« Mon coming out », « mon premier baiser avec un autre garçon », « nous avons fait l’amour à l’arrière de ta voiture », « j’ai fait mon coming out auprès de mon meilleur ami » : sur la carte créée par Lucas LaRochelle, les nombreux points noirs n’indiquent pas la localisation d’une ville ou d’un pays. Ils représentent des instants de vie, vécus par des personnes queer.
Cette arborescence de points forme une carte interactive, baptisée « Queering the map ». Sur ce planisphère, toute personne queer (qui ne s’identifie pas comme hétérosexuelle) peut choisir d’ajouter un point supplémentaire, de manière anonyme. Chacune de ces marques présente ainsi un endroit important, car lié à des anecdotes romantiques ou sexuelles, à des récits de coming out, ou à des réflexions plus larges sur l’identité queer.
L’architecture et l’espace façonnent l’identité queer
« Tout a commencé il y a un an, nous raconte Lucas LaRochelle via Skype. J’avais déjà un intérêt personnel pour la cartographie. J’ai réalisé que l’architecture et l’espace pouvaient m’informer sur ma propre identité queer. »
C’est au cours de ses études à l’Université Concordia de Montréal (Canada) que Lucas a entamé la conception de cette carte. « Ce projet fait partie de mes études et de mes recherches dans le domaine du design. Et j’ai bien sûr un intérêt personnel, et sentimental, pour l’architecture et l’histoire des personnes queer », poursuit-iel (à sa demande, nous utilisons un pronom neutre et des points médians pour désigner Lucas dans cet article).
Vies individuelles, histoire collective
Le choix de faire une carte interactive s’est rapidement imposé à Lucas LaRochelle. « Je voulais voir, en tant qu’histoire collective des personnes queer, ce que cette carte pourrait donner, plutôt que de chercher à montrer ma propre perspective de l’identité queer. Sur les réseaux sociaux, j’ai le sentiment qu’on recherche la performance individuelle. Ici, l’individualité devient en quelque sorte une expérience collective », nous fait-iel observer.
Ainsi, cette carte collective cherche à représenter la diversité des définitions que chaque individu associe à ce terme. « J’ai ma propre définition de l’identité queer, et elle est intimement liée à ma propre communauté. Or, la définition de l’identité queer est fluide et toujours en évolution », complète notre interlocuteur•rice.
L’anonymat des participants et participantes était également un prérequis lors de la création de cette carte. « Tout d’abord, pour des questions de protection des données personnelles, nous indique Lucas LaRochelle. Sur Queering the map, il n’est pas nécessaire de créer un profil, de posséder une adresse email, et personne n’est géolocalisé. Ceci est particulièrement important pour les personnes qui ajoutent des points, et qui vivent dans des endroits dangereux pour les personnes queer. »
Sans que les personnes concernées n’aient besoin de s’identifier, elles contribuent ainsi à créer une voix collective. « Le pouvoir de l’anonymat est un élément reconnu pour contribuer aux actions collectives », ajoute-t-iel.
Le pouvoir de l’anonymat
Aujourd’hui, la carte regroupe pas moins de 16 000 points, dispersés dans le monde entier. Si la majorité des notes qui leur sont associées sont écrites en anglais, d’autres langues se fraient un chemin sur ce planisphère, comme l’espagnol, l’arabe et le japonais. Dans l’hexagone, on trouve même quelques textes écrits en français.
« À long terme, l’objectif serait de pouvoir traduire tout le site dans différentes langues, ainsi que toutes les publications sur la carte », complète Lucas LaRochelle. Une collecte de fonds a d’ailleurs été lancée par ses soins sur GoFundMe, afin d’améliorer sa création.
Attaquée en février, puis remise en ligne
Le 8 février 2018, la carte mise au point par Lucas LaRochelle a été victime d’une attaque. Des internautes ont inondé la carte queer de messages en faveur de Donald Trump, nuisant ainsi au message initial du projet créé à l’attention des personnes queer. Deux mois plus tard, Queering the map a finalement pu être remise en ligne, avec tous ses lieux intacts, et les messages malveillants supprimés.
Lucas LaRochelle avait alors fait savoir que son site accueillait une équipe de modérateurs, chargée de s’assurer qu’aucun spam et qu’aucun contenu dangereux ou haineux ne puisse trouver son chemin jusqu’à la carte.
« Les personnes queer existent partout »
« L’objectif de cette carte est de montrer que les personnes queer existent partout », affirme-t-iel. Face au sentiment de solitude qui peut toucher les personnes s’identifiant comme queer, Lucas LaRochelle espère que son projet les aidera à réaliser que les identités LGBTQ+ sont représentées partout dans le monde.
« Vous aurez moins le sentiment d’être seul, lorsque vous lirez sur cette carte un texte écrit par une autre personne, dans votre région du monde », conclut-iel.
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