Le verdict
A Way Out
On a aimé
- Un vrai jeu coop
- Bien écrit
- Des idées partout
On a moins aimé
- Pas bien beau
- Action à revoir
- Pas d'ami, pas de jeu
S'affirmant d'entrée comme l'expression la plus pure de ce que devrait être une expérience coopérative, A Way Out ne ment clairement pas sur la marchandise. Derrière l'apparente obligation de devoir trouver un compère pour vivre cette aventure originale se cache un bonheur à partager : où la solidité et le travail en binôme deviennent essentiels. Et où l'identification est palpable à mesure que les liens entre les héros, voire les joueurs, se tissent.
On n'oubliera pas non plus de mettre en exergue la finesse d'écriture, accouchant peut-être d'une histoire classique mais qui n'a rien oublié en cours de route dans sa volonté d'assurer un spectacle tantôt drôle, tantôt émouvant. Mais toujours à vivre en compagnie de quelqu'un avec qui il faudra interagir.
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