Pour son tout premier match officiel en Overwatch League, Paris Eternal ne pouvait sans doute pas rêver de meilleure entrée dans la compétition. L’équipe parisienne, qui n’a même pas un an d’existence, s’est en effet imposée avec brio le samedi 16 février 2019 à la Blizzard Arena, l’enceinte que Blizzard dédie à ses évènements de sport électronique (esport), au troisième jour du championnat.
Un succès d’autant plus remarquable que les joueurs n’affrontaient pas une équipe anodine : il s’agissait des champions en titre, les London Spitfire, vainqueurs de la saison précédente.
Cerise sur le gâteau, les quatre joueurs français de l’équipe étaient alignés pour ce match : Terence « SoOn » Tarlier, Nicolas « NiCOgdh » Moret, Benjamin « Benbest » Dieulafait et Damien « HyP » Souville. Les deux derniers titulaires furent le Britannique Harrison Pond, alias « Kruise », et l’Islandais Finnbjörn Jónasson, dit « Finnsi ».
Sont donc restés sur le banc pendant la rencontre le Russe George « ShaDowBurn » Gushcha, le Polonais Karol « Danye » Szcześniak, le Finlandais Roni « LhCloudy »Tiihonen et le Portugais Luís « Greyy » Perestrelo. Aucun remplacement n’a en effet été demandé par le staff parisien, ni même de véritables changements dans le choix des personnages sélectionnés par les joueurs pour aller au feu.
Pourtant, une séquence difficile s’est ouverte dès la deuxième manche (quatre parties sont prévues en tout, la victoire allant à la première équipe avec trois victoires au compteur. Une cinquième carte peut être jouée en cas d’égalité), à cause du travail de sape mis en place par un joueur adverse, le Sud-Coréen Hee-dong Lee, alias « Guard », qui s’est montré redoutable avec l’héroïne Sombra. Ce personnage a en effet la faculté de devenir invisible pour s’infiltrer dans les rangs ennemis et d’empêcher les joueurs ennemis d’utiliser les capacités de leurs héros pendant un temps (cette invisibilité s’achève toutefois dès qu’une action de sa part est réalisée).
Un début tonitruant
Les choses avaient bien commencé pour la jeune équipe parisienne. « Dès la première carte, on a vu qu’on les dominait, qu’on était meilleurs qu’eux, que si on se concentrait sur notre jeu et qu’on jouait proprement, on devrait remporter le match », commente pour Numarama Damien Souville, alias HyP. Avant le match, « on était assez confiants, sereins. On savait qu’on avait de grandes chances de les battre ».
Lors de la première manche, qui se déroulait sur Ilios, une carte inspirée par l’ambiance et l’architecture de la Grèce, Paris Eternal a globalement dominé. Il s’agissait ici de prendre le contrôle d’une zone au centre de la carte, d’abord au niveau d’un puits, puis d’un phare.
Sur le premier combat, les Parisiens, après quelques ajustements initiaux — SoOn a d’abord commencé sur un héros dédié aux dégâts, McCree, avant de basculer peu après sur toute autre chose, avec Zarya, dont le rôle est surtout de les encaisser, alors que Benbest, de son côté, est passé successivement d’Orisa, à Winston puis à Reinhardt, trois personnages au profil similaire à Zarya, c’est-à-dire dédié au « tanking » — sont ainsi parvenus à prendre en premier le point de contrôle et a le valider aux deux tiers avant d’être repoussés par Londres.
Après une courte possession de la zone par Londres, dont les joueurs sont tous Sud-Coréens, le bloc parisien a toutefois repris l’ascendant et conservé le terrain jusqu’à 99 %. Paris Eternal aurait sans doute pu abréger plus tôt ce premier face-à-face si l’équipe n’avait pas parfois laissé l’objectif sans surveillance — les six joueurs avaient tendance à pourchasser l’ennemi assez haut, laissant les flancs dégagés pour qu’un ennemi, avec de l’habileté, puisse se faufiler jusqu’au point de contrôle et l’empêcher d’être validé.
Sur le deuxième combat, toujours sur Ilios, les choses se sont nettement mieux passées : le point a été capturé en premier et n’a plus jamais été lâché par les Européens. Londres n’a presque pas eu l’opportunité de poser durablement le pied sur l’objectif. Paris a réalisé un sans-faute sur ce duel, permettant forcément d’engranger de la confiance pour la suite des évènements. Le score affichait alors 1 – 0 pour les joueurs parés de rouge et bleu.
Et puis la Sombra ennemie est apparue
Les choses se sont toutefois gâtées avec la deuxième carte, King’s Row, une carte qui rappelle Londres. Sans doute était-ce logique que les London Spitfire sortent victorieux d’un affrontement se déroulant dans la capitale britannique. Car c’est en effet à ce moment-là que la Sombra ennemie a commencé à faire des siennes, alors que Paris était en attaque.
La mission ? D’abord capturer une zone puis franchir deux étapes avec un convoi — celui-ci bouge quand un joueur est à proximité et si aucun ennemi n’est dans le coin. Mais il est vite apparu que les Parisiens n’arrivaient pas à gérer le personnage de Guard.
Ses statistiques étaient d’ailleurs éloquentes à la fin de King’s Row : 41 joueurs parisiens piratés et 22 impulsions électromagnétiques (EMP) lancées. Certes, Paris a réussi à capturer la première zone puis à déplacer le convoi sur 104 mètres, mais sans parvenir à atteindre la première étape, le point B. Cela s’est joué à rien, à peine quelques centimètres tout au plus. La Sombra adverse a sans aucun doute été décisive, avec un très bon travail de neutralisation et de prise à revers des joueurs.
D’ailleurs, King’s Row a été une carte qui a bien mieux réussi à Londres puisque les six joueurs sud-coréens ont pu recoller au score. Quand les rôles d’attaquant et de défenseur ont été inversés, la maîtrise du jeu des Coréens s’est ressentie, avec une capture et un déplacement du convoi bien plus rapides. London Spitfire n’avait alors même pas besoin d’aller jusqu’au point B pour remporter la manche : il lui suffisait de dépasser la position la plus avancée de Paris Eternal pour gagner.
Malgré les difficultés évidentes du collectif sur cette manche, chaque joueur est resté fidèle à son héros : outre Benbest et SoOn, Nico a gardé Brigitte — une héroïne de type support qui est capable d’améliorer ses alliés –, tandis que Kruise, Finnsi et HyP sont restés quasiment tout le temps avec Lúcio (un héros de type support), D.VA (un tank) et Zenyatta (un support). Les rares changements auxquels on a pu assister s’inscrivaient dans des situations très ponctuelles, lorsque par exemple un point était sur le point d’être repris par le camp d’en face.
Souci de communication
Dans les discussions que Numerama a pu avoir après le match avec HyP et Julien Ducros, le coach de Paris Eternal, cette configuration était voulue. Il n’était pas nécessaire de changer de héros ou de joueur pour s’en sortir. « On savait déjà comment gérer ce genre de cas », explique HyP. Le problème, en réalité, était avant tout un souci de communication entre les joueurs pour savoir qui fait quoi et à quel moment.
« On l’a montré sur la deuxième carte : notre plus gros défaut pendant ce match c’était la communication. On a eu beaucoup, beaucoup de mal à cause de ça », commente-t-il. Aux yeux de HyP, c’est le contexte autour de cette première affiche et le cadre dans lequel elle a eu lieu qui ont joué : « C’était notre premier match sur cette scène [de la Blizzard Arena], et celui-ci est forcément très spécial parce qu’il y a plein d’enjeux autour de ça.»
« Notre plus gros défaut pendant ce match c’était la communication »
En clair, pendant que certains essayaient de neutraliser la Sombra, d’autres voulaient mettre la pression sur la ligne de front adverse. Résultat, l’équipe avait beau avancer ensemble, deux objectifs étaient en concurrence. « Le fait qu’on ne fasse pas la même chose ensemble nous a porté préjudice ».
«On a essayé de résoudre ce problème pendant la partie, pour gagner les cartes suivantes », pointe le joueur spécialisé dans les héros qui soignent ses alliés. Cela n’a pas forcément servi immédiatement, tempère-t-il, car la carte a été perdue, mais cela a porté ses fruits pour après. En effet, Paris Eternal a réussi à reprendre son destin en main à partir de la troisième carte. Mais de toute évidence, l’équipe parisienne devra s’assurer à l’avenir que la communication ne soit plus pénalisante.
Les Européens renversent la vapeur
À la troisième carte, baptisée Volskaya et qui rappelle l’industrie lourde soviétique, Paris Eternal a redressé la tête. Ici, le but était de capturer deux points successifs.
Ce n’était pas gagné : alors en défense les rookies de l’Overwatch League ont beau avoir opposé une belle vaillance dès les premières minutes, l’expérience de Londres a pris le dessus lors de la première phase, avec une astucieuse combinaison de coups ultimes (chaque personnage en possède un, qui est disponible périodiquement), notamment avec l’EMP de Sombra (toujours elle !) et de Hanzō, un samurai japonais dont l’attaque finale consiste à tirer en ligne droite un énorme dragon d’énergie.
Pourtant, Paris Eternal a eu une jolie séquence vers la fin de la manche, avec un triple kill adverse opéré par SoOn et même un team kill (tous les joueurs adverses sont tués et renvoyés à leur point de réapparition). Mais cela n’a pas suffi à empêcher la prise du dernier point par London Spitfire.
Malgré cela, pas question de changer de plan de jeu. « On savait déjà avant le match entre Philadelphia Fusion et London Spitfire (qui a eu lieu deux jours plus tôt, ndlr) quels héros nous allions aligner et quels joueurs allaient être titularisés », affirme HyP. « On sait qu’on est censés gagner avec ce qu’on a. On n’a aucune raison de changer », ajoute-t-il, en référence à la GOATS, une stratégie composée de trois tanks et trois supports.
« On sait qu’on est censé gagner avec ce qu’on a »
Il faudrait en fait un changement dans la méta, c’est-à-dire dans l’équilibrage du jeu, pour que Paris suive une autre tactique. « On préfère se concentrer sur notre jeu, sur les héros qu’on gère, plutôt que d’aller sur autre chose qu’on maîtrise moins bien, et on essaie de les battre avec ça », poursuit-il. Cela arrivera peut-être au cours de la saison, en fonction de la nature des patchs que produira Blizzard.
À la seconde manche sur Volskaya, le bloc européen s’est toutefois montré plus efficace en attaque car la capture du point A puis du point B s’est déroulée en un temps bien plus court. Les deux équipes étaient alors à égalité sur cette carte. Pour les départager, les deux équipes devaient réaliser un dernier assaut, dans le temps qui n’avait pas été consommé précédemment. Or, comme Paris Eternal a fait les captures plus rapidement, son temps additionnel était plus conséquent.
Paris est alors repassé en tête, avec un score de 2 à 1. En clair, il ne lui manquait plus qu’un point pour la victoire. Autant dire que la pression était grande sur la pression de Londres, qui devait impérativement gagner la prochaine carte puis la suivante pour sortir victorieux. L’ascendant psychologique était du côté de Paris.
En réalité, il n’y a pas eu d’égalisation de Londres. Sur la quatrième carte, appelée Route 66 en référence à une célèbre voie terrestre aux États-Unis, Paris a surclassé Londres. Certes, la Sombra de Guard s’est encore une fois distinguée en contrariant le schéma tactique de SoOn et ses compagnons, mais pas au point de les empêcher de progresser. D’ailleurs, le premier point a été pris assez rapidement et Paris Eternal s’est même offert un autre team kill juste après. L’équipe a ensuite déroulé, avec la capture des points B et C.
Quand est venu le temps d’inverser le rôle des attaquants et des défenseurs, Londres a passé un moment encore plus désagréable : les six Européens ont en effet défendu très haut, presque devant la zone de réapparition de Londres. Cette situation a duré presque toute la partie : ce n’est qu’à une minute de la fin quand le convoi a pu être récupéré, mais il manquait décidément trop de temps pour espérer atteindre le point A.
« C’était très important pour nous de commencer par une victoire », conclut HyP, avant de rejoindre ses coéquipiers « On a beaucoup de fans qui nous attendent au haut niveau. On leur a prouvé qu’ils ont eu raison de nous attendre ». Il reste maintenant à savoir quel sera le parcours de Paris Eternal dans la saison 2019 de l’Overwatch League. Le prochain match aura lieu le samedi 23 février contre les Los Angeles Gladiators.
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