Disney+ ne fait décidément pas grand-chose comme Netflix, et c’est une stratégie très habile. Dernière nouvelle en date : la plateforme de vidéo à la demande par abonnement (SVOD) de Disney va diffuser ses séries à raison d’un épisode par semaine, et non en mettant en ligne toute une saison d’un coup, a confirmé TV Line le 24 août 2019.
À la lecture de ces lignes, les sériephiles esquisseront sûrement un sourire narquois — l’idée de sortir un épisode de série par semaine n’est pas nouvelle, elle a même été la norme qui a contribué à populariser le genre. Alors pourquoi s’en émeut-on aujourd’hui ? Parce que Disney+ est une plateforme de SVOD et que ce système a, depuis quelques années, grandement popularisé une nouvelle pratique : la mise en ligne de toute une saison d’une série, d’un coup, le même jour, partout dans le monde.
Or ce système n’est pas dans l’intérêt de Disney+. La plateforme qui arrive aux États-Unis, au Canada, en Australie et aux Pays-Bas ce 12 novembre 2019 a besoin de faire parler de ses offres et de ses contenus originaux et de garder ses abonnés sur le long terme. Et si Disney+ aura plus de 500 films et 7 500 épisodes de séries à son lancement, le service de SVOD ne veut pas être vu uniquement comme une « plateforme de contenus froids ».
Il contiendra en effet de nombreuses productions exclusives, dont une demi-douzaine de séries Marvel en préparation, une série sur Obi-Wan Kenobi et la très attendue The Mandalorian, la première série Star Wars en live action qui sortira pour le lancement de Disney+, le 12 novembre. Or, si Disney choisissait de mettre en ligne toute la saison de The Mandalorian au même moment, il y aurait un fort risque que les spectateurs profitent du mois d’essai gratuit de Disney+ pour tout regarder, puis se désabonnent ensuite. En diffusant un épisode par semaine (il reste possible que Disney en mette en ligne deux ou trois pour le lancement de sa plateforme, ndlr), Disney s’assure de garder ses abonnés sur plusieurs mois, et donc de les fidéliser.
Le binge-watching est-il devenu la norme ?
Netflix, Amazon Prime Video : une partie des gros acteurs de la SVOD ont pris l’habitude de mettre en ligne la saison entière d’une série, au même instant, favorisant les sessions de binge-watching très prisée de certains spectateurs — il s’agit de regarder de nombreux épisodes d’une série à la suite, sans faire de pause. La rapidité à laquelle les abonnés regardent et terminent une saison est même devenue une unité de mesure pour Netflix, comme pour la saison 3 de Stranger Things (18,2 millions de spectateurs auraient fini la saison en 4 jours) ou la partie 3 de La Casa de Papel (24 millions en une semaine).
L’intérêt d’une telle pratique est à double tranchant pour Netflix :
- Elle permet de garder plus longtemps les utilisateurs devant son service, et donc de se rendre omniprésent et indispensable.
- À l’inverse, cela force la multinationale de Reed Hastings à créer toujours plus de contenus, et donc de multiplier les investissements coûteux — à ce jour, à perte — pour générer du volume (de séries, d’épisodes, et d’heures).
Du côté des consommateurs, aussi, le système divise : certains adorent avoir la possibilité de binge-watcher une production en un week-end, tandis que d’autres regrettent le temps des rendez-vous hebdomadaires (qui sont, par ailleurs, toujours la référence sur les chaînes de télévision linéaires), qui permettait de « savourer » une série sur le long terme avec un rythme moins effréné et échanger sur les derniers épisodes diffusés.
La fameuse « qualité qui prime sur la quantité »
Évidemment, Michael Paull, le président de la division Streaming de Disney, affirme qu’il s’agit d’une stratégie de « qualité qui prime sur la quantité ». Mais il serait naïf de penser que le choix de Disney vient uniquement d’un élan chevaleresque et désintéressé pour « sauver » les consommateurs du trop-plein de divertissement culturel. La plateforme n’a tout simplement pas assez de volume de contenus originaux pour pouvoir créer l’événement chaque mois, comme le fait Netflix et ses centaines de séries originales ou licenciées (où Netflix est le seul diffuseur dans un pays, comme The Good Place en France par exemple). Elle dispose d’ailleurs d’assez de franchises cultes (de Marvel, Star Wars, Pixar) pour que Disney+ ne soit pas exempt de binge-watching.
Il semblerait que la multinationale de Mickey ne soit pas la seule à partir dans cette direction : selon un article de Bloomberg du 20 août, Apple TV+ envisagerait de mettre en ligne uniquement les trois premiers épisodes de ses séries à leur lancement, puis de diffuser un épisode supplémentaire par semaine. Hulu, la plateforme américaine qui appartient à Disney, impose déjà ce modèle depuis des années, refusant la « stratégie Netflix ».
Disney+ est de plus en plus attendu dans le monde de la vidéo en ligne. L’abonnement sera de 6,99 dollars par mois (un tarif très compétitif) et il offrira des performances uniques sur le marché : 4 écrans simultanés, 7 profils d’utilisateurs et de la 4K. De quoi se demander si Disney n’attaque pas très fort au départ pour engranger des abonnés, quitte à augmenter drastiquement le coût de son offre plus tard.
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