On parie que vous n’avez pas vu… est un rendez-vous imaginé par la rédaction de Numerama pour vous proposer des films méconnus ou moins évidents que les chefs d’œuvre de leurs réalisateurs et réalisatrices.
Célèbre pour ses tubes créés sous le pseudonyme Mr. Oizo (vous vous souvenez peut-être de la publicité Levi’s avec le bonhomme jaune), Quentin Dupieux est également un réalisateur de films. Le 4 juillet 2018, à l’occasion de la sortie du long métrage Au Poste! avec Benoît Poelvoorde en tête d’affiche, nous avons décidé de revenir sur l’une de ses premières folies cinématographiques : le bien nommé Rubber.
En regardant la bande-annonce de Rubber, vous n’allez plus savoir où vous êtes. On vous aide un peu : dans le désert californien, un pneu laissé à l’abandon se réveille d’entre les morts avec des pouvoirs de télékinésie lui permettant de détruire tout ce qu’il veut à distance. Il va alors entreprendre un peu trip meurtrier, guidé par son attirance pour une jeune femme.
L’absurdité à son meilleur
Rien ne sert de vraiment comprendre ce qui se trame dans Rubber, sinon d’apprécier l’imagination débordante de Quentin Dupieux, pour qui un serial-killer sans véritable mobile peut très bien prendre l’apparence d’un pneu prénommé Robert et joué par Goodyear. Il en résulte une accumulation de scènes toutes plus barrées et absurdes les unes que les autres. Alors qu’intellectuellement on devrait pester contre le non-sens permanent, la magie opère. Grâce à la beauté des images déjà, qui traduisent une vraie vision du sens du cadre et de la photographie. Puis au what the fuck 100 % assumé par Quentin Dupieux.
Beau, inspiré, drôle, touchant, effrayant, zinzin
À la frontière du film expérimental et du pur exercice d’essai — avec tout ce que cela implique comme sous-texte cryptique –, Rubber est en prime une formidable réussite technique. Armé d’un simple appareil photo, Quentin Dupieux a terminé le tournage en très exactement deux semaines. Dans un entretien accordé à Films-horreur le 14 octobre 2010, il revient sur cette production éclair : « Le film a été tourné en 14 jours, et finalement nous n’avons fait que tourner, en équipe réduite. En étant derrière cet appareil photo, j’ai retrouvé les sensations que j’avais quand je filmais à l’adolescence. » Les contraintes techniques initiales n’ont en tout cas pas inhibé sa créativité. Car, chez Dupieux, c’est l’appareil qui se met au service de celui qui le manie, non pas l’appareil qui crée l’illusion d’un talent.
Paradoxalement, Rubber est beaucoup plus poseur, contemplatif, presque poétique, qu’on pourrait le croire. Il suit ainsi la volonté du cinéaste de ne pas tomber dans la simple série Z gore et facile, car il explique que « le choix d’une mise en scène photographique, le choix de la lenteur, ont été une façon de ne pas s’engouffrer dans ce créneau de cinéma Z qui ne [l]’intéresse pas du tout ». Et qui limiterait la portée de Rubber au-delà de la simple farce à l’humour massacrant, dans tous les sens du terme.
Si on se prend vite au jeu de Rubber en voyant ce pneu prendre littéralement vie, et s’humaniser à chaque minute au sein d’un cocon à la chaleur enivrante, on goûte un peu moins à son délire de mise en abime. En effet, le long métrage est entrecoupé de séquences où l’on voit des gens assister au spectacle à distance, l’appréciant au travers d’une paire de jumelles.
Cette métaphore du voyeurisme et de la consommation aveugle tend à ajouter un propos intellectualisé à un récit, certes vide, mais qui n’avait besoin de rien de plus. En refusant cette étiquette très emprisonnante du film de genre, Quentin Dupieux, par prétention maladroite, accouche d’un OVNI multi-facette qui risque d’en perdre plus d’un en route. Beau, inspiré, drôle, touchant, effrayant, zinzin : Rubber, c’est tout cela à la fois. Avec trois bouts de ficelle et un pneu, Mr. Oizo serait donc devenu le McGyver du cinéma français.
Rubber est disponible en DVD et Blu-ray.
+ rapide, + pratique, + exclusif
Zéro publicité, fonctions avancées de lecture, articles résumés par l'I.A, contenus exclusifs et plus encore.
Découvrez les nombreux avantages de Numerama+.
Vous avez lu 0 articles sur Numerama ce mois-ci
Tout le monde n'a pas les moyens de payer pour l'information.
C'est pourquoi nous maintenons notre journalisme ouvert à tous.
Mais si vous le pouvez,
voici trois bonnes raisons de soutenir notre travail :
- 1 Numerama+ contribue à offrir une expérience gratuite à tous les lecteurs de Numerama.
- 2 Vous profiterez d'une lecture sans publicité, de nombreuses fonctions avancées de lecture et des contenus exclusifs.
- 3 Aider Numerama dans sa mission : comprendre le présent pour anticiper l'avenir.
Si vous croyez en un web gratuit et à une information de qualité accessible au plus grand nombre, rejoignez Numerama+.
Si vous avez aimé cet article, vous aimerez les suivants : ne les manquez pas en vous abonnant à Numerama sur Google News.