Chaque week-end, c’est la compilation de l’actualité de la propriété intellectuelle et de ses dérives, concoctée par Lionel Maurel et Thomas Fourmeux, spécialistes de la question du copyright.

Cette semaine, le Copyright Madness revient sur la révision de l’ALENA qui aboutit à une prolongation de la durée du droit d’auteur au Canada, le Parlement européen qui semble bien parti pour reconnaître un droit sur les données produites par les voitures autonomes, ou encore Microsoft fait un geste en direction de l’open source. Bonne lecture et à la semaine prochaine !

Copyright Madness

Histoire sans fin. Le droit d’auteur n’a pas la même durée partout dans le monde, ce qui peut générer de graves complexités pour déterminer si une œuvre appartient au domaine public. Mais c’est aussi un avantage pour certains pays, qui ont choisi une durée de 50 ans après la mort de l’auteur, alors que les États-Unis et l’Europe sont à 70 ans. Mais pour le Canada, les choses s’apprêtent hélas à changer, car dans le cadre du renouvellement de l’accord commercial ALENA, le Canada s’est engagé à aligner sa durée de protection sur celle des États-Unis. Il va donc se produire dans ce pays ce qui s’était passé à la fin des années 90 avec le Mickey Mouse Act aux USA : un gel du domaine public pendant 20 ans. Il n’a pourtant jamais été prouvé qu’une durée aussi longue stimulait davantage la création. Par contre, elle transforme assurément la propriété intellectuelle en rente !

Canada drapeau

Jeux d'eau et de lumière.

Source : Jamie McCaffrey

Racket. Nous allons pouvoir enrichir notre longue série des abus du droit d’auteur sur YouTube avec ce coup de gueule poussé par le Joueur du Grenier. Il a en effet signalé cette semaine que plusieurs de ses vidéos ont été démonétisés suite à des réclamations d’ayants droit, ce qui signifie que ceux-ci empochent l’intégralité des revenus générés. Or ces revendications s’appuient sur des reprises de musique d’une durée parfois simplement de 10 secondes pour des vidéos de plusieurs dizaines de minutes… Pourtant, le Joueur du Grenier précise qu’il utilisait ces extraits dans un but parodique, ce qui est normalement permis par une exception au droit d’auteur. Ce qui tourne de plus en plus à la parodie, c’est le respect de la liberté d’expression sur YouTube…

Joueur du Grenier Frédéric Molas Sébastien Rassiat

Les deux compères de Joueur du Grenier.

Source : Miguel Discart

Vroum Vroum. À qui appartiennent les données produites par les véhicules autonomes ? C’est à cette question importante que le Parlement européen devait répondre cette semaine et les choses avaient plutôt bien commencé puisqu’un article de directive avait été introduit pour indiquer que les données générées automatiquement ne pouvaient faire l’objet d’une appropriation par le droit d’auteur, faute de créativité. Sauf que visiblement, les choses ne se sont pas passées comme prévu et que cet amendement a été repoussé… Les conséquences ne sont pas anodines, car on voit déjà aux États-Unis un constructeur de tracteurs comme John Deere exiger la propriété sur les données générées par ses machines, même une fois avoir été vendues aux agriculteurs. Encore une bonne manière de créer des monopoles indéboulonnables !

Un véhicule autonome Uber // Source : Wikimedia Commons

Un véhicule autonome Uber

Source : Wikimedia Commons

Trademark Madness

Quoi ma gueule ? Le joueur de football américain Colin Kaepernick a réussi une splendide opération en s’associant à Nike pour une campagne « Just Do It », alors qu’il avait été blacklisté à partir de 2016 par les clubs de la NFL suite à ces prises de position contre Donald Trump. Mais il est surprenant comme le droit des marques peut dégrader ce qui paraissait noble à l’origine, car pour surfer sur le surcroît de notoriété apporté par cette campagne, Kaepernick a déposé cette semaine une image représentant son visage en noir et blanc, arborant la coiffure afro qu’il affectionne. Le dépôt a été effectué dans des catégories couvrant les conférences, les séminaires, les spectacles TV, mais aussi des choses plus surprenantes comme les shampoings. Ainsi vont les choses dans ce monde où les gestes de rébellion finissent souvent en produits…

Colin Kaepernick

Colin Kaepernick.

Source : Nike

Appropriation. On avait déjà relaté dans cette chronique de très étranges dépôts de marque effectués récemment par la firme Procter & Gambles sur les acronymes LOL ou WTF. Ce géant américain contrôlant un empire de produits a visiblement décidé d’aller encore plus loin dans l’appropriation des termes de la culture geek, puisqu’on apprend cette semaine qu’il aurait aussi effectué une vague de dépôts sur NSFW (Not Safe For Work), FOMO (Fear Of Missing Out), FTW (For The Win) ou encore TL;DR (Too Long;Didn’t Read). De la part d’une firme habituée à vendre du dentifrice, des rasoirs ou des produits de beauté, on se demande à quoi tout cela peut bien rimer. Un des responsables de P&G interrogé sur cette étonnante stratégie a déclaré que cela entrait dans une « direction créative pour un nouveau projet ». Pas certain que les internautes se précipitent pour acheter des bidules détournant leur culture…

Patent Wisdom

Wind of Change. Une fois n’est pas coutume, c’est la société Microsoft qui va avoir les honneurs de la rubrique Patent Wisdom cette semaine. La firme de Redmond a en effet annoncé qu’elle libérait 60 000 de ses brevets en renonçant au passage à des millions de dollars en royalties. Plus exactement, Microsoft rejoint l’Open Invention Network (OIN), un cercle de sociétés qui renoncent à exercer leurs brevets entre elles et sur les autres. Par ce geste, Microsoft entend aussi protéger Linux, car ces brevets pourront toujours être utilisés à des fins défensives contre les Patent Trolls qui pullulent aux États-Unis. Plusieurs commentaires ont dit que cette décision faisait de Microsoft un « champion de l’Open Source », mais c’est aller un peu trop loin, car rappelons que l’essentiel des programmes développés par la firme reste sous licence propriétaire. Il y a encore des efforts à faire pour Microsoft !

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Lionel Maurel

Thomas Fourmeux

Merci à tous ceux qui nous aident à réaliser cette chronique, publiée sous licence Creative Commons Zéro, notamment en nous signalant des cas de dérives sur Twitter avec le hashtag #CopyrightMadness !

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