Commémorant le centenaire de l’Armistice de la Première Guerre mondiale, 11-11: Memories Retold est un jeu à part, qui montre les horreurs sans vous pousser à les commettre.

Le 11 novembre 2018 sonnera le centenaire de l’armistice de la guerre 14-18. Le jeu 11-11: Memories Retold, édité par Bandai Namco, entend le commémorer en mettant une manette entre les mains des joueurs. Non pas pour qu’ils massacrent des dizaines de soldats ennemis, comme c’est le cas dans d’autres productions, mais plutôt en leur faisant incarner un duo de personnages non belliqueux aux destins croisés. En bref, 11-11: Memories Retold veut nous montrer la guerre sous un autre prisme.

Derrière cette production disponible sur PlayStation 4, Xbox One et PC, on retrouve Yoan Fanise. L’intéressé s’était éloigné des carcans avec Soldats Inconnus : Mémoire de la Grande Guerre, une expérience qui s’articulait autour de héros de fortune. 11-11: Memories Retold en partage les bases, nourries par une direction artistique inspirée et une écriture plus centrée sur l’humain.

Signé Aardman Animations

Pour donner naissance à la partie visuelle de 11-11: Memories Retold, Yoan Fanise n’a pas frappé à la porte de n’importe qui. Il a choisi de s’allier à Aardman Animations (Chicken Run, Wallace & Gromit, Shaun le Mouton). En résulte un rendu graphique qui ne laissera personne indifférent, s’apparentant à une succession de tableaux peints sommairement à la gouache. Certains n’aimeront peut-être pas les détails noyés ou les formes volontairement grossières, autant de choix qui s’éloignent de la course au réalisme. Mais, avant d’être un jeu vidéo, 11-11: Memories Retold tient à rester une œuvre d’art dans l’esprit de celles et ceux qui s’y aventureront.

Cette réussite ô combien audacieuse ne se fait pas sans quelques sacrifices. On a pu constater çà et là quelques problèmes de lisibilité, liés à ces traits de pinceaux brouillons et/ou à des effets visuels très appuyés. Le studio DigixArt a poussé le vice jusqu’à se servir de ces rares soucis pour dissimuler dans les décors des objets optionnels à ramasser (morceaux de lettres ou de photos). Une preuve que sa vision est pensée et assumée de A à Z.

11-11: Memories Retold // Source : Bandai Namco

11-11: Memories Retold

Source : Bandai Namco

Destins croisés

Comme souligné en préambule, vous n’enfilerez pas le costume d’un soldat dans 11-11: Memories Retold. À la place, vous incarnerez un jeune photographe canadien acceptant de suivre un gradé sur le front de l’Ouest et un technicien allemand qui vient d’apprendre que son fils a disparu dans les tranchées. Ces deux hommes aux origines et au passé diamétralement opposés partagent cette même incapacité à porter un fusil. Ils découvriront l’horreur de la guerre en subissant ses conséquences au plus près.

On ne peut que tomber sous le charme

Le tour de force du récit tient assurément dans ses moments de grande tendresse, où l’on oublie le cauchemar extérieur, alors noyé dans la poésie ou l’intimité d’hommes qui ont peur, qui veulent simplement retrouver leur famille ou voient la mort pour la première fois. Il y a aussi cette astuce scénaristique qui consiste à confronter deux points de vue : celui d’un jeune homme qui a sa vie devant lui et celui d’un père qui a déjà vécu. Certains raccourcis auraient pu être évités, mais quand on voit les deux personnages principaux tenter de communiquer pour s’en sortir, malgré des camps qui s’opposent, on ne peut que tomber sous le charme.

D’autant que DigixArt a misé sur l’authenticité : dans son jeu, les langues sont respectées et un Allemand ne parlera pas anglais ou français sous prétexte qu’il croise un Canadien. Un gage d’immersion supplémentaire.

11-11: Memories Retold // Source : Bandai Namco

11-11: Memories Retold

Source : Bandai Namco

L’importance des choix

Mais on fait quoi, au juste, si on ne tue personne ? Une foule de gestes, qui prennent la forme d’actions contextuelles simples, de mini-jeux ou de participations directes à la narration. Le métier des deux protagonistes est d’ailleurs essentiel dans cette approche pacifiste : ainsi, le photographe ne sortira jamais sans son appareil et le mécanicien devra parfois réparer des appareils défaillants.

Pour renforcer un peu plus l’implication et éviter de tomber dans le gameplay parfois plan-plan de certains jeux narratifs, DigixArt n’oublie pas de renforcer l’importance des choix que nous sommes amenés à prendre. Par exemple, il sera possible de sélectionner les thèmes que Kurt — le héros allemand — abordera dans ses lettres envoyées à sa fille. Dans le même ordre d’idée, libre à chacun de prendre des photos lors des séquences avec Harry.

Du coté du découpage, 11:11: Memories Retold alterne entre les deux protagonistes d’une manière dynamique (on peut choisir par qui commencer, sans réelle incidence). Ou nous obliger à passer de l’un à l’autre quand le besoin s’en fait sentir, en l’occurence quand ils doivent agir de concert pour avancer. Comptez environ cinq heures pour voir le bout de leur aventure, sachant qu’on pourra la rejouer une deuxième fois sans problème. Entre les bonus à débloquer et les décisions charnières qui peuvent avoir un impact sur l’intrigue, il y a effectivement matière à repartir au front.

11:11: Memories Retold est disponible sur Amazon.

Le verdict

11-11: Memories Retold // Source : Bandai Namco
8/10

11-11: Memories Retold

Dans la lignée de Soldats Inconnus : Mémoire de la Grande Guerre, 11-11: Memories Retold nous propose de vivre la guerre autrement qu'en tuant. Avec ce choix fort, DigixArt livre une expérience narrative de qualité, où l'homme est plus important que le soldat. 

En prime, 11-11: Memories Retold se pare d'un bel habillage exotique pour dépeindre une époque pourtant sombre de notre Histoire. Une réussite artistique qu'il doit au génie d'Aardman Animations. L'écrin paraît idéal pour célébrer les 100 ans de l'armistice. 

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