Netflix aimerait vraiment que Roma gagne un Oscar. Le film d’Alfonso Cuarón a reçu dix nominations, dont celle du meilleur film, le 22 janvier dernier. Depuis, la multinationale met en place une très grosse campagne de lobbying pour emporter une récompense au cours de la 91e édition de la cérémonie la plus suivie du monde du cinéma, a rapporté le New York Times le 17 février 2019.
Le long-métrage, produit par Netflix et diffusé quasi exclusivement sur sa plateforme de vidéo à la demande par abonnement (SVOD), serait le premier à obtenir un tel prix. Il a déjà reçu le Lion d’Or à la Mostra de Venise, après avoir été refusé à Cannes. Pour la multinationale aux 139 millions d’abonnés, emporter un Oscar — surtout dans les catégories les plus prestigieuses — serait un énorme changement : au-delà du succès auprès du public, elle pourrait mettre en avant sa capacité à produire ce qu’il se fait de mieux (en tout cas, selon les institutions culturelles américaines) dans le cinéma, et donc attirer encore plus de nouveaux acteurs et réalisateurs de talent.
Lorsque l’on recherche le film Roma sur Netflix, on observe d’ailleurs que de nombreuses mentions des nominations aux Oscars ont été incrustées sur les vignettes.
La stratège Lisa Taback à la manœuvre
Mais c’est surtout grâce à Lisa Taback que Netflix espère voir son film sacré aux Oscars, ce dimanche 24 février. Cette spécialiste du lobbying cinématographique a été embauchée par la multinationale en juillet 2018 et nommée vice-présidente des relations avec les talents et les cérémonies de prix, envoyant un signal fort à Hollywood. Taback, qui travaille dans le milieu depuis 25 ans, est notamment connue pour avoir œuvré pour la victoire de films comme Shakespeare in Love (1998), Chicago (2002), The King’s Speech (2010) ou encore The Artist (2011) dans la catégorie Meilleur Film des Oscars.
À 55 ans, Taback a donc une nouvelle mission : faire gagner le film de Netflix. Et elle disposerait de grands moyens, d’après l’enquête du New York Times. Alors que Roma n’aurait coûté que 15 millions de dollars à produire, la promotion du film aurait coûté entre 25 et 30 millions. Le quotidien américain souligne l’importance des campagnes de lobbying des Oscars, auxquelles tous les distributeurs doivent participer s’ils veulent avoir une chance de l’emporter. L’un des objectifs assumés est de parvenir à montrer au jury que le film s’inscrit dans son époque et dit quelque chose de l’esprit du temps. Dans les faits, la victoire de Roma dirait aussi quelque chose du cinéma et de son rapport aux nouvelles technologies.
L’article met en avant les nombreuses tactiques mises en place par Taback et son équipe : projections privées avec des journalistes, exposition privée des costumes du film, présentation du film dans des festivals, projections au jury des Oscars présentées par Angelina Jolie ou Charlize Theron ou encore de nombreux cadeaux (des chocolats, un livre à 175 dollars sur le film).
Une victoire de Netflix correspondrait à un vrai bouleversement dans l’industrie hollywoodienne, qui ne pourrait plus composer sans le géant de la SVOD. Reste à voir si Lisa Taback aura réussi son pari.
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