En France, rares sont les petits chanceux à avoir échappé à la chanson Bella Ciao. À cause du succès retentissant de la série La Casa de Papel sur Netflix, le titre révolutionnaire remis au goût du jour a envahi les réseaux sociaux, les boîtes de nuit et même le monde du hip-hop français.
Pourtant, la série espagnole, diffusée par Netflix à partir de décembre 2017, n’a pas eu le même écho partout dans le monde. Dans une longue enquête publiée le 10 juin 2018, le média américain Vulture rapporte que la Casa de Papel a eu un succès mitigé au Canada, au Royaume-Uni ainsi qu’aux États-Unis. Et que la plateforme a cherché à palier ce problème avec la solution la plus décriée du monde des séries : une adaptation américaine de la série espagnole.
L’incontournable marché américain
C’est Erik Barmack, le responsable des contenus internationaux originaux de Netflix (comme Marseille en France), qui a expliqué à Vulture « l’étrange particularité » de la Casa de Papel (Money Heist, en anglais) : être « énorme dans les pays non-anglophones, mais relativement petite aux US, au UK et au Canada. »
Cela n’a pas empêché à la série espagnole de devenir « la série non anglophone la plus regardée » de la plateforme en moins de quatre mois, et d’être rachetée par Netflix pour pouvoir produire une Partie 3 exclusive. Mais ce succès mitigé, notamment aux États-Unis, a beaucoup travaillé les cadres dirigeants de Netflix.
Il faut dire que si la plateforme de SVOD met aujourd’hui le paquet pour conquérir l’international, le marché américain représente à ce jour près de la moitié des abonnés : sur 125 millions d’abonnés dans le monde, 45% sont aux États-Unis (56,7 millions de personnes). Aujourd’hui, cette base d’utilisateurs est donc encore incontournable — bien que, comme le montre ce graphique de Statista, son taux de croissance soit bien plus faible que celui à l’international.
La même tentation que les chaînes classiques
Vulture rapporte qu’Erik Barmack a donc réfléchi avec Ted Sarandos, le grand patron des contenus chez Netflix, à une manière dont ils pourraient adapter le concept de La Casa de Papel à d’autres pays. « On ne se demande pas si on peut prendre le script ligne par ligne de la Casa et le transposer aux US », insiste Barmack, « Mais on se demande : ‘est-ce qu’on n’a pas mis le doigt sur quelque chose, quelque chose autour de ce gros casse, des personnages qui ont un nom de ville, de l’humour, est-ce qu’on pourrait en faire une version aux US ou au UK ?’»
C’est pourtant un terrain sur lequel Netflix a toujours refusé d’aller, et pour cause : c’est un concept vu d’un très mauvais œil dans le monde des séries. Rare sont les productions étrangères dont les adaptations américaines sont considérées comme réussies — quelques exceptions comme The Office, Shameless ou Homeland à ses débuts, viennent confirmer la règle. Que l’on pense à Skins (US), The Returned (l’adaptation des Revenants de Canal+),The Inbetweeners (US), Gracepoint (l’adaptation de la série anglaise Broadchurch), The IT Crowd… la liste des adaptations américaines qui ont dénaturé l’originale sans rien apporter de neuf est longue. Ces programmes n’ont d’ailleurs pas duré très longtemps, faute d’audience et de succès critique.
« On pourrait faire venir la série aux États-Unis, et la même équipe décide de braquer Fort Knox »
L’enquête de Vulture souligne que malgré ces nombreux exemples, et une connaissance pointue du marché des séries, Netflix n’est finalement pas si différent des diffuseurs de la télévision linéaire historique lorsqu’il s’agit de compréhension des goûts des spectateurs. Même si Barmack explique que des membres de son équipe l’ont découragé de se lancer dans une telle adaptation, et qu’il admet lui-même que cela reviendrait à se « tirer une balle dans le pied », la plateforme vise un marché global. Et une série qui a un succès modeste dans plusieurs pays où se trouvent un grand nombre de ses abonnés soulève forcément des interrogations.
Comme Reed Hastings, le PDG de Netflix, nous l’avait expliqué en avril dernier, l’algorithme de la plateforme est utile pour détecter des tendances, mais personne ne connaît vraiment la recette magique pour produire un programme qui fonctionnera à coup sûr. Ted Sarandos a quant à lui confirmé à Vulture que lorsqu’il ne voyait pas venir un succès, comme avec la popularité de la série The End of the F***ing World, il s’agissait en soit d’un « échec » pour lui et ses équipes.
De son côté, le créateur de la série Álex Pina a proposé une autre solution : qu’un nouveau volet de la Casa de Papel soit tourné aux États-Unis avec les mêmes acteurs, et que « la même équipe décide cette fois de braquer Fort Knox. »
El Profesor emmènera-t-il ses équipes outre Atlantique pour la troisième partie de la Casa de Papel, prévue pour 2019 ? Pour Barmack, l’idée est en tout cas parfaite : « C’est une idée à la fois fine, on reste avec les mêmes personnages, on pourrait même appeler ça un spin-off, tout en restant loyaux à la vision de la série. Ce serait génial.»
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