« C’est simple, quand on n’est pas livré, on ne paie pas », a lâché Maxime Saada, PDG de Canal+, au micro d’Europe 1 le 6 avril, à la veille du lancement de Disney+ en France (dont le groupe Canal est le distributeur exclusif). L’intéressé parle des droits télé liés à la diffusion de matches de football, qu’il estime ne pas avoir à verser puisqu’aucune rencontre inédite n’est actuellement proposée sur ses chaînes. Au sein de l’économie du football, ces droits pèsent très lourd dans le compte en banque des clubs (plus d’un tiers des revenus). Selon un article publié dans l’Équipe le 27 mars, on parle d’une suspension de paiement de 110 millions d’euros.
Si compréhensible soit-elle quand on se place du côté du diffuseur, qui subit tout autant la crise économique liée à la de la pandémie de coronavirus, cette posture de Maxime Saada cache une hypocrisie. Dès lors que l’on se met dans la peau du consommateur, on se rend compte que les abonnements n’ont pas été gelés, tout au moins le pack sport alors que les programmes classiques sont moins touchés. Ce qui veut dire que l’abonné continue de payer alors que, lui aussi, d’une certaine manière, il n’est pas livré. Est-ce un problème ? Oui, mais la réalité est plus complexe qu’il n’y paraît.
Le calendrier sportif n’est pas forcément une année complète
Quand on s’abonne à une chaîne sportive, quelle qu’elle soit, il faut garder en mémoire que l’on s’abonne pour une saison, pas nécessairement pour une année. Ce décalage entre la réalité d’un calendrier sportif et celle d’une année civile accouche par essence d’un biais à connaître : si l’on s’engage sur la durée, il y a nécessairement des moments où l’on aura le sentiment de payer pour rien (pendant les trêves organisées pour que les sportifs puissent recharger les batteries, par exemple). C’est moins vrai pour Canal+, qui n’a pas que du sport à proposer à ses utilisateurs.
En somme, on ne voit pas pourquoi Canal+ cesserait de facturer pendant une période de confinement, surtout en partant du principe qu’elle ne pourrait aboutir, finalement, qu’à un simple décalage du calendrier. Prenons l’exemple de la Ligue 1 : stoppée depuis le mois de mars, elle pourrait bien reprendre à une période où, habituellement, elle n’est pas diffusée. Dans ce cas de figure, qui reste le meilleur scénario possible au sortir de la crise sanitaire, l’abonné n’aurait pas de quoi se sentir lésé. « Nos 3,5 millions d’abonnés savent très bien que les compétitions sont suspendues provisoirement », expliquait Florent Houzot, directeur de la rédaction et des antennes de beIN Sports, dans Média + le 23 mars.
En revanche, ce décalage deviendra un problème en cas d’annulation pure et dure des différents championnats. Dans ce cas précis, il y aura un net décalage entre ce pour quoi l’abonné pensait payer et les programmes auxquels il a eu droit à l’arrivée (moins de matches que prévu). Sur ce point, la récente prolongation du confinement jusqu’au 11 mai, avec toujours la fermeture des lieux publics passé cette date, n’incite pas à l’optimisme. Les diffuseurs subissent les décisions du gouvernement et les répercussions qui en découlent quant au maintien d’événements rassemblant du monde.
Plus de programmes inédits ne veut pas dire plus de programmes du tout
Canal+, beIN Sports ou encore RMC Sport ne sont pas des salles de sport ou des cinémas : le coronavirus ne ferme pas totalement leur activité. Là où l’abonné Basic Fit n’a plus la liberté de s’entraîner et le propriétaire d’une carte UGC illimité ne peut plus rentabiliser son investissement (ces abonnements sont d’ailleurs gelés), celui de Canal+ a toujours la possibilité de tuer le temps en regardant les contenus qui sont diffusés pendant la période de confinement. C’est d’ailleurs en ce sens que Canal a régulé ces abonnements : joint par Numerama, le groupe a confirmé que tous les propriétaires d’un pack sport avaient automatiquement basculé sur l’offre Intégrale pour accéder à l’ensemble des services.
Sur ce point, beIN Sports et RMC Sport doivent davantage se réinventer et, très souvent, piocher dans la rediffusion de documentaires, émissions thématiques et anciens événements sportifs pour faire la jonction (exemple : des matches de la Coupe du monde 2018). C’est ainsi que les férus de NBA peuvent profiter d’une chaîne 100 % dédiée au basket américain, disponible sur les canaux beIN Sports.
De leur côté, les hautes instances de la NBA ont décidé d’offrir le League Pass à tout le monde jusqu’au 22 avril (accès à tous les matches joués de la saison en cours, suspendue jusqu’à nouvel ordre, et à des archives). Celles et ceux qui se sont abonnés ont reçu un mail en mars leur signifiant que la saison devrait reprendre. Seront-ils remboursés si ce n’est pas le cas ? Pour le moment, l’avenir est encore trop incertain pour statuer quoi que ce soit.
Il est vrai que la pandémie de coronavirus a pris tout le monde de court. Florent Houzot le concède dans les colonnes de Sports Stratégies Hebdo : « Tout est arrivé de façon brutale. Nous avons dû nous organiser dans l’urgence. » beIN Sports a d’ailleurs une autre problématique à gérer : ce n’est pas lui qui gère ses abonnés en direct (hors beIN Sports Connect), mais les fournisseurs (Orange, Canal+…). Autrement dit, si remboursement ou compensation il devrait y avoir, cela passera par des discussions avec les autres acteurs impliqués. Pour le moment, beIN Sports n’a rien à communiquer et on peut penser qu’une décision sera prise quand on en saura davantage sur la reprise — ou l’arrêt — des différentes compétitions.
Il convient aussi de rappeler que les offres se sont nettement assouplies en matière d’engagement. Avant, il était nécessaire de s’abonner sur le long terme pour bénéficier d’un tarif décent ; aujourd’hui, le sans engagement est la norme. Il suffit de se rendre sur le site de Canal+ pour le vérifier : le mois sans engagement est au même prix qu’une formule de deux ans (qui ajoute un décodeur) — le pack sports aussi. De fait, vous pouvez très bien résilier pendant la période de confinement si vous estimez payer pour rien — RMC Sport et beIN Sports suivent la même logique.
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