Quelle riche idée d’avoir acheté cette carte ! Les épaves légendaires et gorgées de trésors sont désormais à portée de main. Hâtez-vous, d’autres capitaines sont sur le coup. Embauchez les meilleurs plongeurs et spécialistes, et surtout prenez garde aux dangers des fonds marins, si vous ne voulez pas voir vos expéditions échouer…
Chaque joueur incarne un capitaine aux commandes de deux bateaux, sillonnant le plateau de jeu composé d’une quinzaine d’épaves. Chacun possède également la même main de cartes au départ, représentant les actions qu’il sera possible d’effectuer à son tour.
Chacune d’elles a un, parfois deux effets. Elles permettent de déplacer ses bateaux, de recruter de nouveaux membres d’équipage, mais la plupart serviront durant les plongées, le cœur du jeu.
Le joueur qui plonge devient chef de plongée, les bateaux proches pouvant aussi y participer. C’est lui qui pioche de petites gemmes au fond d’un sac, l’une après l’autre. Il tombera sur de l’argent, de l’or ou des rubis, valant de plus en plus de points de victoire, à cacher dans son petit coffre au trésor. Éventuellement sur d’autres pierres précieuses, pour lesquelles il faut avoir engagé préalablement un expert pour en tirer quelque chose, et avoir la carte correspondante en main à ce moment-là.
Surtout, et c’est là tout le sel de cette phase, il risque de tomber sur un des dangers des eaux profondes : les gemmes noires (créatures des mers), ou les bleues (manque d’oxygène). S’il a les cartes nécessaires pour s’en protéger, la plongée peut continuer. Dans le cas contraire, il est contraint d’y mettre fin immédiatement, en perdant la plus grosse part du butin.
Heureusement, le chef de plongée peut s’arrêter quand il le souhaite, pour assurer sa prise. À lui de gérer le dilemme entre appât du gain et prise de risque. Les profiteurs s’étant joints à l’expédition n’ont d’autre choix que d’aller jusqu’au bout, ou d’être contraints de s’arrêter suite à un danger face auquel ils n’ont pas d’échappatoire, perdant tout le bénéfice de la plongée par la même occasion.
Toute carte utilisée est placée dans sa défausse personnelle. On pourra en repiocher en passant son tour. Mais sans savoir exactement lesquelles, puisqu’on en reprend que trois au hasard. Les joueurs jouent ainsi à tour de rôle, en effectuant à chaque fois une seule action : recruter, plonger, naviguer ou passer.
Parmi toutes les épaves, quatre représentent des cités englouties. La partie s’arrête immédiatement dès que la quatrième a été fouillée. Le joueur ayant alors le plus de points de victoire dans son coffre remporte la partie.
Pourquoi c’est bien
Allergiques au hasard, mieux vaut rester à quai, Deep Blue n’est pas fait pour vous. En effet, sa mécanique principale, le « stop ou encore » (« push your luck » en anglais, nettement plus évocateur), lorsque l’on pioche des trésors dans le sac, risque de vous hérisser les poils. Vous aurez beau vous être préparé au mieux, si la malchance s’abat sur vous, vous ne pourrez rien y faire.
Et pourtant, c’est justement ce qui rend Deep Blue à la fois amusant, familial et stressant. Car même si ce n’est pas un jeu d’ambiance, c’est un jeu où on se marre, autant quand un adversaire rate sa plongée, que lorsqu’on rate la sienne (enfin plus dans le premier cas que dans le second). Ce n’est pas qu’un jeu de chance pour autant, et les mécaniques annexes, le placement de ses bateaux et la gestion de ses cartes permettent de mettre toutes les chances de son côté. Plus que de stratégie, il s’agit ici d’opportunisme et d’anticipation.
En revanche, même si mécaniquement le jeu fonctionne à deux ou trois joueurs, ce n’est qu’à quatre ou cinq qu’il prend tout sa saveur. Vraiment. À moins de quatre, il y a trop de membres d’équipage disponibles, et il est alors trop facile de s’équiper à outrance. Les plongées perdent de leur saveur, puisqu’on ne risque presque plus rien. À partir de quatre par contre, le recrutement est nettement plus compliqué. Et l’abondance de navires sur le plateau rend leur placement plus important également, là où à moins de joueurs on fait un peu ce qu’on veut.
Matériellement, le jeu est de toute beauté, et cela augmente clairement le plaisir de jouer. Deep Blue ravit la rétine. Les coffres, qui ne servent qu’à cacher ses trésors, semblent même surproduits. Mais tout cela ajoute à l’ambiance, et plaira au public familial, cible première du jeu. C’est joli, ça foisonne sur le plateau et autour, c’est parfait à ce niveau.
À la fois amusant, familial et stressant
La thématique et la mécanique du « stop ou encore » rappellent un autre jeu, Deep Sea Adventure. Mais au-delà de ces deux aspects, ils n’ont rien à voir l’un avec l’autre. Là où le second est un jeu minimaliste basé sur une seule mécanique, le premier y ajoute un matériel foisonnant et des mécaniques supplémentaires, pour en faire un beaucoup plus complet. Bref, impossible de les comparer, à vous de choisir selon vos préférences. Pour nous, c’est tout vu, on prend les deux… Et si piocher des trésors au hasard dans un sac vous plaît, jeter un oeil à Thèbes, qui repose sur un principe similaire.
À partir de quatre joueurs, Deep Blue est un très chouette jeu familial, avec un matériel de belle facture, et un ensemble de mécaniques s’agençant parfaitement les unes dans les autres. Opportunisme, anticipation, et beaucoup d’aléatoire, permettront à tout à chacun de tirer son épingle du jeu, pas uniquement au meilleur calculateur autour de la table. Il pourra bien évidemment aussi plaire aux joueurs plus aguerris, sauf aux grincheux du hasard qui grogneront à chaque plongée. Tant pis pour eux.
- Deep Blue est un jeu d’Asger Harding Granerud et Daniel Skjold Pedersen
- Illustré par Biboun, Miguel Coimbra, Cyrille Daujean, Xavier Gueniffey Durin, Jérémie Fleury, Nicolas Fructus, Pierô, Jean-Baptiste Reynaud et Régis Torres
- Édité par Days of Wonder
- Pour 2 à 5 joueurs à partir de 8 ans
- Pour des parties d’environ 45 minutes
- Au prix de 40,50 € chez Philibert
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