En 2016, après les critiques essuyées par l’épisode Syndicate et la lassitude induite par une sortie tous les ans, Ubisoft a pris la décision de mettre Assassin’s Creed, sa franchise star, en pause. Un choix salué, qui avait permis de repartir sur de bonnes bases avec Origins, sorte de renaissance salutaire. Désormais, Assassin’s Creed lorgne du côté des RPG à la The Witcher, soit des titres situés dans un immense monde ouvert rempli de quêtes. Au regard de ces ambitions revues à la hausse, on pensait naïvement devoir attendre jusqu’en 2019 pour découvrir un nouvel opus.
Mais Ubisoft a préféré ne pas faire patienter 12 mois de plus pour commercialiser Assassin’s Creed Odyssey, une expérience qui s’appuie sur les fondations mises en place par Origins. Alors que les détracteurs craignaient une simple évolution 1.5, Ubisoft parvient à surprendre avec une aventure immense, généreuse et bien conçue. Dans les grandes lignes.
This is Sparta
Assassin’s Creed Origins était le chapitre de la réconciliation, Assassin’s Creed Odyssey est assurément celui de la confirmation. La confirmation qu’Ubisoft a envie d’affirmer que sa marque emblématique vaut bien plus qu’une simple mise à jour annuelle. En résulte une épopée se déroulant non plus en Égypte Antique mais en Grèce, pendant la guerre du Péloponnèse. Une fois encore, les développeurs se servent d’un contexte historique fort, qu’ils essaient de retranscrire de la manière la plus fidèle possible, pour dépayser le joueur. Ils prennent également quelques libertés pour donner corps à leur fiction articulée autour d’un(e) mercenaire au passé familial trouble.
Une volonté de transformer Assassin’s Creed en un véritable RPG
Et quand on écrit un(e), c’est bel et bien pour mettre l’accent sur la possibilité de choisir d’incarner une femme — Kassandra — ou un homme — Alexios. Un choix plus esthétique qu’autre chose (néanmoins apprécié), étant donné que cela ne modifiera aucunement le déroulé du récit. Cela s’inscrit surtout dans la volonté d’Ubisoft de transformer Assassin’s Creed en un véritable RPG. À terme, on peut s’imaginer créer son héros ou son héroïne de A à Z, comme dans les Elder Scrolls. De la même manière, on peut désormais sélectionner des lignes de dialogue, qui peuvent parfois avoir un impact notable sur la suite des événements, ou encore nourrir des romances brèves (bien que mal amenées) avec les autres personnages.
Passée une introduction avec Leonidas qui n’a rien à envier au film 300, se forme une histoire aux branches multiples, nourries par certaines figures historiques et un Culte à supprimer. Au risque de se perdre, parfois, entre les principales lignes directrices, qui génèrent toujours plus de quêtes. Sur l’écriture, malgré du mieux, Ubisoft a donc encore une belle marge de progression.
Un menu maxi best-of
L’odyssée de Kassandra/Alexios, qui est plus profonde qu’une simple vengeance, n’est finalement qu’un prétexte pour proposer un vaste terrain de jeu vraiment axé sur l’exploration. De toute évidence, par sa progression très lente, Assassin’s Creed Odyssey force le joueur à découvrir toujours plus et quitter ponctuellement le fil rouge pour faire autre chose.
On ne résiste pas à l’appel du voyage, du dépaysement et de la contemplation au sein d’environnements à la direction artistique léchée. Il y a aussi l’envie, simple, de s’enrichir en aidant la veuve et l’orphelin ou en faisant basculer d’un côté ou d’un autre la guerre que se livrent Spartiates et Athéniens. Malheureusement le jeu est tellement riche et généreux qu’il l’est parfois à outrance. L’avantage, c’est que l’on ne s’y ennuiera jamais. L’inconvénient, c’est que vous y perdrez des heures, des heures et des heures… au risque de vous lasser avant d’en voir le bout. En ligne droite, la durée de vie dépasse d’ailleurs aisément les cinquante heures.
Un mélange de plusieurs éléments extraits des opus précédents
Pour parvenir à un tel résultat, Ubisoft a regardé en arrière, pris du recul et rassemblé tout ce qui avait constitué l’essence des anciens Assassin’s Creed. On se retrouve alors devant un mélange de plusieurs éléments extraits des opus précédents : les batailles navales de Black Flag, le système de conquête effleuré dans Syndicate, les chasseurs de primes introduits dans Origins et poussés au cran supérieur. Paradoxalement, malgré tous ces attributs affiliés à la série, Odyssey perd un peu l’âme des Assassin’s Creed — au-delà de certains mots-clefs lancés de-ci, de-là, pour raccrocher le wagon déjà bien éloigné (l’entreprise Abstergo, la technologie Animus, par exemple).
Et si vous n’aimez pas prendre votre temps dans un jeu vidéo, Assassin’s Creed Odyssey ne sera sans doute pas fait pour vous. En effet, il récompensera avant tout les explorateurs. Comme chaque mission principale demande un certain niveau et que la progression (via de l’expérience), est lente, voire décourageante, il est parfois nécessaire de s’adonner à des tâches annexes pour avoir suffisamment évolué pour s’y atteler. On louera quand même les efforts consentis sur les quêtes secondaires, mieux écrites et intégrées. Toutefois, et on ne pourra réellement lui en tenir rigueur, Odyssey n’échappe pas aux objectifs génériques (ouvrir des coffres, tuer des capitaines, etc.).
Des combats à revoir
Les combats n’ont jamais été le point fort des Assassin’s Creed. Pendant trop longtemps, ils se sont apparentés à des affrontements de masse sans challenge ni saveur. Mais toujours est-il qu’Origins s’était évertué à paver la voie pour qu’Odyssey redore le blason de la saga. Il faut admettre qu’il y a encore du boulot. En Grèce, les rixes manquent encore de finesse et sont trop redondantes pour nous convaincre.
Très prosaïquement : les ennemis sont globalement très faciles à tuer, sauf ceux qui ont deux niveaux de plus que vous. Ils possèdent néanmoins un point commun, en l’occurrence une barre de vie qui rend les combats longs et fastidieux. Une caractéristique qui aurait pu être oubliée avec un arsenal de coups plus varié.
Hormis les pouvoirs à débloquer, vous n’avez que deux attaques, une esquive et une parade pour vous défendre. Autant d’éléments qui accouchent d’affrontements inutilement longs et, pire, plutôt avares en expérience.
Des affrontements inutilement longs
Ne comptez pas non plus sur la diversité des adversaires pour pimenter les face-à-face : ce sont des archétypes (soldats de base, brutes, archers). À ces constats peu emballants s’ajoute le système des chasseurs de prime, lesquels vous traquent si vous commencez à semer un peu trop la zizanie. Sympathique, mais il y a un hic. Ils ont tendance à attaquer n’importe quand, parfois au cours d’une quête principale, ce qui n’a rien de très plaisant. Par chance, on peut payer pour s’en débarrasser.
Il est bien évidemment possible d’augmenter le challenge en optant pour une difficulté supérieure. Un paramètre qui vaut aussi pour l’exploration, qui peut être assistée ou davantage suggérée avec des indices à confronter à la carte. Une excellente idée.
Beau comme Apollon
Techniquement parlant, Ubisoft a habitué les joueurs au meilleur comme au pire. Dans le cas d’Assassin’s Creed Odyssey, personne ne pourra lui jeter la pierre. Beau à en pleurer, l’épisode grec accumule les paysages plus accueillants les uns que les autres. On perd peut-être le sable chaud de l’Egypte, mais on gagne la variété des îles situées dans la mer Égée. Avec Unity puis Syndicate, on avait quelque peu perdu cet ébahissement. Ici, on a envie de découvrir le moindre mètre carré, pour le simple plaisir des yeux.
Au-delà des environnements, on citera aussi la modélisation pleine de finesse des armures, vêtements et autres drapés. Sur une console puissante comme l’est la Xbox One X, le niveau de détails est très élevé. Pour parachever le tableau, la technologie HDR renforce les contrastes, fait briller le soleil et donne toujours plus d’éclat aux graphismes (mention spéciale aux magnifiques fonds marins). Une maîtrise qui fait oublier les rares défauts, allant des bugs résiduels au moteur physique chiche (on ne peut pas tout casser), sans oublier les chutes de framerate dans les villes les plus peuplées (exemple : Athènes).
Assassin’s Creed Odyssey est disponible sur Amazon.
Le verdict
Assassin’s Creed Odyssey
Voir la ficheOn a aimé
- Beau et immense
- Du contenu à en revendre
- Un vrai RPG
On a moins aimé
- Des arcs narratifs dilués
- Une progression trop lente
- Les combats décevants
Sorte de melting pot de tout ce qui a émerveillé et/ou énervé les joueurs jusqu’à aujourd’hui, Assassin’s Creed Odyssey porte merveilleusement bien son nom. Beau, long, riche et généreux, quitte à tomber parfois dans la surenchère, récompensant davantage l’exploration que la précipitation, il constitue l’opus le plus abouti de la saga en transcendant les fondations assumées par son prédécesseur.
Cela valait donc le coup de ne pas attendre une année supplémentaire, même si Ubisoft a encore plusieurs éléments à peaufiner pour que sa copie soit parfaite (combats, mise en scène, équilibre général). Mais au moins est-il en train de récolter les fruits de la pause nécessaire de 2016. Tant pis s’il n’est pas le plus « Assassin’s Creed » des « Assassin’s Creed ». Ou tant mieux.
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