Cette semaine, le Copyright Madness revient sur le blocage de Sci-Hub en France, Mercedes qui a des mésaventures avec des photos postées sur Instagram et la famille du narcotrafiquant El Chapo, très inventive en matière de dépôt de marque. Bonne lecture et à la semaine prochaine !
Copyright Madness
Obscurantisme. Imaginez un instant que des producteurs de tomates donnent gratuitement leur production à des supermarchés pour ensuite devoir les racheter pour manger. Absurde. C’est pourtant ainsi que fonctionne la publication des articles scientifiques. Les chercheurs publient leurs écrits dans des revues détenues par de grands groupes internationaux, généralement sans être payés, et les universités sont ensuite obligées de racheter l’accès à ces mêmes articles, à prix d’or. Pour mettre fin à cette aberration, le site pirate Sci-Hub lancé il y a plusieurs années par Alexandra Elbakyan offre un accès gratuit à l’essentiel de la littérature scientifique. Mais bientôt plus en France… Les deux plus gros éditeurs, Elsevier et Springer, ont obtenu en justice le blocage de Sci-Hub qui devra être appliqué par les principaux FAI du pays. Une mesure désespérée de la part de ces ayant droits, qui n’empêchera pas Sci-Hub de changer régulièrement de nom de domaine, comme il le fait déjà, ni les chercheurs d’apprendre à utiliser un VPN !
Street Art. Le fabricant automobile Mercedes est accusé par un groupe de street art américain de contrefaçon pour avoir publié l’an dernier des photographies d’un de ses modèles sur Instagram. Les artistes reprochent à Mercedes d’avoir utilisé leurs graffitis sans demander leur autorisation. Bonne poire, Mercedes entend la plainte des auteurs et a dépublié les photos de son compte Instagram. Mais cela n’a visiblement pas suffit puisque les artistes ont envoyé leur avocat pour obtenir une réparation et demandent à Mercedes de verser une somme d’argent pour compenser cette violation de droit d’auteur. Le constructeur a perdu patience et a réagi en expliquant que c’est le véhicule qu’on voyait sur les photos. Le mur est un élément secondaire au même titre que le trottoir ou un lampadaire et qu’il n’y a pas d’autorisation à demander aux auteurs. Enfin, Mercedes rappelle que de toute façon ils ne visent pas le même public. Les street artistes utilisent la peinture pour dénoncer la consommation à outrance. Effectivement, ce n’est pas le credo de Mercedes…
Escalade. Le droit d’auteur crée parfois des situations qui ressemblent au déclenchement de la Première guerre mondiale. Une spirale infernale dans laquelle les protagonistes sont embarqués et qui finit très mal. À Rozière-aux-Salines, une petite ville de l’Est de la France, un artiste a vendu à la mairie un logo sur un panneau en bois, sur lequel figure le mot « Sal’ados » en lettres colorées. Il était accroché devant la salle réservée aux adolescents dans la commune. Mais la ville est allée plus loin et a utilisé le logo dans son journal municipal pour illustrer la rubrique dédiée aux jeunes. L’artiste en a pris ombrage, car il avait indiqué sur la facture adressée à la commune la mention : toute reproduction interdite. En outre, son nom n’était pas mentionné dans le journal. Après quelques rencontres destinées à trouver un arrangement, le ton est monté et l’artiste — qui réclame 14 400 euros de dédommagements — envisage de porter l’affaire en justice. On peut dire que dans cette affaire, tout le monde est tombé dans le panneau !
Trademark Madness
Fashion week. Le droit des marques aurait besoin d’être sérieusement encadré pour éviter des dérives qui s’apparentent à de la pure cupidité. Le narcotrafiquant Joaquín Guzmán, plus connu sous le nom d’El Chapo, a été arrêté et condamné pour ses activités illégales. Alors qu’il est en train de purger sa peine, sa famille a eu la bonne idée de poursuivre le business en empruntant des voies plus légales. En effet, El Chapo a signé un contrat pour lancer sa marque afin de vendre des vêtements à son effigie. C’est sa femme et sa fille qui devraient engranger les bénéfices générés par les ventes des articles de mode. Bien évidemment, la marque porterait le nom d’El Chapo. On ne leur tire pas notre chapeau !
Pot de terre contre pot de fer. L’affaire qui suit est particulièrement croquignolesque et pourrait devenir un cas d’école pour les étudiants en droit. Elle oppose l’entreprise Média QMI, qui détient l’organe de presse Le journal de Montréal, à Janick Murray-Hall, cofondateur du média parodique Le journal de Mourréal. Média QMI demande au tribunal qu’il interdise d’utiliser le nom journal de Mourréal et son logo. L’accusé se défend en expliquant que le droit d’auteur accorde un certain nombre d’exceptions et notamment la parodie. Selon lui, ni le nom ni le logo du journal ne représentent une infraction au droit d’auteur et il peut donc continuer à les utiliser. Pour appuyer son argument, il a cité des exemples d’autres cas parodiant d’autres journaux. Sauf que Média QMI joue sur un autre tableau. En effet, l’entreprise invoque le droit des marques et estime que la ressemblance du logo et du nom du site parodique constitue une violation de ses marques. On s’interroge tout de même sur la pertinence de la marque déposée par Média QMI. Ils ont tout de même tenté de s’approprier le mot « journal » et le nom d’une ville… En espérant que le site parodique n’y laisse pas trop de plumes…
Patent Madness
Mauvaise santé. Le Québec s’est doté depuis quelques années d’un système informatique permettant de centraliser les données des patients pour faciliter l’accès aux professionnels de santé. Ce dispositif a coûté plusieurs centaines de millions de dollars canadiens, mais il va coûter bien plus cher encore aux contribuables à cause d’une sombre histoire de brevets. Un médecin a réussi à faire condamner en justice le gouvernement québécois pour violation de deux brevets déposés au début des années 2000. À cette époque, il avait été associé à une première tentative de mettre en place ce système qui avait fini par échouer. Mais le médecin n’en a pas moins déposé des brevets sur la solution envisagée et il est resté en embuscade jusqu’à ce que la base de données soit achevée sans exploiter lui-même l’invention. On peut saluer un tel dévouement à l’intérêt général !
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