La rentrée littéraire est toujours synonyme de très nombreuses sorties : en 2019, ce sont 524 romans qui paraissent en librairies. Numerama vous propose une sélection de meilleurs ouvrages dans la catégorie science-fiction. Au programme ? Des planètes à explorer, des vaisseaux spatiaux métaphoriques de notre société, des machines qui prennent le pouvoir et des manipulations génétiques.
Semiosis (Sue Burke)
Le premier roman de Sue Burke incarne tout le merveilleux dont est capable la littérature de science-fiction : la découverte et l’exploration d’une autre planète, la rencontre avec une forme de vie inconnue. Dans Semiosis, un groupe de colons humains est envoyé sur une planète lointaine nommée Pax, pour s’y installer sur le long terme. On suit alors l’évolution de la colonie sur plusieurs générations. Chaque chapitre, construit comme une nouvelle, est centré sur une génération.
Ces explorateurs vont évidemment devoir survivre face à tous les imprévus, du matériel qui tombe en panne aux accidents mortels. Le plus passionnant à suivre est que cette survie doit passer par la compréhension de l’altérité : sur Pax, la forme de vie la plus intelligente (et la plus menaçante ?) n’est pas humaine, ni animale, mais végétale.
Dans le premier chapitre, le narrateur est un botaniste. À travers son regard, nous découvrons toute la nature de Pax. L’accent est immédiatement mis sur les descriptions de l’environnement et de ses caractéristiques. Il en résulte peu d’action vraiment effrénée, mais une atmosphère contemplative, sublimement visuelle et verdoyante. Au-delà des enjeux de survie, captivants à suivre, Semiosis est un voyage formidable au cœur de la faune et la flore d’une planète lointaine.
Les Machines Fantômes (Olivier Paquet)
L’intelligence artificielle est un thème récurrent de la science-fiction, tant et si bien que, dorénavant, son traitement doit être un minimum original, posséder une dimension d’analyse en plus, pour rester passionnant. Heureusement, la SF sait se renouveler. Et Olivier Paquet le démontre chez L’Atalante avec un roman qui se déroule à Paris, en 2037.
Dans Les Machines Fantômes, les IA s’émancipent pour commencer à jouer selon leurs propres règles. Mais pas de Terminator qui dézingue tout à l’horizon, cette prise de pouvoir est subtile, sous-jacente. Elles s’attaquent plus précisément à quatre humains (un trader, une chanteuse pop, une gameuse pro et un ancien tireur d’élite) en faisant chavirer leur vie. Mais tout ceci semble en réalité orchestré par le machiavélique Joachim.
« Quand bien même cela préparerait un plan d’attaque pour éradiquer l’espèce humaine, tant qu’elles me permettent de faire du fric, je m’en contente. » En tant que techno-thriller, Les Machines Fantômes se situe dans un futur terriblement crédible et proche du nôtre. Olivier Paquet parle finalement du présent et la narration délaisse parfois l’action pour privilégier des dialogues très proches d’échanges philosophiques portés sur la relation humains-machines. L’auteur essaye de résoudre un dilemme à la Matrix : se reposer sur les technologies, par passivité, mènera-t-il au renoncement des plus fondamentales libertés ? Ce roman est une preuve indéniable de toute l’intelligence dont est capable la SF française.
L’Incivilité des Fantômes (Rivers Solomon)
Oui, il est encore question de « fantômes ». Mais rien à voir avec des IA, cette fois, puisqu’il s’agit d’un space opera. Et il est grandiose. À la manière de Becky Chambers ou de la série Battlestar Galactica, L’incivilité des fantômes démarre sa route sur un immense vaisseau spatial en exode, en quête d’une planète salvatrice, d’un Eden, prétexte à une odyssée humaine fabuleuse.
Toute une société s’est formée sur ce radeau des cieux. Mais elle n’a rien d’une utopie. La structure sociale est dominée par des blancs religieusement puritains. Ils habitent les quartiers supérieurs du vaisseau et vivent dans l’opulence. Ils ont fait des personnes noires leurs esclaves, reléguées dans les quartiers inférieurs. Les non-blancs s’occupent des basses besognes, quand ils ne se font pas maltraités et violés par les blancs.
La quête initiatique d’Aster, héroïne et narratrice, consiste à révéler les fantômes de son passé et du vaisseau… mais ce n’est que métaphorique des fantômes de l’humanité. Et quand certaines scènes ressemblent un peu trop au présent, la plume de Rivers Solomon devient rebelle contre notre société et ses faux-semblants, ses intolérances, ses conventions construites artificiellement. L’incivilité des fantômes est un roman de SF à la portée sociopolitique puissante, mais qui ne néglige pas l’aventure. C’est aussi une œuvre où les émotions humaines sont redoutablement bien écrites. Vous aurez rarement à ce point la sensation d’être familiers avec le personnage principal d’un roman.
Acadie (Dave Hutchinson)
La collection Heure-Lumière du Bélial, dédiée aux novellas (romans courts), offre toujours de belles surprises. Cette année, côté science-fiction, Acadie est clairement de cette trempe. Un groupe d’humains s’est échappé de la Terre pour s’installer sur une autre planète. Leur volonté : s’adonner à toutes les modifications génétiques imaginables, alors même qu’elles sont strictement interdites sur Terre.
Concrètement, cette planète nommée La Colonie est le lieu de tous les rêves transhumanistes, de la quasi immortalité aux changements corporels les plus étonnants, sans compter un boost de l’intelligence. Au début du roman, 500 ans se sont écoulés depuis la fondation de cette colonie. Elle est censée incarner (en apparence !) une sorte d’utopie, consécration démocratique et égalitaire.
La stabilité de peuple génétiquement modifié est menacée, car les terriens ne cessent de traquer ces rebelles. Tout bascule lorsqu’une sonde d’exploration automatisée s’approche de l’atmosphère de la planète qui sert de refuge à La Colonie. Acadie de Dave Hutchinson est une plongée courte et effrénée, avec une entrée en matière sans pincettes et une fin brutale.
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