En 2017, Capcom offrait les premiers frissons de l’année avec Resident Evil 7: Biohazard, l’épisode du renouveau pour une franchise qui n’avait plus rien de survival. Deux ans plus tard, la firme japonaise remet ça avec le remake de Resident Evil 2, avec l’espoir de faire ressurgir des frissons qui ne datent pas d’hier puisque le titre orignal est sorti en 1998, en plein âge d’or de la PlayStation.
Habitué au recyclage parfois opportuniste, Capcom a cette fois-ci mis du cœur à l’ouvrage. Ce Resident Evil 2 n’est pas un simple portage avec des graphismes lissés et davantage en phase avec les consoles d’aujourd’hui. L’intérêt est double : redorer le blason d’un mythe (car Resident Evil 2 est un jeu culte) et raviver des souvenirs à celles et ceux qui avaient assumé leurs sueurs froides voilà plus de vingt ans. Est-ce que ça fonctionne ?
Les bienfaits du RE Engine
Pour faire renaître sa pépite qui commençait à accuser sérieusement son âge, Capcom a fait appel à son moteur graphique maison, le RE Engine, mobilisé, déjà, pour Resident Evil 7: Biohazard. Grâce à lui, Resident Evil 2 brille de mille feux. Il a même tendance à un peu trop briller, d’ailleurs, ce qui occasionne un rendu parfois superficiel (le HDR n’aide pas).
Toutefois, force est de reconnaître qu’on ne boudera pas notre plaisir à (re)voir le survival-horror sublimé par ce ravalement de façade. Au point que certains ne manqueront pas de comparer les deux versions pour se rendre compte de combien la technologie a évolué en deux décennies. En quelque sorte, Resident Evil 2 est la matérialisation de plusieurs pages qui se sont tournées. La parfaite illustration de ce constat tient dans les éclairages, suffisamment évolués aujourd’hui pour appuyer une ambiance encore plus délétère. Le paradoxe est posé : grâce à un meilleur travail sur les lumières, les environnements se permettent d’être plus sombres.
Une ambiance encore plus délétère
D’autant que le jeu s’offre le luxe d’un framerate à 60 fps sur PlayStation 4 Pro et Xbox One X. Sur ce point, on aurait aimé avoir le choix entre fluidité et qualité d’image, la résolution bâtarde accouchant de certains artifices très voyants (les ombres crénelées, notamment). Nourri par le RE Engine, Resident Evil 2 célèbre le gore dans sa forme la plus généreuse : de la chair qui se déchiquète à l’hémoglobine qui coule à flot, c’est un véritable théâtre des horreurs auquel nous convie Capcom. Les animations, très réalistes et variées, et les détails, renforcés, participent au spectacle à peine entaché par quelques bugs de collision.
À cette partie visuelle très chatoyante — au sens technique du terme — s’ajoute une bande son orchestrée d’une main de maître (surtout avec un casque sur les oreilles ou un home cinéma avec plusieurs enceintes). Les craquements entendus çà et là dans les décors et les pas lourds du mystérieux colosse en noir qui nous poursuit soulignent une atmosphère fait pour sortir le joueur de sa zone de confort. Les fans noteront qu’il est possible de choisir la langue des personnages.
Spoiler : on peut tirer en bougeant
Le Resident Evil 2 de 1998 ne permettait pas de tirer en bougeant. Cette limite, qui participait au sentiment d’urgence lors des affrontements, n’est plus d’actualité depuis le spin-off Resident Evil: Revelations (une révolution née en 2012 sur 3DS). Et si Capcom tient à conserver l’âme de Resident Evil 2 dans son remake, il n’a pas voulu nous faire revivre ce calvaire. Ce point change tout et assouplit un gameplay très rigide et peu inspiré quand on le compare aux ténors du jeu de tir à la troisième personne.
Dans leur volonté de ne pas trahir le game design d’antan, les développeurs n’ont pas cherché à faire plus que du dépoussiérage. En ressort une prise en mains qui ne dépaysera pas les aficionados mais pourra faire grincer quelques dents — surtout lors des face-à-face avec de viles créatures. Ainsi, Leon et Claire n’ont visiblement pas été beaucoup entraînés au corps-à-corps et, par exemple, sont incapables d’esquiver une attaque ennemie au dernier moment. Si un zombie se retrouve au sol, il ne leur viendra jamais à l’idée de mettre un terme une bonne fois pour toutes à son existence en lui écrasant le crâne, une mise à mort qui nous arrangerait bien tant la vulnérabilité des infectés frise parfois le ridicule.
On sent l’expérience nettoyée et fluidifiée
Bien que la résistance des adversaires soit acceptable, voir un mort-vivant se relever après avoir reçu cinq balles en pleine tête peut énerver, alors que les munitions sont une denrée rare. Ce challenge, lié à des impacts peu permissifs et très aléatoires, est a priori assumé par Capcom. En effet, Resident Evil 2 privilégie les un-contre-un plutôt que les tueries de masse. Au regard de cette contrainte, associée à des mouvements ennemis quasi insondables et à l’absence d’indicateur concret signalant la mort permanente (exit les flaques de sang), il arrive très souvent de recourir à l’évitement plutôt qu’au combat.
On retrouve autrement tout ce qui a fait le sel de Resident Evil 2 : les allers-retours nécessaires au sein d’une carte étriquée (level design basique), les portes fermées qui s’ouvrent avec des clefs spécifiques, les objets à examiner, les plantes à combiner pour se soigner, la gestion millimétrée de l’inventaire, les énigmes simplistes qui ne rebuteront personne et la bonne place accordée à la narration (cinématiques, journaux écrits à ramasser).
Capcom a toutefois procédé à une modernisation de certains élément : les temps de chargement ont disparu (quand on change de pièce), les machines à écrire n’ont plus besoin de rubans encreurs pour sauvegarder (sauf dans le mode hardcore) et l’inventaire s’ouvre automatiquement quand on peut déclencher un mécanisme. Là encore, on sent l’expérience nettoyée et fluidifiée, à défaut d’être révolutionnaire.
L’hommage n’est pas loin
L’histoire de Resident Evil 2 n’a pas fondamentalement changé avec cette version 2019. Elle s’articule toujours autour de deux protagonistes : Claire Redfield, à la recherche de son frère Chris, héros du précédent épisode, et Leon S. Kennedy, fraîchement employé par le commissariat de Raccoon City et sans nouvelle depuis qu’une mystérieuse épidémie a décimé la ville. Ces destins croisés vont faire naitre une intrigue qui ira plus loin que les simples motivations de chacun avec, en filigrane, les coulisses de l’horreur dans lequel le duo est plongé.
Claire et Leon fournissent surtout une aubaine pour augmenter la durée de vie. On aurait pu penser que Capcom profiterait du remake pour rassembler les deux arcs. À l’instar du Resident Evil 2 de 1998, le joueur doit opter pour Claire ou Leon et s’en tenir à son choix jusqu’au dénouement final. Une fois le premier scénario achevé, un chemin bis — plus expéditif — permet de vivre l’aventure dans l’autre costume. Cette construction est alambiquée puisqu’elle force à revoir les mêmes situations, ce qui a le don de créer des ellipses et des failles narratives alors que Claire et Leon sont censés suivre un chemin diamétralement opposé. En bref, le suffixe bis est trompeur, même si certains segments diffèrent vraiment d’un personnage à l’autre.
Pour apprécier l’intégralité de Resident Evil 2, il conviendra de le terminer à quatre reprises (Leon puis Claire, Claire puis Leon) — ce qui demandera près de 30 heures aux plus courageux (entre 6 et 8 heures par campagne). Ensuite, les speedrunners mettront sans aucun doute tout en œuvre pour aller de plus en plus vite afin de décrocher les meilleures notes — à l’ancienne. Comme dans le premier Resident Evil 2, donc.
Resident Evil 2 est disponible sur PS4, Xbox One et PC.
Le verdict
Resident Evil 2
Voir la ficheOn a aimé
- L'ambiance plus sombre que jamais
- On peut enfin tirer en bougeant dans RE2
- Une aubaine pour découvrir cette pépite
On a moins aimé
- Plus hommage que remake
- Cinq balles dans la tête ne suffisent pas toujours
- Graphismes actuels, mais gameplay daté
Entre volonté de préserver l’esprit original et dépoussiérage du design, entre old school et modernité, ce Resident Evil 2 réinventé, mais en rien transcendé, cherche sa place. Sans vraiment la trouver (hormis, peut-être, dans le cœur des fans).
Derrière ce titre en forme d’hommage à un illustre aîné, on retrouve une expérience calibrée et d’un classicisme qui saute parfois un peu trop aux yeux. Si l’idée de raviver des souvenirs en leur offrant un écrin bien plus agréable est là, on préférera quand même l’audace de Resident Evil 7: Biohazard en espérant une suite dans la lignée.
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