En nous montrant des mondes qui s’effondrent, ou ce qu’ils deviennent après un effondrement, la littérature de science-fiction est le vecteur idéal pour décrypter ce qui cloche dans le présent de notre société. Voici sept romans qui le font à merveille autour de thématiques environnementales et politiques.
Terminus (Albin Michel Imaginaire), Tom Sweterlitsch
Terminus est l’une des plus grandes sensations littéraires de 2019 en alliant uchronie, science-fiction et polar. Les fans de 12 Monkeys et True Detective vont adorer. Songez à une machine permettant de visiter littéralement tous les futurs potentiels : Tom Sweterlitsch imagine que les États-Unis en possèdent secrètement une depuis les années 1980.
Avec cette technologie, l’armée américaine explore toutes les possibilités et agit pour tendre vers les « meilleures ». Mais quoi qu’il arrive, il y a toujours un futur indépassable, inéluctable, dont il n’existe qu’une seule version : le terminus, la fin (on ne peut plus violente) de toute l’humanité. La date se rapproche toujours davantage. Alors que l’un des explorateurs se met à perpétrer des crimes barbares après avoir assisté à cet événement, nous suivons une flic dont l’enquête, à travers les temps, est titanesque.
Le feu de Dieu (Au Diable Vauvert) et Le Cycle de Wang (L’Atalante), Pierre Bordage
Pierre Bordage est le grand maître français de la littérature SF. Ses œuvres sont des valeurs sûres, y compris quand cela touche au post-apocalyptique.
Dans Le feu de Dieu, vous serez plongés dans une histoire façon The Last of Us. En prévision d’une apocalypse, un survivaliste a construit une ferme autonome pour les siens. Lorsque l’effondrement survient bel et bien, tel qu’il l’avait prédit, des événements fortuits l’ont conduit à Paris, loin de son bunker. En plein environnement post-apocalyptique, il doit parcourir des centaines de kilomètres pour retrouver cette oasis. L’enjeu de sa survie va prendre un nouveau tournant quand il fait la rencontre d’une petite fille muette… Disponible en poche (Livre de Poche).
Pierre Bordage n’hésite pas à aller creuser des futurs plus lointains, jusqu’en 2212. Dans le diptyque Wang, l’effondrement global du monde a déclenché une profonde division Est/Ouest : l’Occident s’est replié sur lui-même en se séparant du reste du monde par un mur électromagnétique. A l’Ouest, la science est là pour répondre à tous les besoins, mais derrière la richesse matérielle, tout est vide, les relations humaines sont virtuelles. Quant aux régions de l’Est, elles sont plongées dans un nouveau Moyen-Âge entre pauvreté et terreur. Disponible en poche (J’ai lu).
Le Roman de Jeanne (Denoël), Lidia Yuknavitch
Le Roman de Jeanne est le bijou écoféministe qui a marqué la rentrée 2018 du côté de la science-fiction. On y trouve une Terre presque entièrement détruite suite à une succession de géocataclysmes et de guerres. Dans une station orbitale subsiste une petite société. Sauf que ces humains ont tout perdu de leur humanité : comme des mannequins de cire, ils ont la peau blanchâtre, plus de poils ou de cheveux et sont stériles. Plus aucun plaisir physique n’est possible, au point que la nouvelle mode est de se scarifier pour renouer avec quelques sensations.
La station orbitale est dirigée par un certain Jean de Men qui, en plus de tyranniser la population, siphonne le peu de ressources restantes sur Terre. Cet effroyable dictateur aurait également mis à mort la dernière résistante, l’écologiste Jeanne, sur un bûcher. Mais une certaine Christine, vivant sur la station, découvre que rien ne s’est passé comme l’histoire officielle le raconte. Une belle réinterprétation post-apocalyptique de Jeanne d’Arc, à travers une fable écologique et féministe d’actualité.
Eternity Incorporated (Mnémos), Raphaël Granier de Cassagnac
Dans Eternity Incorporated, la société s’est effondrée depuis bien longtemps après un virus mortel. Mais, « heureusement », une entreprise avait songé à cryogéniser quelques chanceux. Ces rares survivants se sont rassemblés dans une cité-bulle contrôlée par le Processeur, ordinateur omnipotent.
Le lieu paraît un temps utopique, tel un Eden… Jusqu’à ce que le Processeur tombe en panne, mettant au jour les failles de cette société post-apocalyptique qui se voyait tant comme un renouveau de l’humanité. Un roman de SF très politique, et la stature de physicien de l’auteur permet une approche pertinente de l’intelligence artificielle à la fin du roman.
Les sables de l’Amargosa (Albin Michel), Claire Vaye Watkins
En pleine chaleur estivale, peu de temps après la canicule de juin 2019, Les sables de l’Amargosa est de saison. Dans un futur proche, la Californie est touchée par une sécheresse apocalyptique. Une dune de sable mouvante se propage dangereusement. La population a été évacuée, mais quelques récalcitrants ont décidé de rester.
Pour ces derniers californiens, il reste un (prétendu) espoir : une colonie fondée par un « sourcier », où une vie normale serait peut-être possible. La narration de ce roman est assez proche de La Route, le chef d’œuvre post-apocalyptique de Cormac McCarthy.
Water Knife (Au Diable Vauvert), Paolo Bacigalupi
Dans le futur proche de Water Knife, l’or noir est remplacé par l’or bleu : l’eau. Pour cette ressource devenue aussi rare que précieuse, les États-Unis sont maintenant désunis. Les villes se font la guerre à l’aide de milices qui ne reculent devant aucun crime. Résultat : une inégalité sordide, laissant des populations sans défense mourir de soif dans des zones desséchées où plus aucune vie ne prospère.
Paolo Bacigalupi montre – avec une certaine brutalité – ce qu’il pourrait se passer si l’humanité continue à ne pas préserver des ressources naturelles essentielles ; à faire comme si elles étaient acquises pour toujours. L’angoisse ne vous quittera pas de toute la lecture, tant les ressorts du scénario semblent crédibles face à la situation actuelle.
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