C’est une polémique dont Blizzard se serait bien passé, mais le studio américain devait sans bien se douter de la réaction épidermique que sa décision aurait auprès des joueurs et du public. Car depuis le 5 octobre, le célèbre éditeur est pris dans une controverse au sujet du bannissement d’un joueur professionnel. Son tort ? Avoir exprimé publiquement son soutien envers les manifestations à Hong Kong.
Rappel des faits : le joueur en question, Blitzchung, participait à la saison 2 du tournoi « GrandMasters 2019 » de Hearthstone pour la région Asie-Pacifique. Il s’agit d’un jeu de cartes compétitif, sur ordinateur ou mobile.
Blitzchung évolue au top niveau de ce jeu — le rang de grand maître est le plus élevé et le tournoi équivaut à une sorte de ligue des champions — et il s’avère que l’intéressé, avec six victoires et huit défaites selon le site Liquipedia, a déjà récolté 3 000 dollars pour ce tournoi. Au cours de l’évènement, il est donc amené à se faire interviewer après un match, tout comme le serait un athlète après une victoire ou une défaite.
Libérez Hong Kong !
Or justement, à l’issue d’un face-à-face victorieux, Blitzchung, de son vrai nom Chung Ng Wai, a déclaré pendant l’entretien : « libérez Hong Kong, la révolution de notre temps ! ». Précision importante : Chung Ng Wai est lui-même hongkongais : de ce fait, il est donc particulièrement concerné par ce qui se passe dans l’ancienne colonie britannique, en proie à de spectaculaires manifestations depuis des mois.
Sauf que tout ceci n’a pas du tout plu à Blizzard : selon Rod Breslau, consultant en esport, l’éditeur américain a non seulement supprimé la vidéo qui était proposée sur sa chaîne Twitch, mais en plus les gains du joueur pour se tournoi ont été ramenés à zéro et il ne pourra plus participer à la moindre compétition d’esport organisée par Blizzard pendant un an. On peut difficilement faire plus sévère.
Pour fonder juridiquement sa décision, Blizzard sur l’un des points du règlement du tournoi dans lequel il est énoncé que « tout acte qui, à la seule discrétion de Blizzard, vous discrédite publiquement, offense une partie ou un groupe du public, ou endommage l’image de Blizzard, entraînera le retrait de Grandmasters et la réduction du prix total du joueur à zéro, en plus des autres recours qui peuvent être prévus ».
Enjeux financiers
Les termes sont évidemment suffisamment flous pour laisser toute latitude à Blizzard pour sanctionner des propos qui pourraient être pourtant tout à fait tolérés au nom de la liberté d’expression. Vu les circonstances, on devine que l’éditeur américain n’a surtout pas envie d’attirer les foudres de Pékin et, par conséquent, perdre l’accès au marché chinois (celui-ci est évalué à 30 milliards de dollars), rendu possible grâce à un partenariat.
Dans ces circonstances, Blizzard préfère vraisemblablement — et de loin — essuyer des critiques occidentales, qui finiront par se tasser avec le temps, plutôt que de mettre en péril ses opportunités économiques en Chine : opportunités d’autant plus nécessaires que plusieurs de ses licences sont en bout de course (Hearthstone, Heroes of the Storm, StarCraft) ou peinent à atteindre leurs objectifs (Overwatch).
Autre signe qui ne trompe pas : l’équipe taïwanaise est annoncée comme l’équipe de Taipei chinois dans les compétitions d’esport avec Overwatch, là encore pour ne pas froisser la Chine et éviter de se mêler de géopolitique — une appellation que l’on retrouve toutefois ailleurs, comme aux JO, ce qui évite un blocage et permet à tout le monde de concourir. Pourtant, si Blizzard considère Taïwan comme partie de la Chine, son équipe ne devrait pas concourir, puisqu’il n’est toléré qu’une seule équipe nationale par pays.
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