Chaque jour qui passe sur Instagram, le compte The Great Women Artist s’enrichit de l’œuvre d’une artiste. Depuis Londres, la commissaire d’exposition Katy Hessel nous raconte comment le réseau social lui permet de promouvoir l’art des femmes.

« Célébrer l’art des femmes quotidiennement » : en guise de description, ces quelques mots résument l’objectif poursuivi par le compte de Katty Hessel, créé sur Instagram il y a presque quatre ans. Sur la page de The Great Women Artists, chaque nouvelle journée apporte avec elle la photographie d’une œuvre, et met en avant son autrice.

« J’ai ouvert ce compte en octobre 2015 pour mettre en lumière les grandes femmes artistes de l’histoire, ainsi que pour donner une plateforme aux artistes brillantes qui travaillent aujourd’hui, tout ceci étant écrit de manière accessible », nous explique Katy Hessel.

Ignorées par l’histoire de l’art

La commissaire d’exposition, qui travaille au sein de la galerie d’art Victoria Miro à Londres, n’a pas attendu de se lancer sur Instagram pour promouvoir l’art des femmes. « J’ai organisé des visites gratuites à la galerie Victoria Miro, où nous exposons actuellement des peintures abstraites faites par des femmes. Je passe également beaucoup de temps, en dehors de mon travail, à écrire au sujet des artistes, à visiter des expositions et rencontrer des artistes dans leurs studios », note notre interlocutrice.

Les femmes artistes, en particulier, car il y a tant d’histoires incroyables et méconnues qui ont été largement ignorées dans l’histoire de l’art ».

Pour réunir ces œuvres négligées, la commissaire d’exposition britannique multiplie les sources et les inspirations. « Je passe du temps sur les sites des musées, qui proposent souvent beaucoup d’informations sur leurs collections. Je suis constamment en train de lire des sites spécialisés dans l’art, comme Artsy, pour trouver de l’inspiration, et de rechercher sur Google les expositions en cours dans le monde entier », nous raconte Katy Hessel.

C’est aussi parfois au détour d’une conversation qu’elle découvre de nouvelles artistes à mettre en avant sur The Great Women Artists. Le réseau social Instagram, en plus d’être le support de l’initiative, « est aussi une excellente source, car de nombreux artistes ont un profil, de même que les comptes des musées et des galeries qui montrent leurs artistes ».

Le seul impératif que s’est fixé Katy Hessel sur ce compte Instagram est de poster des publications mettant en lumière le travail de femmes artistes. « Je publie toutes sortes d’œuvres d’art, allant de la sculpture, aux installations, à la peinture, aux performances jusqu’à l’architecture. Je suis plus attirée par certaines œuvres que par d’autres, ce qui donne un angle particulier au compte, car je choisis des œuvres qui me touchent particulièrement », nous confie-t-elle.

Démocratiser l’art

Ce n’est pas non plus un hasard si, de tous les réseaux sociaux de la toile, Katy Hessel a choisi Instagram pour parler d’art : « Instagram démocratise complètement l’art et les artistes, et donne une plateforme à des artistes qui ne seraient pas connus autrement. N’importe quel artiste peut être sur Instagram, peu importe son âge, leur ethnie, leur origine — je connais même une artiste de 94 ans sur Instagram, Suzanne Perlman ! — et le choix de leur support, qu’ils fassent des performances, de la sculpture ou du tissage ».

Katy Hessel poursuit ses efforts pour mettre en lumière les femmes artistes en dehors du réseau social, dont elle tient à souligner le rôle de tremplin qu’il veut avoir pour les créatrices. « En novembre dernier, j’ai organisé une exposition sur les femmes artistes qui ont utilisé Instagram comme relais pour leur carrière. J’essaye aussi d’organiser des conférences sur les femmes artistes autant que possible. J’espère pouvoir commencer un podcast dans lequel je discuterai avec des artistes ! », annonce la Britannique.

Katy Hessel souligne enfin que, en dépit des efforts fait par les musées et lieux consacrés à l’art, les femmes sont encore peu représentées. Elle se réfère notamment aux observations des Guerilla Girls, un groupe d’activistes féministes qui tente de promouvoir l’art des femmes et des personnes racisées.

« C’est évident dans les principaux musées : à la National Gallery de Londres, moins de 15 des 2 300 collections sont l’œuvre de femmes. Avec des personnalités comme Maria Balshaw et Frances Morris à la direction de la Tate et du Tate Modern, les grands musées changent et vont vers un futur plus diversifié », note Katy Hessel.

Les grands musées vont vers un futur plus diversifié

Elle regrette également que quelques femmes, comme Ann Sutherland Harris ou Linda Nochlin, doivent encore se poser en « championnes des artistes féminines » dans les livres d’histoire de l’art, qui passent par ailleurs sous silence les travaux de nombreuses autres femmes. « Même si cela change sensiblement », concède-t-elle.

Pour rendre visible le travail artistique de personnes issues de minorités, Instagram n’est pas le seul réseau plébiscité. Depuis quelques années, Twitter voit ainsi éclore des hashtags émancipateurs, comme #VisibleWomen ou #DrawingWhileBlack.

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