À l’instar du manga culte de Kentaro Miura, Goblin Slayer se revendique de la dark fantasy. C’est-à-dire de la fantasy traditionnelle qui se déroule dans un monde violent et sans concession. La série TV Game of Thrones en est de nos jours le représentant le plus populaire par exemple. Pour le manga, on associe souvent à la dark fantasy Berserk et Bastard!!, deux titres phares de la fin des années 80 et du début des années 90 (toujours pas terminés). Durant les années 2000, d’autres titres sont sortis de manière sporadique comme Claymore, Übel Blatt, Red Eyes Sword et bien évidemment L’Attaque des Titans.
C’est justement en partie dû au succès de l’adaptation de l’œuvre d’Hajime Isayama, ajouté au récent regain d’intérêt pour la fantasy en général (merci les Isekai), qu’une adaptation de Goblin Slayer a pu voir le jour. De plus, le fait que les animés bénéficient désormais d’une diffusion mondiale en simulcast, permet aux studios de proposer à nouveau des titres destinés à un public plus adulte.
En effet, ce light novel et manga à la base met le lecteur mal à l’aise dès le début. Le premier épisode de la série reprend les deux premiers chapitres du manga et plonge un groupe d’aventuriers inexpérimentés dans l’horreur. L’intervention salvatrice d’un guerrier solitaire permet à une prêtresse de réchapper à un sort pire que la mort. Mais qui est donc cet homme mystérieux dont le seul but est l’éradication des gobelins ?
Donjons & Gobelins
Pour sa diffusion en France, Wakanim prévient les spectateurs en début d’épisode par l’intermédiaire d’un panneau du contenu explicite de l’animé. La série est aussi uniquement accessible aux abonnés VIP de la plate-forme. Mais aux USA, Crunchyroll, qui détient les droits de diffusion là-bas, avait diffusé le tout premier épisode sans avertissement au préalable. Ceci a déclenché les foudres de certains internautes qui ne s’attendaient sûrement pas à un tel niveau de violence. Cela a également permis à la série de générer un buzz involontaire et d’en faire l’un des titres les plus regardés de la plate-forme de VOD. Au final, la polémique s’est vite estompée car aucun autre épisode ne sera aussi violent que cette introduction. On appelle cela un coup de génie publicitaire.
Goblin Slayer plaira aux rôlistes puisqu’il s’agit principalement d’exploration de donjons fortement influencée par l’univers créé par Gary Gygax et Dave Arneson. La présence d’un Tyrannoeil dans l’épisode 8 fera réagir n’importe quel fan de D&D par exemple. Le « Crève-Gobelins » ne reste pas seul longtemps et il forme rapidement un groupe dans la grande tradition des jeux de rôles : une prêtresse pour les soins, une elfe avec un nain pour les prises de becs et un homme-lézard pour apporter un peu d’exotisme. Le parti-pris de ne pas donner de noms aux personnages renvoie encore une fois aux jeux de rôle où la classe (guerrier, prêtre, mage…) caractérise davantage les différents protagonistes que le nom en lui-même. La passion du genre se ressent, mais ce n’est pas suffisant pour espérer remplacer Berserk dans le cœur des fans.
L’Homme au masque de fer
Les personnages secondaires peinent à exister et comme ces newbies anonymes massacrés lors du tout premier épisode, on ne ressent rien pour la plupart d’entre eux. En effet, ils sont uniquement caractérisés par leur archétype du jeu de rôle. La série ressemble alors davantage à de l’heroic fantasy banale, tendance hack‘n’slash. Autrement dit, c’est comme si vous pensiez jouer à Baldur’s Gate et que vous vous retrouviez devant Icewind Dale. Les intentions de départ paraissent alors bien éloignées. Pendant ce temps, le héros Crève-Gobelins est au centre des attentions. On est en droit de se demander ce que les personnages féminins trouvent à quelqu’un d’aussi taciturne et qui, de surcroît, n’enlève jamais son armure (même pour manger !).
« Orcbolg », surnom donné par l’archère, est obnubilé par l’extermination des petits démons. Cet acharnement radical fait de lui un paria à la guilde des aventuriers mais cache en réalité un traumatisme profond lié à l’enfance. En effet, il a assisté, impuissant, au massacre de sa famille par des gobelins. Il y avait matière à explorer la psyché d’un individu rongé par sa quête vengeresse. Un « punisseur » qui a laissé son humanité de côté pour se consacrer pleinement à sa tâche. Crève-Gobelins est plus le nom d’une arme que d’une personne. L’auteur évoque en substance l’aspect meurtrier du personnage (la mise à mort des enfants gobelins du premier épisode notamment) pour vite changer son fusil d’épaule. Il s’oriente alors vers un chemin plus politiquement correct : celui de la reconquête de son humanité grâce à ses compagnons de voyage.
Cette adaptation est réalisée par Takaharu Ozaki (Girls’ Last Tour) pour le studio White Fox (Red Eyes Sword). L’animé couvre quasiment les six tomes du manga sortis ce jour (dont trois en France pour l’instant). En dépit d’une réalisation moyenne (animation minimaliste, chara design en deçà du manga), le fait d’inclure l’attaque du village du troisième tome à la fin de la série est une bonne idée. La séquence de recrutement d’aventuriers façon 13ème Guerrier de l’épisode 11 est sûrement la plus forte de la série. « Tranche barbe », surnom donné par le shaman nain, se métamorphose en leader, bien loin du guerrier mutique des débuts. Il n’est plus question de nettoyer une grotte, mais de protéger le village où vit son ami d’enfance. L’affrontement qui s’ensuit contre l’armée de gobelins fait office de climax convaincant et permet de terminer sur une note positive.
La compétition avec Berserk n’aura en réalité jamais lieu. Les deux séries ne jouent pas dans la même catégorie. Dès le deuxième épisode, nous pouvons le conclure. En puisant ses influences dans l’œuvre de Miura (Guts y fait même un caméo) et dans bien d’autres œuvres du genre, Goblin Slayer devrait toutefois plaire aux aficionados.
Les 12 épisodes sont disponibles sur Wakanim.
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