Surtout connu pour ses adaptations des aventures de Sherlock Holmes, Frogwares est un adepte des jeux d’enquêtes. Avec The Sinking City, le studio continue d’évoluer sur ce terrain, mais s’éloigne du détective anglais pour s’intéresser à l’univers dérangeant et effrayant de l’écrivain H.P Lovecraft. Dans l’idée, le mélange entre investigations et situations paranormales est très enthousiasmant et promet une aventure où la folie est reine. Mais la réalisation nous a laissés sur notre faim.
Échec technique, mais ambiance réussie
Pour la première fois de son histoire, Frogwares propose aux joueurs et joueuses de parcourir un monde ouvert. Ce choix met vite en lumière les nombreux problèmes techniques du jeu. Les animations souffreteuses, les graphismes dépassés et les quelques ralentissements viennent gêner parfois le déroulement de l’aventure et les PNJ semblent errer sans but dans la ville. Il n’est d’ailleurs pas rare que certains se retrouvent bloqués dans une porte ou une barrière. Autant d’éléments qui empêcheront les joueurs les plus patients de profiter de l’ambiance inquiétante dégagée par la ville d’Oakmont. Pour sa défense, le jeu ne dispose pas d’un budget à la hauteur de ses ambitions et les plus indulgents lui pardonneront cette facette fauchée.
Si la réussite technique n’est pas au rendez-vous dans The Sinking City, Frogwares propose un univers lovecraftien très convaincant. Les quartiers de la cité inondés et leurs habitants apportent tous quelque chose à l’atmosphère étrange et inquiétante d’Oakmont. Tout passe par des détails : les coquillages collés aux murs, les trophées de chasse géants, les créatures qui se baladent dans les rues ou encore l’aspect animal de certains personnages.
Tout paraît tellement anormal que l’étrangeté devient banale. Une sensation renforcée par une bande-son discrète, mais très efficace quand il s’agit d’accentuer le malaise ressenti par les joueurs.
Une écriture intéressante, mais imparfaite
Les adeptes des productions Frogwares peuvent généralement attendre au moins une chose du studio : une écriture de qualité. Dans The Sinking City, cet aspect du jeu est en demi-teinte. On suit les aventures de Charles Reed, un archétype de détective privé désabusé déjà vu mille fois dans d’autres productions. Son objectif : découvrir d’où viennent les visions qui l’assaillent et qu’il partage visiblement avec certains habitants d’Oakmont. Un point de départ bateau, mais semblable à ceux des histoires écrites par H.P Lovecraft.
Sans être très originale, l’intrigue principale est plutôt agréable à suivre. Elle est avant tout portée par des personnages intéressants et bavards, comme le riche Robert Throgmorton ou la bibliothécaire Joy Hayden. Mais plus que l’histoire principale, ce sont certaines affaires annexes qui mettent en avant la qualité d’écriture de Frogwares. Des quêtes qui prennent place dans un cadre plus limité, mais justement mieux contrôlé par le studio. Les situations se révèlent alors plus inquiétantes et dérangeantes, et c’est tout ce que l’on leur demande.
L’écriture du scénario et des personnages est réussie, mais elle n’est pas bien servie par la mise en scène. Tous les dialogues se ressemblent : un simple champ-contrechamp entre deux personnes qui ne laisse transparaître aucune émotion. Difficile de s’intéresser à la discussion quand les personnages ne semblent pas concernés par les événements ou par les conversations. Un constat qui s’applique notamment à Charles Reed, personnage principal qui ne semble jamais vraiment affecté par les horreurs qu’il voit ou les décisions — parfois importantes — qu’il prend.
Entre enquêtes simplistes et scènes d’actions pénibles
Pour ses phases d’enquêtes, The Sinking City reprend un principe similaire à celui de Sherlock Holmes : Crimes et Châtiments. Pour atteindre certaines conclusions, le joueur ou la joueuse doit récupérer des indices et les lier dans le « palais mental » de Charles Reed. Le principe est intéressant, sauf qu’il se révèle beaucoup trop simple et assisté. Chaque élément important est indiqué dans le carnet de note et il est impossible de faire un « mauvais lien » entre deux indices. Le tout s’avère en plus répétitif, aucune énigme originale n’étant mise en place pour chaque affaire. On se contente de fouiller les pièces, de reconstituer des scènes à partir d’une poignée d’éléments et on répète le processus, encore et encore.
Beaucoup trop simple et assisté
En l’absence de mini carte et d’interface ergonomique, le principal défi d’une partie de The Sinking City consiste à retrouver son chemin dans la ville. Et on n’osera évoquer l’obligation d’utiliser un bateau pour relier certains lieux, tant sa conduite se révèle poussive et pénible. Heureusement, à mesure qu’on explore les environnements, des points de voyage rapide se débloquent pour aller plus vite. Frogwares a par ailleurs pensé à utiliser le lore mis en place pour permettre aux joueurs de résoudre certains énigmes (exemple : utiliser les archives de l’Hôtel de Ville pour trouver une adresse).
À défaut d’offrir un challenge intéressant, les nombreuses phases d’enquêtes ne sont pas désagréables à prendre en main. On ne peut pas en dire autant des séquences d’action. Régulièrement, Charles Reed doit faire face à des « malbêtes », des créatures abominables et très agressives. Pour s’en débarrasser, il faut passer par des séquences de tir systématiquement pénibles.
Quelle que soit l’arme choisie (revolver, grenade, fusil à pompe), Frogwares ne parvient pas à offrir de bonnes sensations aux joueurs. On se contente de tirer dans le tas sans plaisir et sans même avoir besoin de compter ses balles, puisque les coffres de loot sont légions à Oakmont. On aurait préféré que le studio abandonne ce genre de phases inutiles pour se concentrer sur les enquêtes, qui constituent fort heureusement l’essence de The Sinking City.
Le verdict
The Sinking City
On a aimé
- L'ambiance qui respecte l'univers de Lovecraft
- L'écriture de certaines quêtes annexes et personnages
- Le principe du « palais mental »...
On a moins aimé
- ... qui n'offre malheureusement aucun challenge
- Très en retard techniquement
- Des phases de combats dont on se passerait bien
Certains ne lui pardonneront pas ses nombreux errements techniques, qui renvoient à son statut de jeu fauché au budget loin d’être en adéquation avec la volonté de sortir des sentiers battus : faire un jeu d’enquête en monde ouvert). Certains seront également agacés par ses scènes d’action inutiles, sans rythme ni saveur.
Mais The Sinking City se rattrape sur son écriture, certes mal mise en scène, ses bonnes idées dans la résolution des énigmes simplistes et l’ambiance qui se dégage de cette ville inspirée de l’univers de Lovecraft. En ressort une expérience résolument bancale, mais pleine de charme et de bonnes intentions. En bref, un jeu qui mérite une bouée de sauvetage.
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