Pourquoi les femmes ont-elles disparu de la tech ? L’exposition Computer Grrrls, installée à la Gaîté Lyrique de Paris jusqu’au 14 juillet 2019, répond à cette question. Les œuvres d’une vingtaine d’artistes et de collectifs s’y croisent pour également tenter d’esquisser un futur plus inclusif dans l’univers du numérique.
Pourquoi « Computer Grrrls » ? Le nom de l’exposition est une référence à un article publié par le magazine Cosmopolitan en avril 1967. L’informatique y était présentée comme un secteur professionnel recrutant de nombreuses femmes. C’est pourtant précisément à cette époque que la profession commence à se masculiniser, tendance qui s’accroît avec l’arrivée du « personal computer » dans les années 1980.
Une fresque sur les femmes oubliées
Cet article n’est que l’un des nombreux paradoxes sur lesquels l’exposition Computer Grrrls insiste tout au long de la visite. Elle s’ouvre par une fresque historique, qui prend pour point de départ les travaux de Nicole-Reine Lepaute. Cette calculatrice et astronome française a permis de savoir à quelle date précise la comète de Halley reviendrait à proximité de la Terre.
Les portraits de scientifiques, autrices ou ingénieures se succèdent, en lien avec les inventions de chaque époque (le télégraphe, la machine à écrire, le téléphone, le wi-fi, l’ordinateur). La lecture est ponctuée d’anecdotes édifiantes, comme l’histoire de Lenna, le fragment d’une photographie qui a servi d’image de test à des algorithmes de traitement d’image. Le cliché représente Lena Söderberg, qui posait alors dans Playboy. Elle reste encore aujourd’hui surnommée la « première dame d’Internet ». Son exemple souligne les biais et le sexisme qui n’épargnent toujours pas les machines (et leurs inventeurs).
Subterfuges absurdes et œstrogènes open source
Cet historique permet aux autres œuvres de prendre tout leur sens. Avec ironie, de nombreuses œuvres soulignent la culture geek masculine et les subterfuges trouvés par les femmes pour faire reconnaître leur place dans cet univers. Une œuvre est par exemple consacrée au thème du biohacking : sous forme de feuilleton digne d’une téléréalité, on découvre comment deux personnes tentent de créer des « œstrogènes open source ».
Les artistes vont jusqu’à imaginer des techniques d’auto-défense absurdes contre l’omniprésence des technologies, comme d’étranges gants dotés d’embouts en mousse, rendant impossible l’utilisation de tout smartphone.
Les dérives de l’intelligence artificielle sont pointées du doigt. Une œuvre ressuscite Tay, l’intelligence artificielle de Microsoft dont l’espérance de vie ne fut pas bien longue. Le bot caché sur Twitter a dû être désactivé quelques heures après son arrivée, car il tenait des propos sexistes et racistes. Tay était censé apprendre de ses échanges avec les autres utilisateurs de Twitter : vous voilà dans la peau de cette IA et son univers constitué d’images psychédéliques.
Se camoufler pour échapper aux algorithmes
Outre les biais de genre, l’exposition invite également ses visiteurs à s’interroger sur les biais racistes à l’œuvre dans les technologies. La visite se termine par une série d’objets de science-fiction, qui laissent entrevoir des risques futurs auxquels pourraient être confrontées les femmes racisées. Auront-elles un jour besoin d’une écharpe pour échapper aux biais des logiciels de reconnaissance faciale, ou de boucles d’oreilles équipées de caméras ?
En une heure de visite, l’exposition Computer Grrrls intrigue, surprend, dérange et suscite de nombreuses interrogations sur le monde numérique et le chemin que les femmes et minorités ont toujours tenté de s’y frayer. L’événement se tient à la Gaîté Lyrique du 14 mars au 14 juillet 2019. Vous pouvez réserver vos places sur ce site. Chaque week-end, des performances, ateliers et projections complètent l’exposition.
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