Le dix-neuvième film de Marvel Studios, sorti ce mercredi 25 avril 2018 en France, parvient à dépasser son statut de blockbuster commercial pour proposer une suite désarmante au développement tentaculaire d’une franchise devenue incontournable.

Attention, cette critique contient des spoilers sur toute l’intrigue d’Avengers: Infinity War.

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Il y a quelques années encore, lorsqu’on allait voir un film Marvel au cinéma, il était de bon ton de jeter un regard moqueur aux néophytes qui, ignares, quittaient la salle aux premières notes du générique de fin. Ces gens là n’avaient-ils toujours pas compris que le studio diffuse toujours un teaser de ses prochains films à la fin de ses blockbusters ?

Aujourd’hui, personne ne sortira d’Avengers : Infinity War avant la dernière image de la pellicule. Peut-être retrouvera-t-on même, dans quelques jours, des fans tapis entre deux sièges, espérant encore glaner une seconde de plus du film le plus bouleversant de Marvel Studios. Mais faut-il vraiment le comparer à ses prédécesseurs, tant il emprunte magistralement à d’autres ? On pense immédiatement aux Watchmen (2009) de son concurrent DC ainsi qu’à X-Men: Days of Future Past (2014). Mais là où les mutants de Marvel finissaient par s’en sortir grâce à une pirouette spatio-temporelle, Avengers: Infinity War va jusqu’au bout de son pari apocalyptique.

À la fin, c’est le méchant qui gagne. Du moins pour l’instant.

Source : Marvel Studios

Capture d’écran de la bande-annonce Avengers: Infinity War de Marvel Studios. YouTube.

Le gigantesque Thanos (Josh Brolin), monstre intense à la fois calme et violent, est l’atout principal du blockbuster. Mû par une obsession écolo-génodicidiaire — éradiquer 50 % de la population pour palier l’épuisement des ressources naturelles —, il se montre sincère et touchant, loin des archétypes de super-vilains irrationnels. S’il n’attire aucune sympathie, il fait régner une vraie terreur sur le film — peut-être parce que l’on pressent, dès le départ, qu’il finira par l’emporter.

Dépasser le statut de produit commercial

Voilà dix ans que le premier long-métrage de la franchise Marvel Cinematic Universe (MCU), Iron Man, est sorti en salles. 18 films plus tard, Avengers: Infinity War incarne l’aboutissement d’un travail de précision (parfois) et du développement (toujours plus) tentaculaire d’une franchise devenue incontournable.

À l’annonce du casting, il était pourtant difficile d’adouber à l’aveugle ce qui ressemble à un empilement de costumes en latex et regards déterminés, annonciateurs d’un produit commercial qui assume son nom. Mais « le crossover le plus ambitieux de l’histoire » (expression raillée en ligne mais pourtant factuelle) parvient à se jouer des reproches et les transforme finalement en atouts. « Qui ça ? » entend-on demander les Gardiens de la Galaxie lorsque l’on mentionne Thor. « Oh, on doit utiliser nos faux noms quand on se présente », lance un Peter Parker naïf en empoignant pour la première fois la main de Docteur Strange.

La fascination pour une lutte perdue d’avance

Avec autant de personnages à caser, il fallait une intrigue claire et peu d’ambiguïté. Ce qui pourrait décevoir les aficionados les plus exigeants permet de profiter du rythme effréné de l’action, sans avoir l’impression de passer à côté de la moitié des informations. Ainsi Thanos n’a-t-il qu’un objectif : récupérer les six pierres d’infinité qui lui confèreront le pouvoir d’anéantir une civilisation en un claquement de doigts. Aux autres de l’en empêcher.

Captivés par cette lutte que l’on devine perdue d’avance, on assiste à cette réinterprétation du mythe de Sisyphe, aussi désespérément optimistes qu’un Spider-Man qui virevolte au milieu du champ de bataille, et lance des toiles à tout-va pour récupérer les corps désarticulés de ses camarades, que Thanos n’a de cesse d’envoyer valser.

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Capture d’écran de la bande-annonce Avengers: Infinity War de Marvel Studios. YouTube.

Les carrefours de l’intrigue ne réinventent rien mais jouent bien leur partition : un héros doit choisir s’il préfère sacrifier la vie d’une personne pour en sauver d’autres. Dont acte : Loki sauve Thor. Gamora sauve sa soeur. Scarlet Witch veut sauver Vision. Puis lorsque l’on commence à se lasser de cette mécanique redondante, quelque chose se brise enfin, et les protagonistes basculent douloureusement dans l’acceptation du sacrifice. « Ce n’est pas juste, que ça tombe sur toi, mais c’est comme ça », admet Vision, détenteur d’une des pierres, devant sa bien-aimée. La douleur de l’être perdu est bien plus lourde que pour celui qui s’en va. C’est émouvant. Mais trop tard. Peter Quill consentira à tuer sa bien-aimée pour le bien de la galaxie, mais Thanos contrôle déjà tout. La Sorcière rouge en fera aussi l’expérience masochiste.

Suspense versus communication

La domination du super-vilain se montre alors dans les ralentis, à la manière des buildings qui s’effondrent à la fin de Fight Club ou des mutants massacrés dans les dernières minutes de Days of Future Past. Les héros sont, un par un, balayés d’un revers de la main. Cette main qui n’aura qu’à faire résonner une seule fois l’articulation de son pouce contre son majeur, et tout s’arrête. L’utopie insensée de Thanos a débuté ; une personne sur deux est décimée, au hasard, s’évaporant doucement en grossiers flocons de poussière brune.

Des héros de l’affiche surchargée, il ne reste à présent plus que la moitié. Le hasard est parfois peu surprenant : les seuls à survivre sont le cast d’origine, les Hulk, Captain America et autre Black Widow que l’on a, paradoxalement, peu vus au cours de cette aventure. On notera qu’à l’exception de Scarlett Witch et Gamora, un peu plus chanceuses, les femmes restent largement minoritaires en nombre et en temps passé à l’écran (il faudra attendre une bonne trentaine de minutes avant de voir un personnage féminin qui ne soit pas là uniquement pour s’inquiéter du bien-être de son cher et tendre).

Vision, Docteur Strange, Spider-Man, l’équipe des Gardiens — à l’exception de Rocket —, Scarlett Witch, Black Panther et le Faucon ont donc disparu. Et maintenant, quoi ? C’est là où Marvel Studios se tire une balle dans le pied. Si le studio a réussi un coup de génie en faisant d’Avengers : Infinity War la première étape d’un long-métrage en deux parties (Avengers 4 est prévu pour 2019), sa communication à long terme nous empêche de croire en la disparition définitive de tous ces héros volatilisés. N’y a-t-il pas en préparation, un Black Panther 2, Spider-Man 2 et Doctor Strange 2, prévus pour une sortie post-2019 ?

On réévalue alors le geste du Docteur Strange avant la bataille finale, qui a si rapidement accepté de sacrifier son joyaux pour sauver Tony Stark. S’il a choisi de remettre sa pierre du Temps à Thanos, ce n’est certainement pas pour une seule vie, aussi garante-du-Cool soit-elle. Stark n’a été épargné que parce que le personnage de Benedict Cumberbatch a entraperçu 14 millions de fins possibles à leur combat, et que, selon ses propres mots, une seule d’entre elle se finissait bien. On ne peut que déduire que pour que celle-ci se réalise, il fallait en passer par la victoire — provisoire ? — de Thanos. La deuxième partie dira si le Docteur a vu juste.

Le verdict

Marvel Studios
10/10

Avengers: Infinity War

Avengers: Infinity War réussit son pari et transforme son 19e film en une œuvre dense et désarmante, et met en scène le meilleur super-vilain de l'histoire de Marvel Studios.

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