La saga Dune a profondément marqué l’imaginaire de la science-fiction depuis sa première parution en 1965. Mais le récit écrit par Frank Herbert n’a jamais réussi à se frayer un chemin définitif sur grand ou petit écran, tant et si bien que ce chef d’œuvre n’est pas aussi présent qu’il le devrait dans la pop culture. Pourtant, le potentiel est bien là pour imprégner les esprits d’un public bien plus large. Voilà qui pourrait changer, car Denis Villeneuve est aux commandes d’une adaptation cinématographique qui, sur le papier, a déjà de la saveur. De premières images viennent d’être publiées par Vanity Fair et confirment cette première impression.
Difficile de ne pas retrouver, dans ces extraits, le type de plans et de décors auxquels Denis Villeneuve nous a déjà habitués dans Premier contact puis dans Blade Runner 2049. Il y a quelque chose de grandiose, d’épique, dans cette esthétique pourtant si éthérée. L’approche est idéale pour porter à l’écran Dune et sa planète centrale, Arrakis. Recouverte de sable, cette terre aride représente un enjeu économique de premier plan dans la Guilde spatiale : sur Arrakis, des vers géants sécrètent l’Épice, un ingrédient essentiel d’un produit permettant de prolonger la vie — ce qui permet une conquête spatiale démesurée. La multitude de mondes de la Guide spatiale est régie par un Empereur et par une noblesse, divisée en maison. Paul, le personnage interprété par Timothée Chalamet, est membre de la Maison Atréïdes. Après un piège tendu par les rivaux, la Maison Harkonnen, il est présumé mort et se réfugie chez les Fremen, le peuple autochtone d’Arrakis.
Pas la peine d’en dire davantage : le récit de Dune est complexe, riche et se vit davantage qu’il se raconte. Cela étant, il est possible, sans même spoiler aux curieux et curieuses, de trouver dans les images du film de Denis Villeneuve des détails marquants, qui montrent que les ambitions comme les subtilités de Dune sont respectées… et que vous devez absolument vous intéresser à cette œuvre à venir.
La fable écologique de Dune
Sous la plume de Frank Herbert, la planète Arrakis n’est pas qu’un élément de décor. Ce n’est pas un simple cadre comme si elle n’était que le socle des aventures des personnages. Arrakis est un écosystème total, complet, fourmillant : elle est Dune, elle est les personnages, leurs histoires, au sein d’un maillage complexe. On sent, page après page, que les Fremen sont les « extraterrestres » sur cette planète, mais qu’ils ont finalement trouvé leur place dans cet écosystème : ils n’ont pas cherché à le posséder, à le maîtriser, mais plutôt à le comprendre autant que possible et à s’y adapter. Ils n’avaient de toute façon pas le choix : c’était s’adapter ou rien face à une nature aussi puissante. En revanche, les nobles et soldats de l’Empire, lorsqu’ils débarquent sur la planète, adoptent une stratégie conquérante… loin d’être la meilleure, donc, face aux dunes imposantes, mystérieuses, d’Arrakis.
« Ce qui pour moi marque immédiatement dans les quelques images diffusées, c’est que Villeneuve semble avoir compris une idée centrale du roman qui est l’interaction fondamentale entre l’Homme et son environnement », commente pour Numerama l’auteur du blog L’Épaule d’Orion, spécialisé en littérature de science-fiction, et auteur d’une analyse sur le genre littéraire du chef-d’œuvre.
L’image sur laquelle on voit toute la Maison des Atréides est le premier indice, selon lui, de la profonde compréhension par Denis Villeneuve de cette interaction centrale. « Ils viennent d’arriver sur Arrakis, la posture est martiale, rigide et arrogante. »
Même constat pour la photo où Oscar Isaac prend les traits du Duc Leto, « engoncé dans une armure inadaptée dont on devine déjà qu’elle ne le protégera pas ». Une description valable aussi pour Gurney Halleck, lieutement de la Maison Atréides. Ces images représentent le premier versant de l’interaction écologique fondamentale de Dune : l’inadaptation de ces humains à un environnement naturel qu’ils ne maitrisent pas, qu’ils vont chercher à maîtriser par la force.
Les autres photographies révèlent des personnages qui épousent l’autre aspect de l’interaction : l’adaptation absolue. « À l’inverse, le corps animal de Duncan Idaho exprime la transformation nécessaire, le moment du choix, l’adaptation en cours, nous décrit L’Épaule d’Orion. Puis, les portraits de Chani et Liet montrent les deux femmes inscrites dans leur environnement. Elles appartiennent à Arrakis et Arrakis leur appartient. » Ces personnages semblent en effet se fondre dans le paysage de la planète, comme s’ils faisaient profondément partie de cet écosystème.
Par les choix esthétiques, dans les mouvements, les couleurs ocres ou métalliques, les costumes, les environnements naturels dominants par leur amplitude, Denis Villeneuve prouve en seulement quelques images qu’il a su saisir et représenter l’élément philosophique, écologique, spirituel le plus fondamental de l’œuvre immense — et si difficile à adapter — de Dune. Même ses choix personnels, qui s’éloignent en apparence des matériaux originels, font honneur au message de Frank Herbert.
C’est ce que tient à nous préciser l’auteur de L’Épaule d’Orion au sujet d’un changement que les fans de la saga n’ont pas pu manquer : Liet Kynes est devenu une femme. Mais est-ce que cela n’aurait pas, finalement, encore plus de sens dans le cadre de cette adaptation ? « Denis Villeneuve a fait ce choix magnifique de faire jouer Liet par une femme. Cela me semble pleinement justifié par le rôle transformatif de ce planétologue qui a compris l’écologie et la culture d’Arrakis, et engage avec le peuple Fremen sa mutation sur des générations. Pour ma part, j’ai toujours imaginé que Liet Kynes était une femme », confie le blogueur.
Un futur inimaginable… en images ?
Les romans de Dune peignent un futur si lointain que plus rien de ce que l’on connaît n’existe vraiment tel que notre monde le conçoit. Des modes de vie, des accessoires technologiques, des sciences font bien écho à des éléments que l’on connaît, mais s’éloignent parfois aussi tellement de nos référentiels qu’il se dégage parfois de Dune des ingrédients proches de la Fantasy… mais qui appartiennent malgré tout à la SF. C’est là toute la beauté de la fresque futurologique de Frank Herbert, cette part d’incompréhension, de légende, dans un avenir si éloigné.
Comme nous l’explique L’Épaule d’Orion, le contexte du premier tome de Dune se caractérise par deux aspects : « Il y a une véritable régression historique due au Jihad Butlérien qui a fait disparaitre l’informatique et les machines pensantes. D’un autre côté, la technologie est devenue invisible à notre œil, car extrêmement avancée, mais elle est bien présente. » Ainsi, les lecteurs et lectrices de Dune imaginent les technologies décrites comme des choses à l’apparence vieillotte, mais au fonctionnement parfois plus puissant que des technologies issues de futurs par exemple cyberpunk. Sur cette étrange évolution technologique, le blogueur SF porte à notre attention une phrase écrite dans l’ouvrage : « Le Jihad Butlérien [épisode historique de régression technologique dans l’univers de Dune] a forcé l’esprit humain à se développer. »
Comme la fable écologique, cet aspect technologique « fondamental » de Dune semble avoir, lui aussi, été parfaitement épousé par Denis Villeneuve si l’on regarde les premières images. Par exemple, le distille : il s’agit de la tenue portée les Fremen, et qui recycle tous les fluides corporels pour les convertir en eau potable (sans cela, la survie serait impossible sur l’aride planète Arrakis). Cette technologie, aussi primaire qu’ultra-avancée, est représentée dans les images par un costume paradoxal : cela pourrait tout aussi bien être quelques vieux bouts de tissus et de métal condensés en un semblant de vêtement, mais tout est si bien agencé, en plus d’être adapté à l’environnement, que l’on voit bien qu’il s’agit d’une technologie futuriste, peu familière.
On a hâte.
+ rapide, + pratique, + exclusif
Zéro publicité, fonctions avancées de lecture, articles résumés par l'I.A, contenus exclusifs et plus encore.
Découvrez les nombreux avantages de Numerama+.
Vous avez lu 0 articles sur Numerama ce mois-ci
Tout le monde n'a pas les moyens de payer pour l'information.
C'est pourquoi nous maintenons notre journalisme ouvert à tous.
Mais si vous le pouvez,
voici trois bonnes raisons de soutenir notre travail :
- 1 Numerama+ contribue à offrir une expérience gratuite à tous les lecteurs de Numerama.
- 2 Vous profiterez d'une lecture sans publicité, de nombreuses fonctions avancées de lecture et des contenus exclusifs.
- 3 Aider Numerama dans sa mission : comprendre le présent pour anticiper l'avenir.
Si vous croyez en un web gratuit et à une information de qualité accessible au plus grand nombre, rejoignez Numerama+.
Vous voulez tout savoir sur la mobilité de demain, des voitures électriques aux VAE ? Abonnez-vous dès maintenant à notre newsletter Watt Else !