C’est un changement que les adeptes du téléchargement illégal ont très rapidement remarqué : depuis le 16 novembre, date à laquelle les premiers constats sont apparus sur Twitter, il n’est plus possible de récupérer des œuvres piratées via le site Torrent9. Le site affiche en effet sur ses pages un avertissement en rouge : « Torrent9 ne proposera plus de téléchargement ».
« Plus de téléchargement »
La seule action laissée aux internautes est de cliquer sur un encart publicitaire leur recommandant de passer par un VPN (acronyme anglais de réseau privé virtuel), qui permet de faire transiter sa connexion Internet par un intermédiaire, de façon à cacher son origine géographique : c’est l’emplacement du point de passage qui sera vu. Les VPN peuvent servir par exemple à des fins de piratage.
En France, le mécanisme de la riposte graduée se fonde sur l’analyse des réseaux pair-à-pair (P2P), comme BitTorrent et eMule, afin de relever les adresses IP — qui sont en gros les plaques d’immatriculation des internautes — pour savoir qui pirate quoi. Or, en faisant passer le trafic Internet par des serveurs situés autre part, par exemple à l’étranger, le pirate échappe aux radars de la lutte antipiratage française.
Une incitation à prendre un VPN ?
Dans l’encart pub, il est dit que « votre fournisseur Internet et la Hadopi surveillent ce que vous téléchargez ! Cachez votre adresse IP avec notre VPN ! Devenez anonyme avec Torrent9 VPN. Gratuit ! Obtenez un VPN maintenant ! ». En cliquant dessus, l’internaute est redirigé sur une page vantant les avantages d’un VPN, puis invité à essayer un service dénommé Trust Zone.
De façon tout à fait surprenante, plusieurs internautes reprochent à Torrent9 de les empêcher de télécharger — alors que le site est, rappelons-le, illicite au regard de la nature de ses activités –, même lorsqu’ils se trouvent à l’étranger ou emploient déjà un VPN. D’aucuns accusent dès lors Torrent9 de les forcer à s’abonner à un VPN précis, Trust Zone, pour espérer profiter encore de Torrent9.
La facturation appliquée par Trust Zone démarre à 6,99 dollars par mois, selon la tarification affichée sur le site, avec des coûts dégressifs si certains abonnements plus longs sont choisis (par trimestre ou par an par exemple). Si un lien commercial entre les deux sites existe, Trust Zone n’en fait pas mention sur son site. Le nom de Torrent9 ne figure pas dans ses pages.
Des internautes disent avoir essayé de réaccéder à Torrent9 en passant par Trust Zone mais sans succès. « Même en utilisant Leur VPN, ça me met mon IP en ‘HIDDEN’ mais ça me dit d’utiliser leur VPN », dit l’un. « Je teste le VPN mais je n’arrive pas à télécharger le torrent pour autant », lance un autre. « J’ai installé le VPN et je suis connecté dessus, mais je n’arrive pas à télécharger », se plaint un troisième.
Un site menacé ?
Du côté du site, aucune explication n’a été fournie. Le site est connu pour être discret sur ses activités. En 2018, deux changements d’adresse ont été remarqués, le premier en début d’année et le second peu après l’été, mais aucune explication n’a été donnée pour ces deux redirections. Le site avait déjà migré à plusieurs reprises par le passé et son URL a encore récemment évolué ces dernières semaines.
Il est aussi possible d’imaginer un piratage malveillant contre Torrent9, pour lui nuire — un défacement par exemple, qui consiste à modifier le site. Mais si c’était le cas, les dégâts n’auraient-ils pas été plus importants ? Il serait curieux de se contenter d’ajouter une petite phrase mise en page en HTML et le retrait d’un bouton de téléchargement, alors qu’il serait possible de faire bien pire.
Les accusations contre le site n’ont en tout cas pas traîné, certains dénonçant une « arnaque », un autre parlant d’un « placement produit », un troisième évoquant une « publicité moisie ». La question de savoir si le site n’a tout simplement pas été tué ou suspendu, potentiellement à la suite d’une action des autorités et des titulaires de droits, a aussi été mentionnée.
Il faut dire que le site est bien connu des ayants droit et ces liens menant vers des contenus culturels piratés font l’objet de très nombreuses demandes de déréférencement sur Google. Les mésaventures d’un site équivalent, T411, en 2017, montrent en effet que des actions peuvent être menées contre ces plateformes, avec potentiellement de lourdes conséquences judiciaires pour leurs gérants.
Gare à la loi
Il faut en effet savoir que les activités conduites par l’équipe de Torrent9 sont illicites sur le plan judiciaire. Celle-ci s’expose à des sanctions sévères en cas de procès en France, avec notamment des peines de prison et des amendes pouvant se chiffrer en centaines de milliers d’euros. Et l’on ne parle pas des éventuels dommages et intérêts qui pourraient être réclamés et s’élever en millions d’euros.
Du côté des internautes, la situation n’est pas forcément meilleure : puisqu’il est question d’échange en P2P, qui se font sans l’accord des ayants droit, des mesures sont prévues : la Hadopi a compétence pour y combattre le piratage de contenus. Par ailleurs, mais c’est très rare, l’industrie culturelle peut tout à fait poursuivre quelques internautes — en général les plus actifs — sur la base du code de la propriété intellectuelle.
Une mise en garde dont ces internautes alarmés par l’apparente mise en retrait de Torrent9 ne semblent pas tenir compte.
En tout cas, la nature ayant horreur du vide, l’espace laissé par ce site risque d’être comblé rapidement. D’ailleurs, des sites clones existent. Par exemple, l’un s’appelle CPDD, tandis que l’autre utilise une extension « .ch ». Dans les deux cas, on retrouve exactement la même mise en page que le site historique. Reste que certains observent que les films récents ne sont pas proposés.
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