Cinq minutes : c’est le temps qu’il m’a fallu pour avoir envie d’arrêter de jouer à Ghost Recon Breakpoint, dernière grosse production de l’année 2019 signée Ubisoft. Successeur de Ghost Recon Wildlands, le blockbuster porté par la présence de Jon Bernthal au casting, est tout ce qui se fait de pire dans le genre open world avec emphase sur la coopération. Au point qu’on en vient à se demander dans quel monde un éditeur peut lancer, en l’espace de quelques mois, l’excellent The Division 2 et ce Ghost Recon Breakpoint à la structure ratée et au gameplay articulé autour d’idées qui ne fonctionnent pas ensemble.
Si j’ai voulu stopper les frais très vite, alors que je n’avais même pas encore appuyé sur la gâchette, c’est parce que Ghost Recon Breakpoint représente le degré zéro de l’immersion et de l’implication. Se déroulant sur une île théâtre d’un putsch — par Jon Bernthal qui fait du… Jon Bernthal –, le jeu arrête de raconter une histoire une fois que les bases sont posées. À bien des égards, Ghost Recon Breakpoint sacralise cette volonté d’Ubisoft de donner le pouvoir de la narration au joueur, alors chargé d’écrire sa propre histoire. Mais encore faut-il en avoir envie…
Ce qui cloche avec Ghost Recon Breakpoint
Auroa, le terrain de jeu fictif, ne donne pas envie. Vraiment pas. Là où Ghost Recon Wildlands offrait un minimum d’authenticité avec une reproduction de la Bolivie, Breakpoint empile les décors sans âme sur une carte immense et vide. On n’y croise pas grand monde et le sentiment de liberté, palpable certes, devient une plaie au gré des heures qui défilent.
D’autant que, techniquement, le jeu est raté. Il aurait surtout eu besoin de finitions pour nettoyer la horde de bugs liés au moteur physique défaillant, voire indigne d’une production de ce genre. C’est simple : rouler en-dehors de la route devient une foire à l’aléatoire, avec des cailloux capables de faire faire des tonneaux à un buggy militaire blindé. Pour rejoindre les objectifs, le mieux est de s’en remettre exclusivement aux hélicoptères. Comme par hasard, on en trouve souvent…
Moteur physique défaillant
Comme Ghost Recon Breakpoint lâche très vite la notion de récit, les missions sont répétitives et inintéressantes. Elles reposent toutes sur le même schéma consistant à se rendre sur un lieu pour tuer quelques ennemis et une poignée de renforts afin de parler à un PNJ (qui ne vous parlera pas s’il reste un ennemi dans la zone) ou de récupérer un indice clé pour la suite (car il y a des enquêtes qu’on résout en… appuyant sur un bouton).
Ces missions sont entrecoupées d’allers-retours vers un hub central où se terrent des résistants, et de cinématiques à la mise en scène plate et au jeu d’acteur médiocre. Bref, au bout de cinq heures de souffrance vidéoludique, on regrette d’avoir poussé au-delà de ces premières minutes de mauvais pressentiment. En prime, contrairement à Wildlands qui flanquait trois coéquipiers à celles et ceux qui jouaient en solo, ici, on est seul dès lors qu’on refuse de goûter à la coopération.
Par ce choix très étrange, on comprend qu’Ubisoft abandonne l’aspect tactique dans Ghost Recon Breakpoint — un argument qui constitue pourtant le sel de la franchise. Ne cherchez pas à la jouer fine : l’intelligence artificielle adverse est trop stupide pour qu’on lui oppose des affrontements réfléchis. La firme française abat par ailleurs le réalisme à la Ghost Recon en inscrivant le titre dans une structure inspirée des Destiny. Soit avec un niveau d’équipement régi par la puissance des armes et la qualité des pièces de la tenue que l’on porte.
Si cela fonctionne pour un looter-shooter comme The Division 2 (où les ennemis sont des sacs à points de vie), c’est beaucoup moins pertinent à partir du moment où on peut tuer tout le monde d’une simple balle dans la tête. Ce non-sens est symbolique de l’échec du titre, qui a essayé d’apporter de la fraîcheur sans réfléchir une seconde à la cohérence. Ramasser une arme censée être plus puissante ne donne jamais l’impression que c’est déterminant pour avancer : le loot ne sert à rien. C’est un vrai problème de game design, quand bien même cela permet d’intégrer des microtransactions bien senties (mais abandonnées temporairement après des accusations de pay-to-win).
Des idées fraîches pompées ailleurs et maladroitement exécutées
Mais il y a tant d’autres choses qui ne vont pas dans Ghost Recon Breakpoint. On pourrait parler de cette interface incompréhensible, à la lisibilité médiocre et nantie d’une ergonomie à pleurer. À trop naviguer dans les différents onglets, on perd du temps à sélectionner l’objectif suivant et on a du mal à faire son choix quand on veut dépenser un point de compétence. Surtout quand les aptitudes vont d’un accessoire que l’on pourrait acheter à une boutique — lunettes de vision nocturne (?) — à de vrais avantages (plus d’endurance…).
Là encore, il y a une forme de non-sens qui témoigne d’un brainstorming alambiqué. On pourrait également évoquer cette caméra au placement incompréhensif, notamment quand on quitte une couverture automatique. On est obligé de la corriger sans cesse et c’est un souci pour la maniabilité qui tend vers le désagréable. On terminera par ces déplacements chaotiques quand on veut gravir une montagne. Une ambition qui se transforme vite en cavalcade en raison d’un personnage en roue libre.
Vous l’aurez compris, du semblant de scénario au gameplay, il n’y a pas grand-chose qui marche dans ce Ghost Recon Breakpoint. Le jeu amorce des changements incompréhensibles par rapport à son prédécesseur et pâtit d’un déficit technique évident. Il s’en dégage l’impression d’être en face d’un épisode forcé, paralysé par des idées fraîches pompées ailleurs et maladroitement exécutées voire, pire, inadaptées à l’ADN de la licence. À l’arrivée, le titre Tom Clancy à retenir en cette année 2019 est clairement The Division 2, du même éditeur.
Sur Metacritic, le jeu peine à dépasser les 50 % et reçoit un 2,2/10 des joueurs. Il est vendu une cinquantaine d’euros.
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