27 juillet 2014 : Warner Bros. diffuse un tout premier aperçu de Mad Max: Fury Road. Rendez-vous compte, nous n’avions plus pénétré l’univers post-apocalyptique depuis 1985 et le rigolo piètre Mad Max au-delà du Dôme du Tonnerre (avec Tina Turner). Soit près de 30 ans d’attente pour cette saga devenue instantanément culte sous la houlette d’un réalisateur visionnaire — George Miller. Les premières images de Fury Road séduisent d’entrée et préfigurent un film susceptible de décrocher la mâchoire. Le 14 mai 2015, date de sortie du blockbuster, sonne comme la libération. La claque a bel et bien eu lieu, au point que tout ce qui a été montré après fut très insipide.
Car, au-delà de la puissance visuelle que dégage Mad Max: Fury Road, il faut se rappeler de l’anomalie qu’il constitue à une époque où les effets spéciaux emportent tout sur leur passage — la créativité en prime. Au remake déguisé Star Wars : Le Réveil de la Force (décembre 2015) et au désincarné Avengers : L’ère d’Ultron (avril 2015), George Miller répond par l’inventivité et la folie, fruits d’un tournage longtemps maudit qui a, certes, pollué un désert. On n’avait plus vu un tel savoir-faire, à l’ancienne, avec peu de fioritures, avec des cascades et des chorégraphies millimétrées (LES PERCHES), depuis des lustres. La gifle Mad Max: Fury Road est d’abord cinématographique.
L’élan féministe jamais opportuniste
Ne passez surtout pas à côté de la version en noir et blanc, la préférée de George Miller. Elle sacrifie des détails liés aux couleurs pour en révéler d’autres, ce qui donne un tout autre sens au film.
Plus de 30 ans après le premier Mad Max, sorti en 1982, George Miller, tout à la fois capable d’imaginer un univers dystopique effroyable et de faire danser des pingouins sur la banquise, décide de revenir à son premier amour. Et c’est peu dire que le risque fut grand, notamment celui d’y retourner trop tardivement en donnant cette impression d’être has-been pour l’époque. Mad Max: Fury Road constitua, en prime, un long combat pour le cinéaste puisque le tournage initial devait avoir lieu… en 2003, dans un désert de Namibie. Il a ensuite été repoussé une nouvelle fois en raison des conditions climatiques compliquées en Australie. La production posera finalement ses bagages en Namibie, comme prévu initialement, mais près d’une décennie plus tard.
Balayant d’un revers de la main tous les obstacles (des scènes ont dû être tournées après les premières projections test, avec procès en prime), optant pour Tom Hardy en remplacement de Mel Gibson dans la peau de Max, George Miller arrive donc avec ce Mad Max: Fury Road — sorte de reboot criblé de choix forts. Dans son univers toujours sans foi ni loi, les Hommes sont vus comme les responsables des maux qui forcent les gens à se battre pour leur survie (comprendre : avoir accès à de l’eau potable). Ils sont allés jusqu’à ramener les femmes à un simple statut de génitrice qui fournit du lait maternel (boisson qui rend zinzin). Dans cette nouvelle génération Mad Max, la course au pétrole est remplacée par un soulèvement face à une société patriciale qui en est arrivée là par sa faute. Ce qui revient à affirmer que Fury Road est ancré dans un contexte théâtre de son époque.
George Miller n’a pas besoin d’une horde d’ordinateurs
Il est d’ailleurs étonnant de voir la manière avec laquelle George Miller est prêt à abandonner ses héros d’antan. La voiture emblématique ? Expédiée dès l’introduction et plus jamais évoquée ensuite. Mais c’est bien davantage le sort réservé à Max qui est surprenant : littéralement muselé (on le voit même à l’écran), il ne devient qu’un faire-valoir, obligé de partager la vedette avec le vrai personnage fort de Mad Max: Fury Road — la badass Furiosa, campée par une Charlize Theron au sommet de son art. Cette prise de pouvoir, amenée à l’écran sans jamais aucun discours moralisateur opportuniste, sinon maladroit, offre un élan résolument féministe — et inattendu — au long métrage. Il fait de Furiosa l’égale d’Ellen Ripley dans la saga d’Alien ou de Sarah Conor dans Terminator. En l’occurence une héroïne capable de s’assumer dans ses choix et des séquences fortes, pas simplement un objet de désir comme on a l’habitude d’en voir dans les films d’action. Même les muses que veut sauver Furiosa ne sont pas que des demoiselles en détresse.
George Miller n’a même pas besoin de forcer le propos pour faire passer le message plus profond que ne le suggère la forme tape-à-l’œil — l’opposé d’un Disney qui fait de la communication au nom de la bonne conscience. Il s’appuie sur la puissance des images et le savoir-faire grâce auquel il leur donne corps pour raconter son histoire prenant la forme d’une course-poursuite géante doublée d’un bête aller-retour (du génie en termes d’écriture).
Tout ce qu’il veut transmettre passer par les détails plutôt que les dialogues. Chacun des plans est une invitation à la découverte, nourrie par un découpage, un sens du spectacle, un mixage sonore et une photographie d’orfèvre. Parce qu’il avait déjà tout compris avant tout le monde, George Miller n’a pas besoin d’une horde d’ordinateurs pour faire jubiler et bondir de son siège, simplement d’un guitariste qui crache des flammes dans un cortèges (de) fous furieux, avec des feux d’artifices pour accompagner le barnum. Plus qu’un réalisateur, il devient un chef d’orchestre, construisant son film comme un concerto massif sans temps mort — avec un maximum de grosses caisses (au sens et au figuré).
On a désormais hâte de voir ce que George Miller a en tête pour la suite de ce Mad Max: Fury Road. Dans un entretien accordé à Deadline et publié le 9 décembre 2019, l’intéressé a confié qu’il « n’en avait pas terminé avec l’histoire de Mad Max ». En espérant que, cette fois, la suite ne mette pas plusieurs dizaines d’années avant d’arriver sur nos écrans. Car Dieu sait qu’avec la saga Mad Max, la mise en chantier ne veut pas dire grand-chose face aux incertitudes et aux problèmes qui font partie de son héritage. À chaque résurrection réussie son chemin de croix.
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