Netflix, ce n’est pas du cinéma ? C’est sur cette assertion qu’Édouard Baer a choisi d’ouvrir la 72e édition du Festival de Cannes. « Sortir de chez soi, ce miracle-là, plutôt que de rester là, à manger des pizzas en regardant Netflix. Le cinéma, c’est ça ! C’est le collectif, c’est le groupe, c’est la chaleur humaine ! », a plaidé le comédien, ne se doutant peut-être pas de la polémique qu’il venait de faire naître les réseaux sociaux.
Vrai plaidoyer en faveur de l’expérience collective qu’est la salle de cinéma, taquinerie du maître de cérémonie pour gentiment provoquer les internautes ou véritable rupture avec la façon dont les films et les séries télévisées sont susceptibles d’être consommés par le public ? Les internautes, les professionnels du cinéma et la presse ont noirci bien des lignes sur le sujet.
Netflix s’offre des films primés
Mais s’il y en a un qui n’a pas bronché, c’est le géant américain de la vidéo à la demande sur abonnement (SVOD). Pas un tweet de réplique, même sur le ton de la plaisanterie. Pas un communiqué de presse de mécontentement. Rien. Ou plutôt, si, une réponse, indirecte et magistrale dans la forme : Netflix a annoncé le 25 mai l’acquisition des droits de diffusion de deux films primés cette année à Cannes.
Il s’agit d’abord du film franco-belgo-sénégalais Atlantique, réalisé par Mati Diop, qui a remporté le Grand prix. Quant au second long-métrage, il s’agit d’un film d’animation français, J’ai perdu mon corps, réalisé par Jérémy Clapin, qui a décroché le Grand prix de la semaine de la critique. Seule la première récompense est une distinction officielle. L’autre est remise par un autre jury, en parallèle du Festival.
Bien sûr, Netflix n’a pas décidé d’acheter les droits de ces films en représailles aux propos d’Édouard Baer. L’acquisition de longs-métrages se fait heureusement sur des critères autrement plus sérieux qu’un égo qui aurait été froissé par une pique mal digérée. Il n’en demeure pas moins que ces acquisitions constituent de facto une réponse, en rappelant que le site s’active dans l’économie du septième art.
Frictions entre deux mondes
Pour l’heure, le Festival de Cannes s’emploie à maintenir un cordon sanitaire entre lui et Netflix, parce que ce dernier ne daigne pas sortir ses films en salles — c’est aujourd’hui un critère incontournable pour faire partie des films en compétition officielle. Cela, alors que Netflix travaille avec des cinéastes de renom, dont la réputation n’est plus à faire et la qualité du travail plus à démontrer.
On peut citer en exemple Alfonso Cuarón avec Roma, Martin Scorsese avec le futur The Irishman ou Bong Joon-ho avec Okja… on remarquera d’ailleurs que le réalisateur sud-coréen a justement remporté la palme d’or 2019 du Festival de Cannes, avec Parasite, son dernier projet cinématographique. Et plus généralement, Netflix travaille avec Spike Lee, Jodie Foster ou encore David Fincher.
En 2018, le Festival a ajouté à ses règles cette fameuse consigne, prise après que deux de ses films, Okja et The Meyerowitz Stories, furent présentés l’année précédente sur la Croisette, suscitant l’ire des exploitants de salles. En réaction, Netflix, qui ne veut pas changer sa façon de produire et diffuser ses films, avait alors décidé de zapper l’événement en ne présentant aucun film, même hors compétition.
Le géant de la SVOD a toutefois fait une entorse à sa ligne de conduite, afin de pouvoir faire concourir Roma aux Oscars, dans un contexte d’hostilité relativement similaire. Un pas de côté qui a payé : le film a remporté trois statuettes parmi les plus importantes : meilleur réalisateur pour le cinéaste mexicain Alfonso Cuarón, meilleure photographie et meilleur film étranger.
Une jolie récolte pour Netlix, même s’il n’a pas pu obtenir celui qu’il voulait le plus (meilleur film) et qu’il a fallu déployer une intense campagne d’influence — au final, le film a été nommé dans dix catégories. En comparaison, le site n’avait eu que l’oscar du meilleur documentaire en 2018. Ce fut Icare qui fut primé, un film sur le dopage dans le milieu du cyclisme.
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