En cette fin d’année 2018, You est certainement l’une des séries à regarder sur Netflix. La série de Lifetime, diffusée en France sur le populaire service de SVoD, souffre de quelques longueurs narratives, mais reste dans l’ensemble un bon thriller psychologique qui gagne en intensité dans ses derniers épisodes.
C’est aussi l’occasion, pour les scénaristes, de jouer avec la confiance que porte le spectateur au personnage qui parle : l’histoire progressant par monologues, on nous force à être convaincus par ce que raconte Joe Goldberg, même quand on sait qu’il est la dernière des ordures. C’est véritablement ce narrateur menteur qui crée un malaise et accentue les tensions de l’intrigue.
Et en même temps que You tente de nous convaincre de sa finesse psychologique, côté technologie, la série pourrait se résumer à une chose simple : protégez votre vie en ligne avec des mots de passe, notamment sur votre smartphone. Elle rappelle ainsi les blagues sur un Breaking Bad qui, grâce au système de santé français, n’aurait jamais eu lieu. Dans You, la série aurait été complètement annulée si Beck avait configuré un mot de passe pour son smartphone — dans la mesure où c’est lui qui autorise le stalking de Joe dans toute la première partie de l’histoire.
Le smartphone et les réseaux sociaux sont les outils utilisés par Joe pour commencer son activité de stalker malsain et la série joue la carte du réalisme en mentionnant des services et en affichant des marques de notre quotidien. Facebook, Instagram, Twitter et autres smartphones Samsung apparaissent tout le temps à l’écran. Et si You fait des erreurs factuelles (on se souvient de Joe qui évoque iCloud alors que tout se passe dans un univers Android…), ce qui se passe dans la série reste dans le domaine du possible.
La faille de sécurité, c’est vous
En 2018, un hacker en cagoule tapant des lignes de code sur un écran d’ordinateur n’a plus aucune crédibilité et You l’évite parfaitement. C’est précisément pour cela que la série peut faire peur, car elle met en garde sur les hacks les plus courants, les plus faciles et ceux qui sont à la portée de n’importe quelle personne. Ces hacks reposent en effet sur les défauts et faiblesses des humains et non ceux de la technologie qu’ils utilisent.
Si l’on passe tout le côté un peu bullshit de la synchronisation parfaite par le cloud entre deux smartphones (ce serait à la limite possible sur iOS, mais avec tellement de gardes fous que cela en devient improbable), l’erreur commise par Beck permet de rendre le scénario plausible. Pas de mot de passe à votre smartphone ? Vous laissez un livre ouvert sur votre vie à quiconque le trouve. Car il est fort probable que vous ayez la plupart de vos applications connectées et vos comptes ouverts. Aujourd’hui, le SMS a laissé sa place aux discussions de groupe sur Facebook Messenger ou WhatsApp. Et même si vous utilisez une messagerie sécurisée et chiffrée, vous ne pouvez rien faire si une personne a dans les mains le terminal sur lequel vous y accédez.
Ce problème de social engineering est montré plusieurs fois dans la série — quand Joe doit trouver le mot de passe d’un ordinateur et passe par des questions anodines à la meilleure amie de la cible pour le trouver, par exemple. You montre aussi la négligence de certains professionnels — on pense au psychiatre qui ne va pas protéger son ordinateur par un mot de passe contenant tous ses fichiers confidentiels, conversations et fiches de ses patients. Cela semble gros dans une série, mais combien de professionnels dans des métiers sensibles prennent des risques inconsidérés avec leur matériel informatique, non par manque de volonté, mais par manque de formation ?
Alors certes, You manque parfois de finesse et fait croire que tout ce que fait Joe est à la portée de n’importe quel individu. Il faut raison garder : Joe est un psychopathe qui a défini une cible et peut consacrer la majorité de son temps à la traquer. Avec ou sans nouvelles technologies, la motivation du personnage aurait été la même : smartphones, réseaux sociaux et ordinateurs sont simplement pour lui de « formidables outils » qui lui facilitent la tâche. Et la série ne se prive pas de montrer certains paradoxes : Beck, jeune fille brillante et ultra-connectée, fait des erreurs côté privacy qu’on imaginerait impossibles pour une personne de sa génération.
Protégez vous
Toutes ces erreurs, voilà ce dont un spectateur de You peut légitimement avoir peur. Il peut se demander, par exemple, ce qu’il laisserait à portée de mains en ne verrouillant pas sa session, en ne configurant pas de mot de passe sur son smartphone ou en laissant traîner publiquement des informations qui permettraient à n’importe qui de trouver ces codes. Ces risques sont bien plus rationnels que ceux liés aux hackers russes, à l’espionnage de masse par compteur Linky interposé ou toute autre théorie effrayante à la marge, où l’on ne trouve des exemples que dans les épisodes de Black Mirror.
Le bon côté de cette réflexion, c’est que ces erreurs humaines se corrigent facilement. Et si vous avez eu peur pour vos données ou votre vie privée en regardant You, c’est un bon premier pas : vous réaliserez bien vite que l’histoire racontée ne tient que parce que quelques bonnes pratiques de base n’ont pas été respectées. Par exemple, il serait peut-être temps de changer votre mot de passe, configurer la double authentification et vérifier quels appareils ont accès à vos réseaux sociaux et autres services ?
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