N’étant pas aussi naïve que certains veulent bien le dire, l’industrie du disque a bien pris conscience que la vente de musique en ligne était déjà en train de devenir un échec cuisant, incapable de compenser la chute des ventes de CD. Ca n’est pas parce que l’on agite devant leurs yeux le leurre de la mission Olivennes que les maisons de disques croient vraiment, au fond d’elles-mêmes, que la lutte anti-piratage puisse changer quoi que ce soit. La bataille est perdue depuis bien longtemps. Qu’elles se rassurent, elles n’auraient jamais pu la gagner. Même en ayant agit très en amont, avec les décisions les plus rationnelles possibles, elles n’auraient rien pu faire. « Plus forte que les armées est une idée dont le temps est venu« , disait très justement Victor Hugo.
La musique est devenu par le progrès technique un bien immatériel qui peut se multiplier à l’infini à un coût marginal nul, qui peut se transmettre sans la moindre perte de qualité. Ca n’est plus l’objet matériel dont l’on pouvait maîtriser la distribution et la consommation. La crise que l’industrie vit actuellement ne vient pas d’un simple changement de support ou de tarifs, c’est un changement de paradigme complet.
Or de tous les modèles qui ont été étudiés pour répondre à ce paradigme et permettre un financement de la musique, la licence globale est le seul qui – au moins dans son approche théorique, a semblé viable. Elle a été conspuée à l’hiver 2005 sous la pression des maisons de disques, mais les signes montrent un retour progressif du modèle. Pour mémoire, il s’agissait de permettre aux internautes de télécharger librement toute la musique qu’ils souhaitent, de se l’échanger librement, sans le moindre risque juridique, mais avec comme contrepartie le paiement d’une somme forfaitaire assise sur les abonnements à Internet ou une palette d’objets et de services qui tirent leur valeur des contenus musicaux. Une sorte de super-taxe pour copie privée, avec contrairement à cette dernière, des droits réels accordés à ceux qui la paient.
L’apparence de la licence globale sans la saveur
Universal Music, qui a été en France avec Pascal Nègre l’un des principaux acteurs de la rebellion anti-licence globale, pourrait être la major par laquelle le modèle de la licence globale reviendra. Les signes se multiplient. Il y a eu d’abord, dans une indifférence médiatique très surprenante, l’obtention par Universal d’une part du prix des baladeurs Zune vendus par Microsoft. Une sorte de taxe pour copie privée entre amis. Il y a eu bien sûr la signature, non moins surprenante, d’un accord avec SpiralFrog pour distribuer gratuitement et en illimité la musique d’Universal. Un aveu d’échec pour la musique payante. Cet été, il y a eu l’accord avec Neuf pour proposer « gratuitement » aux abonnés du fournisseur d’accès à Internet un accès illimité au catalogue de la major. Et aujourd’hui, on apprend par Digital Music News qu’Universal a tenté de faire pression sur les FAI américains pour qu’ils acceptent un modèle sur abonnement baptisé « TotalMusic« , qui obligerait les abonnés à payer une somme forfaitaire pour télécharger librement. Le projet semble avoir capoté (sauf en France visiblement), mais l’idée fait son chemin.
Bien sûr, pour le moment tout cela est très éloigné de l’idée de la licence globale. Universal comme l’ensemble de la filière musicale traditionnelle cherche toujours à contrôler la distribution et la consommation, avec des DRM à outrance et des accords privés qui excluent la distribution parallèle par les internautes eux-mêmes ou l’arrivée simplifiée sur le marché de labels et artistes indépendants concurrents. Tout est mis en œuvre pour imiter le modèle économique de la licence globale sans en subir les effets redoutés sur l’ouverture à la concurrence.
Mais combien de temps Universal et ses pairs pourront-ils lutter contre « l’idée dont le temps est venu » ? Le mur des DRM et des accords privés avec les FAI semble être le dernier à se dresser entre les internautes et un véritable mécanisme de licence globale. Il n’est pas dit cependant que le mur tombe. Tout dépend de l’intérêt que porteront les internautes aux offres privées qui leur seront proposées. Si les restrictions de l’offre de Neuf Music semblent d’avance condamner l’initiative, la liberté d’écoute offerte par Deezer semble déjà plus convaincante. Si les internautes s’accomodent de ce mode de consommation libre pour eux mais qui limite la concurrence, le mur restera en place. Jusqu’au prochain assault après celui de Napster.
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