La punchline de Sex Education aurait pu être inspirée d’un slogan de McDonald’s, scandé par un acteur en habits fluo arborant un sourire juste un peu trop large pour être naturel. « Venez comme vous êtes ! », votre vie sexuelle ne s’en portera que mieux.
La nouvelle série britannique originale de Netflix porte bien son nom. Il s’agit en tout point d’une production positive, qui est autant là pour divertir que pour éduquer son public. Les adolescents y sont beaux, bizarres, gentils, drôles, débrouillards, attendrissants.
La force du mouvement sex-positive
Pour pénétrer (si vous riez dès à présent, la série ne va pas vous décevoir) dans ce milieu, c’est Otis que la série a choisi comme porte d’entrée. Il a 16 ans, des yeux clairs, un regard doux (souvent), un air ahuri (souvent aussi). Asa Butterfield (vu dans Hugo Cabret de Scorsese) incarne ce héros et vient s’intercaler sans effort dans la lignée des garçons-aux-allures-de-geeks-empotés-un-peu-étranges,-mais-touchants, pile entre Alex Lawther (The End of the F***ing World) et Fionn Whitehead (Black Mirror: Bandersnatch).
Otis vit dans une maison remplie de godes géants en bois et de tableaux inspirés du Kamasutra. Le garçon n’a pourtant rien d’un passionné d’érotisme : les œuvres d’art appartiennent à sa mère Jean (Gillian Anderson), sexologue. Celle qui se décrit comme « calme et rationnelle » est évidemment l’objet de nombreuses curiosités, car dérogeant au stéréotype de la mère au foyer prude qui surcouve son fils unique. Ici, Otis souffre d’un excès de conversation, qui se traduit physiquement par un dégoût de la masturbation et un rejet de son propre corps.
Il s’agit probablement d’un des sujets les plus intéressants de ces huit épisodes, dont certains ont tendance à verser dans d’autres clichés qui, malheureusement, alourdissent, non pas le propos de Sex Education, mais son atmosphère plus largement. Ainsi la sexologue Jean est-elle une femme émancipée qui connaît ses désirs, mais la série n’évite pas l’écueil de la faire tomber sous le charme du premier homme bourru qui ne montre pas immédiatement l’envie de la séduire. Lorsqu’il s’agit de son fils, elle n’est par ailleurs nullement différente que les autres mères protectrices qu’on a déjà vues partout, capables de suivre leur progéniture à une fête puis mimer la surprise de les y retrouver. Si l’objectif était de montrer qu’au fond, « les mamans sont toutes les mêmes », c’est plutôt réussi.
De l’autre côté du spectre féminin, il y a Maeve (Emma MacKey, nouvelle dans le milieu), à qui on a donné tous les aspects de la « fille cool » car sarcastique, vulgaire et très intelligente. La fille cool, c’est celle qui fait semblant de ne pas se soucier des autres, mais qui dispose au fond d’un cœur tendre. Seule Tanya Reynolds, avec ses faux airs de Kristen Schaal, hérite finalement d’un rôle vraiment à la marge, extrêmement précieux.
Un propos salutaire, mais un didactisme très présent
Alors oui, on parle de sexe, et on en parle bien. La série créée par la scénariste Laurie Nunn s’inspire clairement du mouvement sex-positive anglo-saxon qui promeut le dialogue et le consentement, ainsi que l’épanouissement sexuel par l’acceptation de son corps et ses désirs. Les relations sexuelles sont présentées avec beaucoup de liberté — une force indéniable de la série — et sans une once de glamour. L’avortement y est montré sans pincette, mais avec beaucoup de douceur. La communication est omniprésente. L’ouverture aux autres et le respect du parcours de chacun — non, personne n’est obligé d’avoir un premier rapport sexuel au lycée pour faire « comme les autres » — aussi.
Ces messages universels sont encore rares sur les écrans, et leur mise en avant est salutaire. Mais en mettant l’accent sur ce seul aspect — assumé —, Sex Education pâtit là où on attendait un peu plus de modernité et d’envolées touchantes. La série britannique parle de notre présent, peut-être, mais elle reste relativement hors du temps : les smartphones sont très peu montrés, les vêtements sont intemporels, le langage est lisse. À la manière d’un 13 Reasons Why, il n’y aura que très peu de références à la pop culture ou à la politique. Cela n’empêche pas le message de passer, mais laisse un arrière-goût de didactisme qui supplante ici toute possibilité de poésie.
Sex Education reste une série pour ados de qualité — ce qui ne veut pas dire qu’elle ne sera vue que par eux : on sait comment Netflix a les moyens de pousser sa production originale au sommet de nombreux écrans d’accueil, suscitant à minima la curiosité de ses abonnés, qu’importe leur âge. Mais pour la révolution poétique, il faudra encore attendre.
https://www.youtube.com/watch?v=o308rJlWKUc
Sex Education, 8 épisodes de 50 minutes, depuis le 11 janvier 2018 sur Netflix
Le verdict
Sex Education sur Netflix
On a aimé
- Le propos éducatif
- Les acteurs et actrices jouent très bien
- Enfin une série vraiment bienveillante
On a moins aimé
- Un manque de poésie
- Quelques clichés
- Des personnages sous exploités
La nouvelle série britannique produite par Netflix est dédiée aux ados même si elle touchera probablement tout le monde. Didactique, mignonne et touchante, elle permet d'aborder le sexe de manière positive et promet l'épanouissement par la communication et le respect. Mais au-delà son côté purement éducatif, la série pâtit par un léger manque de modernité et des personnages à la limite du stéréotype.
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