Il paraît que Call of Duty: Modern Warfare est un jeu anti-russe : est-ce vraiment le cas ?

Sur la page Metacritic de la version PC de Call of Duty: Modern Warfare, le constat est saisissant : tandis que le FPS édité par Activision récolte 81 % de la part de la presse, un bon score, les joueurs lui attribuent, en moyenne, la note de 2,6 sur 10. Dans le jargon, on appelle cela du review bombing, soit une pratique consistant à faire descendre volontairement le score d’un jeu pour dénoncer quelque chose n’ayant rien à voir avec ses qualités vidéoludiques. Dans le cas de Call of Duty: Modern Warfare, il s’agit de sa campagne solo, décrite comme anti-russe.

Plusieurs personnes accusent Activision de propagande, diabolisant les Russes à l’extrême en oubliant de mettre en exergue les crimes et travers des Américains, glorifiés — un vieux relent de Guerre froide. « Les Russes sont responsables de tous les maux, il est toujours question de terroristes russes dans vos jeux. Quand est-ce que nous allons voir des terroristes américains ou européens ? Avez-vous peur de ça ? », explique l’un d’entre eux. 

Après avoir terminé la campagne solo de Call of Duty: Modern Warfare, c’est l’incompréhension : nous qui nous attendions à un festival de caricature de goût douteux, nous trouvons que le jeu n’est pas plus anti-russe que cela. Au pire est-il, effectivement, un tantinet pro-américain.

Call of Duty: Modern Warfare // Source : Activision

Call of Duty: Modern Warfare

Source : Activision

D’où vient cette polémique

Le statut anti-russe de Call of Duty: Modern Warfare est né bien avant son lancement, au moment où la branche russe de PlayStation a décidé de ne pas commercialiser l’un des plus gros événements de l’année. La justification réelle n’a pas été donnée, mais on pouvait comprendre, entre les lignes, qu’il y avait un problème politique qui se tramait en coulisses. Ce, alors que le studio Infinity Ward décrit maladroitement son jeu comme apolitique — la formule bien pratique pour n’embêter personne, mais qui n’est pratiquement jamais fondée dans de telles œuvres.

En l’occurrence, dans Call of Duty: Modern Warfare, nous sommes chargés de combattre des terroristes appartenant au groupe Al-Qatala (aucune ressemblance avec un vrai groupe) et, dans le même temps, un dissident russe qui utilise des méthodes renvoyant aux crimes de guerre pour occuper un pays arabe fictif (exemples : pendre publiquement des civils et utiliser des armes chimiques). Comme dans le Call of Duty: Modern Warfare original, le méchant est donc russe. Ici un véritable boucher qui représente le Mal absolu et asservit un peuple avec une tyrannie aussi exécrable qu’inhumaine. Et, encore une fois, ce sont les Alliés, Américains en tête, qui doivent sauver la mise, aidés par des résistants arabes désireux de libérer leur pays, qui ont un grand rôle dans l’histoire.

Plus pro-américain qu’anti-russe, à une erreur près

Si diabolique soit-il, ce dissident russe n’est pas la Russie (qui le désavoue, certes tardivement, mais tout de même). Et, pendant toute l’intrigue, les forces américaines ne cessent de rappeler qu’il faut éviter tout conflit majeur avec la Russie — son éternel ennemi. Il y a une forme de manichéisme, c’est certain, mais il n’y a pas de quoi être scandalisé : le jeu prend des pincettes.

Il faut aussi se rappeler que Call of Duty: Modern Warfare est un jeu pop-corn, dont l’intrigue ne sert que de prétexte au divertissement. Il est vrai que les scénaristes ont manqué d’un soupçon de nuance, dépeignant des Américains un peu trop bons, et des Russes un peu trop méchants, même si certains sont dans le camp des gentils. Non, ce n’est définitivement pas de la géopolitique complexe…

On serait plutôt tentés de croire que Call of Duty: Modern Warfare paie pour tous les autres, goutte de maladresse dans un océan de manichéisme. Dans bien des œuvres américaines, depuis la Guerre froide en réalité, les Russes sont les vilains absolus. Par conséquent, on peut comprendre la lassitude.

Infinity Ward a quand même commis une très, très grosse erreur en réinterprétant la fameuse Highway of Death (« Autoroute de la mort »), surnom donné à une route bombardée par l’Armée américaine pour empêcher les Irakiens de se replier pendant la guerre du Golfe (un acte qui est considéré comme un crime de guerre aux yeux de certains spécialistes, en raison de sa barbarie et des nombreuses victimes collatérales).

Dans Call of Duty: Modern Warfare, la Highway of Death existe, mais les événements sont attribués aux… Russes. D’un point de vue scénaristique et, même, idéologique, c’est très maladroit. Par ce choix un peu trop inspiré d’un événement réel et retourné, le jeu semble prendre partie, l’espace d’un échange entre deux personnages, qui devient rapidement le symbole de son review bombing.

Alors certes, on peut déplorer certaines caricatures présentes dans Call of Duty: Modern Warfare. Mais au-delà du jeu pop-corn qui sert un scénario décérébré, pensé pour le divertissement, la facette politique est davantage à aller chercher dans le côté pro-américain que dans la diabolisation des Russes.

Découvrez les bonus

+ rapide, + pratique, + exclusif

Zéro publicité, fonctions avancées de lecture, articles résumés par l'I.A, contenus exclusifs et plus encore.

Découvrez les nombreux avantages de Numerama+.

S'abonner à Numerama+

Vous avez lu 0 articles sur Numerama ce mois-ci

Il y a une bonne raison de ne pas s'abonner à

Tout le monde n'a pas les moyens de payer pour l'information.
C'est pourquoi nous maintenons notre journalisme ouvert à tous.

Mais si vous le pouvez,
voici trois bonnes raisons de soutenir notre travail :

  • 1 Numerama+ contribue à offrir une expérience gratuite à tous les lecteurs de Numerama.
  • 2 Vous profiterez d'une lecture sans publicité, de nombreuses fonctions avancées de lecture et des contenus exclusifs.
  • 3 Aider Numerama dans sa mission : comprendre le présent pour anticiper l'avenir.

Si vous croyez en un web gratuit et à une information de qualité accessible au plus grand nombre, rejoignez Numerama+.

S'abonner à Numerama+

Si vous avez aimé cet article, vous aimerez les suivants : ne les manquez pas en vous abonnant à Numerama sur Google News.