On parie que vous n’avez pas vu… est un rendez-vous imaginé par la rédaction de Numerama pour vous proposer des films méconnus ou moins évidents que les chefs d’œuvre de leurs réalisateurs et réalisatrices.
Pour beaucoup, Nicolas Winding Refn est l’homme derrière Drive, célèbre pour sa bande son (« Nightcall » de Kavinsky) et le mutisme de Ryan Gosling. Pour d’autres, il est le réalisateur de la trilogie Pusher ou de Valhalla Rising. Quelle que soit l’œuvre grâce à laquelle vous l’avez découvert, NWR — pour les intimes — est un esthète de l’image, capable de sublimer les rues criminelles et poisseuses de Bangkok dans Only God Forgives ou de transformer l’un des prisonniers les plus célèbres d’Angleterre en icône gay (Tom Hardy dans Bronson).
Clivant, Nicolas Winding Refn l’est assurément. D’aucuns estiment que ses films sont creux. Qu’ils ne sont que beauté cinématographique. Avec The Neon Demon, il provoque, en quelque sorte, ses détracteurs : sa fable gore et psychédélique est un film esthétique parlant d’esthétique. Une mise en abyme on ne peut plus sublime, qui convoque le monstrueux et le magnifique. Un film hué au Festival de Cannes comme s’y attendait sans aucun doute son auteur, moins attaché à plaire qu’à matérialiser ses obsessions.
Beauté fatale
The Neon Demon commence comme un conte de Walt Disney. Elle Fanning, Bambi naïf au visage angélique, débarque dans la Cité des Anges avec des rêves pleins la tête. Jeune, délicate, immaculée, elle désire faire son trou dans le milieu si cruel de la mode. Parmi les requins et les prédatrices refusant de vieillir. En sous-texte, le chacun pour soi devient le maître mot. Pour percer, il faudra que la proie devienne prédatrice à son tour, bravant les interdits un par un alors que les sorcières préparent un rite sacrificiel.
« Je voulais faire un film sur la beauté, et son pouvoir. Si vous regardez l’Histoire, notre culture, notre mythologie, la beauté a toujours été un facteur dominant », explique Nicolas Winding Refn dans des propos rapportés par The Independent.
La beauté n’est qu’injustice. Sauf quand on est capable de la modeler à sa guise comme le fait Nicolas Winding Refn. Son The Neon Demon est un mélange, une farce parfois, un kaléidoscope, souvent. D’un côté, il électrise l’audience avec son sens du cadre, son utilisation astucieuse des éclairages et des miroirs. De l’autre, il effraie en transformant un rêve en cauchemar. La quête de la perfection devient peu à peu un film d’horreur, tombant parfois dans la facilité (les scènes choquantes au message cryptique) ou la métaphore (la comtesse Bathory ou le culte de la jeunesse éternelle).
« Que vous l’aimiez ou le détestiez, je m’en fiche. Car il est exactement comme je le voulais. Cela veut dire qu’il va polariser. » — NWR dans les colonnes de The Independent
À l’image d’un mannequin, The Neon Demon est d’une beauté froide, où rien ne dépasse — fruit d’une quête de la perfection géométrique. Comme un défilé de mode cynique, il enchaîne les séquences misant sur la séduction, l’esbroufe, le m’as-tu vu, les artifices, les musiques électro-angoissantes. Une succession de clips effrayants, donnant l’impression que Nicolas Winding Refn accepte de tomber dans la caricature, de céder à ses propres démons pour donner du grain à moudre à ceux qui décrient son oeuvre. Une volonté assumée à demi-mot par une phrase prononcée ainsi : Beauty is not everything. It’s the only thing. Une fatalité pour les filles montrées à l’écran, qui fanent jour après jour face au monstre qui ne fait que s’alimenter lui-même.
Difficile, dès lors, de ne pas succomber au charme hypnotique de The Neon Demon, de ne pas lui pardonner ses travers, de ne pas se contenter, pour une fois, des apparences, de ne pas résister à la puissance du paraître. Sorte d’anti-Drive, The Neon Demon est une beauté fatale : on le regarde, on rêve et on n’a jamais envie de l’oublier. Parce que, de toute évidence, la tentation est partout.
The Neon Demon est disponible en DVD et Blu-ray sur Amazon.
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