Vous doutiez encore du fait que le paysage audiovisuel est en pleine mutation ? Il suffisait d’observer le palmarès des Emmy Awards, la cérémonie américaine qui récompense chaque année le meilleur de la télévision, ce dimanche 22 septembre, pour en avoir la certitude.
Au niveau des gagnants, déjà : derrière l’incontournable chaînes payante HBO (34 statuettes, en comptant les Creative Emmy), on compte deux plateformes de vidéo à la demande par abonnement (SVOD) : Netflix (27 récompenses) et Amazon (15).
Ce dernier a récupéré les gains de son coup de génie d’il y a deux ans : obtenir les droits de diffusion de la série britannique Fleabag, sous le nez de Netflix, outre Atlantique mais aussi au UK et en France. La production de Phoebe Waller-Bridge, une des meilleures séries de la décennie, avait eu un succès plutôt restreint lorsqu’elle était sortie sur BBC Three en 2016. C’est grâce à Amazon Prime Video, et une saison 2 tout aussi puissante, que la série a été réellement découverte au-delà du cercle des sériephiles convaincus.
Qu’est-ce que « Black Mirror : Bandersnatch ? »
Netflix a quant à lui décroché des statuettes grâce à son drame Ozark, la mini-série poignante When They See Us, mais aussi l’épisode interactif Bandersnatch de Black Mirror, qui avait beaucoup fait parler de lui à sa sortie fin décembre 2018. Le paradoxe est assez ironique pour être souligné : Netflix a remporté l’Emmy du meilleur téléfilm avec un épisode de série interactif. Si on avait voulu trouver un symbole plus fort que les temps ont changé, il aurait été difficile de trouver plus à propos.
Bandersnatch est une sorte d’ovni dans le paysage audiovisuel : il s’agit d’un épisode, ou d’un film, ou d’un jeu vidéo, ou d’une sorte d’hybride entre ces trois catégories, inventé par les créateurs de la série Black Mirror pour fonctionner comme un jeu dont vous êtes le héros sur Netflix. En fonction de vos choix, vous ne verrez pas les mêmes scènes que d’autres spectateurs. Le succès du projet a été mondial (Netflix a la capacité de toucher 151 millions d’abonnés globaux au même moment) et, surtout, a montré que le genre des séries a vraiment muté, notamment grâce aux moyens des plateformes de SVOD.
Il n’est pas nouveau que ces plateformes s’invitent au sein des palmarès des séries (comme au cinéma) sur le fond, mais il est désormais acquis que la forme est également complètement bouleversée. Les institutions (déjà perturbées par les changements de longueur de certaines séries) se montrent visiblement enclines à reconnaître cette capacité d’innovation — preuve en est de ces récompenses —, mais admettent ainsi tacitement que leur organisation est dépassée.
Une chose est sûre : plusieurs des productions mises en avant ce dimanche n’auraient pas pu exister sans le tremblement de terre impulsé par des nouveaux géants. Ceux-ci provoquent, certes, d’autres questionnements importants (le trop-plein de contenus, le binge-watching, les séries vues comme des produits de consommation), mais ils ont secoué une industrie désormais contrainte de les accepter.
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