Netflix et le Festival de Cannes, le Festival de Cannes et Netflix… Les deux entités fascinent tellement que la moindre information soulève systématiquement son lot de reprises, commentaires et analyses. Même… quand il n’y a pas grand-chose de nouveau.
Reprenons les faits. Depuis 2018, le Festival a instauré dans ses règles que tout film qui « souhaitera concourir en compétition à Cannes devra préalablement s’engager à être distribué dans les salles françaises ». Or, les longs-métrages produits par Netflix ne sortent pas au cinéma, à part quelques exceptions que nous aborderons plus tard. Par réaction mi-boudeuse mi-amusée, la multinationale avait alors décidé de ne présenter aucun film à Cannes, même pas hors compétition.
Roma aurait dû être présenté à Cannes
Mais les temps changent, et le service prend de l’ampleur. Fin 2018, Netflix a sorti Roma d’Alfonso Cuarón, un long-métrage semi-autobiographique en noir et blanc qui a remporté le Lion d’Or à la Mostra de Venise et est actuellement en lice pour l’Oscar du meilleur film. Pourtant, il s’avère que Roma aurait dû à l’origine être présenté… à Cannes. Ce qui a le don de renforcer l’agacement des défenseurs d’un peu plus d’ouverture, et même celui du programmateur historique Thierry Frémaux, qui ne cache pas son envie de discuter avec la plateforme.
Netflix, n’en déplaise aux puristes et aux exploitants de salles, est donc en train de creuser son trou dans le monde du cinéma, et faire sans lui semble de plus en plus anachronique pour le Festival de Cannes. Mais la loi française telle qu’elle existe aujourd’hui rend impossible un accord qui satisferait les deux parties.
Des « discussions en cours »
Jeudi 31 janvier, un journaliste de RTL a rapporté sur Twitter que le Festival de Cannes devrait, selon lui « sous peu », « tendre la main » à Netflix et les autres plateformes comme Amazon ou Apple. Il s’agirait pour l’événement cinématographique de modifier les conditions d’entrée en compétition officielle pour que les films des plateformes puissent « revenir en compétition mais devront sortir en salles s’ils sont primés.»
Contacté par Numerama, le Festival confirme qu’il existe des discussions en cours, mais affirme qu’il n’y a « rien de nouveau » à ce jour et qu’aucune communication officielle ne va dans le sens d’un tel accord. Car le sujet de la sortie en salles dépasse les intérêts des deux parties, et rend toute entente très compliquée.
La (nouvelle) loi sur la chronologie des médias spécifique à la France impose un temps d’attente très long entre la sortie en salles d’un film et sa diffusion sur une plateforme de vidéo à la demande par abonnement comme Netflix (compter 17, 30 ou 36 mois en fonction des accords et de l’argent que les plateformes acceptent de verser au Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC)).
Cela signifie que si Netflix choisissait de sortir un prochain film en salles en France, il lui serait actuellement interdit de le rendre accessible en même temps sur sa plateforme en France. Or la multinationale, par la voix de son patron Reed Hastings, affirme haut et fort que ses contenus sont avant tout « pour ses abonnés », qui sont sa principale source de rémunération (il n’y a pas de publicité sur Netflix). Il y a 139 millions d’abonnés mensuels à Netflix.
RTL croit savoir que la proposition du Festival de Cannes aurait été soutenue par le « CNC et le ministère de la Culture », ce qui correspondrait à un changement profond de la loi sur la chronologie des médias, ou une exception bien spécifique à la situation. Contacté récemment par Numerama, le CNC n’a pas encore eu le temps de revenir vers nous — nous mettrons à jour cet article en fonction des réponses.
Il convient de noter que Netflix a déjà fait des concessions lorsque cela n’avait pas un grand impact sur ses abonnés. Ainsi, Roma d’Alfonso Cuarón a été mis en ligne le 14 décembre 2018 sur la plateforme de vidéo à la demande par abonnement, partout dans le monde. Mais outre-Atlantique, il avait bénéficié de quelques rares projections dans des cinémas, quelques semaines avant sa mise en ligne. Une manière de rassurer les Oscars, mais de permettre à ses abonnés, tout de même, de profiter d’un film financé en partie par leur argent.
Ces informations ne signifient pas qu’il n’y aura jamais d’accord entre le festival et les plateformes qui tiennent à leur modèle, mais qu’une entente devra forcément passer par une modification au niveau juridique, avec un accord du gouvernement également.
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