Belle surprise de la génération précédente en sa qualité d’alternative sombre à Zelda, Darksiders avait eu la mauvaise idée de naître sous pavillon THQ. À la mort du géant, la franchise articulée autour des quatre Cavaliers de l’Apocalypse, a été trimballée à droite et à gauche jusqu’à échouer chez Nordic Games — devenu THQ Nordic aujourd’hui — qui porte l’espoir de terminer l’épopée après deux épisodes réussis.
En quelque sorte, Darksiders III est inespéré : il sort six ans après son prédécesseur et huit après le tout premier opus. Il y a dès lors une sacrée ellipse, constituée d’incertitudes et de doutes, à combler alors qu’il faut bel et bien raconter les aventures de deux autres Cavaliers. Après Guerre et Mort, voilà au tour de Fury de chevaucher sa monture. En attendant Discorde.
Se7en
Alors que son frère Guerre est accusé de trahison, que Discorde est occupé et que Mort est porté disparu, Fury est chargée par le Conseil Ardent de traquer et éliminer les sept pêchés capitaux. Une mission loin d’être une sinécure, mais qui lui permettra, peut-être, d’enfin prouver sa valeur parmi les Quatre.
Simpliste, le scénario de Darksiders III s’avère donc être une vaste partie de chasse nourrie par des vices religieux transformés en ennemis à affronter, entrecoupée des questions existentielles de Fury. Dans les grandes lignes, la pirouette scénaristique est réussie, même si les sept pêchés ne sont pas logés à la même enseigne en termes de charisme et de motivations. Il manque aussi ce léger souffle épique qui aurait rendu la quête de Fury, héroïne à la personnalité bien trempée, plus inoubliable encore.
D’un point de vue histoire, Darksiders III ne parvient pas à se hisser à la hauteur de Darksiders premier du nom, qui multipliait les rebondissements. Mais il fait mieux que Darksiders II, qui se reposait un peu trop sur son héros.
La Faucheuse est passée
Bien que compatible avec le format HDR, Darksiders III n’en met jamais plein la vue. En somme, la technologie ne fait pas de miracle quand il n’y a rien à sublimer.
Dans un monde idéal, Darksiders III serait sorti en 2014, peut-être à cheval sur deux générations. Sauf que nous sommes en 2018 et qu’il est difficile, de facto, d’avaler la pilule que tente de nous faire ingérer THQ Nordic. Les fans apprécieront la direction artistique, respectée et fidèle à ce qu’ils connaissaient. En revanche, ils pardonneront difficilement les défauts techniques qui s’empilent comme les fléaux bibliques. En point d’orgue, on citera ces chargements qui surviennent quand on passe d’une zone à l’autre, en pleine phase de jeu. Ils gèlent l’écran pendant plusieurs secondes et finissent par agacer alors que les environnements sont loin d’être immenses.
À cette source de frustration s’ajoutent des bugs de collision, des murs qui disparaissent, des ralentissements, des plantages, des effets de lumière qui scintillent, une synchronisation labiale aux fraises… À bien des égards, Darksiders III sent le jeu fauché et mal fini, né d’un studio qui a essayé de recoller des morceaux et qui livre, à l’arrivée, un puzzle inachevé. Il y a bien quelques séquences plus jolies que les autres et ce character design très inspiré malgré certains ratés. On aime par ailleurs la variété des tableaux, qui peuvent passer de la ville désolée à un fond sous-marin, en passant par des catacombes propres à l’univers.
La furie de Furie
À l’instar de Guerre et Mort, ses deux bro qui prennent un malin plaisir à occire anges et démons à la pelle, Fury est un personnage ô combien puissant. Pour se battre, elle s’en remet d’abord à son fouet magique, capable de lui assurer des attaques avec une portée confortable. Pour se défendre, elle peut esquiver avec la grâce d’une danseuse. Mieux, si elle attend le moment opportun pour s’exécuter, elle pourra placer quelques coups dévastateurs. Dans sa partie beat them all, Darksiders III place le risque au centre des débats : plus le joueur en prend, plus il est récompensé. Revers de la médaille : les ennemis ont quelques patterns extrêmement puissants et dévastateurs, sinon déséquilibrés.
Les idées sont là… elles auraient simplement mérité d’être davantage poussées.
Si Darksiders III a abandonné totalement le loot de Darksiders II (piqué chez Diablo), il n’oublie pas la surcouche RPG. Elle se matérialise par des niveaux que l’on échange contre des âmes récoltées sur les ennemis. Un système pompé sur Dark Souls jusqu’à l’opportunité de retourner sur sa dépouille pour récupérer les âmes perdues. On sentirait presque cette volonté — de la part de Gunfire Games — de lorgner vers les expériences exigeantes de From Software. L’excellence, le feeling et l’aboutissement en moins.
Car il faut bien reconnaître que Darksiders III ne décolle jamais vraiment. Outre le manque de fraîcheur et de cachet, au-delà de cet univers que l’on prend plaisir à parcourir, il y a cette lourdeur qui agace (les sauts, quelle plaie au début) et cette progression que l’on ne ressent jamais vraiment. C’est d’autant plus dommage que Fury récolte des pouvoirs très intéressants au gré de ses pérégrinations et doit parfois résoudre des énigmes grâce à eux (comme dans Zelda). Les idées sont là, elles auraient simplement mérité d’être davantage poussées.
Dix heures sinon rien
Autre point qui prouve que les ambitions de Darksiders III ne sont pas montées bien haut : sa durée de vie n’excède pas les dix heures en ligne droite. Et il ne faudra pas compter sur des quêtes annexes — hormis quelques humains à sauver — pour y passer plus de temps. En 2018, à l’heure des mondes ouverts qui ont tendance à en faire beaucoup, parfois trop, Darksiders III étonne par sa radinerie.
Ce n’est pourtant pas faute de forcer les joueurs à enchaîner les allers-retours pour éliminer les sept pêchés capitaux dans un ordre que l’on n’a même pas la liberté de choisir. Les amateurs de balades ne pourront même pas compter sur une carte pour s’y retrouver et marquer les points déjà visités. On y voit un cache-misère : avec un tel outil, on aurait pu se rendre compte de la petitesse de Darksiders III. Pour ainsi dire, il ne se parcourt pas à dos de cheval — le comble pour une Cavalière.
On se contente donc de suivre bêtement la direction donnée par le petit crâne jusqu’à la prochaine destination où attend un boss. On le tue, et ainsi de suite jusqu’au générique de fin, le sentiment bizarre d’avoir accompli quelque chose de grand sans vraiment en ressortir quelque chose de positif à se souvenir. A priori, il sera nécessaire de rempiler dans le costume de Discorde, celui qui sera chargé de boucler la boucle et éviter de souiller les bases solides de la saga avec l’impression d’un immense gâchis.
Darksiders III est disponible sur PS4, Xbox One et PC.
Le verdict
Darksiders III
Voir la ficheOn a aimé
- Le plaisir de retrouver cet univers
- Quelques rares bonnes idées
- Tuer les sept pêchés capitaux
On a moins aimé
- Techniquement fauché
- Où sont les ambitions ?
- L'impression de jouer à un jeu de 2014
On aurait aimé apprécier davantage Darksiders III. On lui trouvera même un charme, né de son univers que l'on a envie d'arpenter. On lui reconnaîtra des circonstances atténuantes, justifiées par son accouchement dans la douleur. Hélas, Darksiders III a un peu trop connu l'enfer pour goûter aux joies du paradis.
Fauché techniquement, pas très inspiré malgré des bonnes idées, la tentative de sauvetage opérée par THQ Nordic n'évite pas la noyade. Moins bien qu'un Darksiders II déjà moins bien que Darksiders, Darksiders III continue la descente. La franchise s'en remettra alors à Discorde pour terminer sur une bonne note. Ce serait un sacré paradoxe.
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