Titans, Batwoman, Stargirl, Canaries… L’univers sombre et fascinant de DC Comics trouve de plus en plus sa place à l’écran dans un océan de nouvelles séries. Là où une nouvelle production comme Batwoman, la première super-héroïne ouvertement lesbienne sur le petit écran, sert à quelque chose, l’annonce par Epix d’un prequel dédié à Alfred Pennyworth avait de quoi laisser dubitatif. Pourtant, il faut avouer que la série est une bonne surprise. En France, elle est disponible sur Amazon Prime Video depuis ce 9 décembre 2019.
Alfred est le célèbre majordome de Bruce Wayne. Il assiste Batman au quotidien dans son parcours de justicier. Tout le monde peut s’accorder à dire que son rôle est essentiel aux côtés du Chevalier Noir. Mais peut-on vraiment dédier un récit entier rien qu’à ce personnage ? Tout dépend de quelles biographies, issues des comics, on s’inspire. Dans de nombreuses versions, Alfred a des compétences militaires provenant d’un passé de soldat, voire d’espion. Cette trame a été reprise par Christopher Nolan, puis dans la série Gotham. C’est justement l’un des showrunners de cette dernière, Bruno Heller, qui est à l’origine de Pennyworth.
« Pennyworth, Alfred Pennyworth »
Vous l’avez compris, ce prequel à Batman s’intéresse au passé d’Alfred, lorsqu’il était un jeune espion au service de sa majesté. Nous voilà donc à Londres, en 1960. Alfred est un fringant beau gosse. Il vit encore chez ses parents, vient de créer sa société de sécurité, mais d’ici à ce qu’elle marche, il doit vivre de petits boulots. C’est en tant que videur dans un nightclub qu’on le découvre, au début de l’épisode pilote. Il y fait la rencontre de Thomas Wayne, le père de Bruce Wayne, ce qui va enclencher ses premières mésaventures.
Pennyworth est une série historique et elle s’en sort assez bien en la matière, notamment côté réalisation. La ville de Londres des années 1960 est joliment reconstituée dans les plans larges, les scènes de rue, les scènes d’intérieur et l’atmosphère d’époque. En revanche, Alfred apparaît surtout comme une sorte de James Bond — quoiqu’un peu plus intelligent. N’importe qui, sans être fan de DC Comics, peut suivre les intrigues… mais au risque de n’y trouver aucun intérêt. Les récits en eux-mêmes ne sont pas transcendants, tout juste dignes d’une fiction d’espionnage très classique. On aurait aimé qu’Alfred soit un personnage plus original, et moins proche d’un 007.
Quelques aspects historiques font aussi défaut. L’image qui est par exemple donnée de la reine d’Angleterre est absurde, avec son air mystérieux et sa gestuelle presque suave tandis qu’elle désigne Alfred, dans l’épisode 1, comme son « cher et loyal ami ». De même, on peine à croire la représentation des peines de mort : une foule extatique face à des condamnés pendus et éviscérés, le tout diffusé à la télévision… C’est un peu too much pour les années 1960. Ces éléments rappellent que l’on est bel et bien dans le genre du comics et que Gotham City n’est vraiment pas loin.
Londres se transforme en Gotham
De prime abord, cette série ne semble pas avoir grand chose à voir avec l’univers de Batman. Elle pourrait apparaître comme une banale série noire d’espionnage. Et si elle n’était que cela, on vous conseillerait de passer votre chemin. Sauf que le Chevalier Noir est présent d’une certaine façon, et c’est là que l’intérêt de Pennyworth émerge. La série transforme Londres en Gotham et essaye, par la même occasion, de transformer Alfred en justicier.
Les « bad guys » sont de grands psychopathes, à un niveau presque aussi extravagant que les antagonistes du Chevalier Noir. Ils sont froids, perchés, machiavéliques. L’un des briguant qu’Alfred va affronter ressemble même, dans son look, à une sorte de Joker non-maquillé. Une mamie armée d’une mitraillette, dès le premier épisode, donne l’impression d’être tout droit sortie d’Arkham Asylum. On a même un bon vieux « Je reviendraaaiii » prononcé par un bad guy, en fin d’épisode 1. Bien sûr.
Alfred, quant à lui, n’a pas de cape, pas de batmobile, pas de batarang, mais il n’en est pas moins invincible — il peut vaincre plusieurs hommes de main surarmés à l’aide de ses deux doigts. Pareil pour ses compères qui évitent les balles de manière étonnante face à leurs adversaires. Alfred n’hésite pas à sauver celles et ceux qui en ont besoin. Il a une fâcheuse tendance à apparaître dans l’ombre, sortant soudainement d’on ne sait où. Tout ceci ne vous rappelle aucun autre justicier ? La série d’Epix n’hésite pas à transformer le majordome de Batman en superhéros… quitte à en faire un peu trop parfois sur la stature héroïque d’Alfred, mais l’équilibre est globalement bien tenu.
La musique, les vilains, le justicier, l’atmosphère visuelle… Il faut avouer que Bruno Heller réussit un sacré pari. Les fans de DC Comics auront la sensation que Pennyworth fait partie du canon de Batman, car on en retrouve des ingrédients essentiels. Alors même qu’il n’était ni nécessaire ni demandé, ce prequel donne pourtant bien une nouvelle dimension intéressante à Alfred. En revanche, si vous n’êtes pas fan plus que cela de la ville de Gotham et de ses protagonistes, vous n’y aurez pas vraiment de plaisir et ne percevrez dans Pennyworth rien de plus qu’un récit d’espionnage, façon thriller noir, comme il s’en fait plein.
Le verdict
Pennyworth
Voir la ficheOn a aimé
- Une belle reconstitution de Londres en 1960
- Des bad guys qui ramènent à Gotham City
- Le majordome de Batman prend une nouvelle dimension
On a moins aimé
- Des intrigues d'espionnage trop banales
- On aimerait qu'Alfred ressemble moins à 007
- Le « je reviendraaaiii » de l'épisode 1, c'était vraiment en trop
Pennyworth a le mérite de retranscrire l’ambiance de Gotham City dans un Londres des années 1960 joliment réalisé. L’ambiance de Batman parsème intelligemment la série, qui offre un vrai background au personnage d’Alfred. Malheureusement, il ressemble trop à un 007 pour tirer son épingle du jeu.
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