La période de confinement est le moment idéal pour lire, soit en parcourant ce qu’on a déjà dans nos bibliothèques, soit en s’évadant dans les étagères virtuelles des boutiques d’ebooks. Mais le contexte, en fonction des situations personnelles, n’est pas toujours adapté à de longs moments de lecture : certaines personnes se replongent à cette occasion dans la lecture après une longue pause et ce n’est pas forcément simple ; d’autres ont du mal à se concentrer pendant le confinement.
Les récits courts, comme les nouvelles ou les novellas (romans courts) peuvent être un support idéal, pour les raisons citées ou même simplement par l’envie de voyager rapidement dans une multitude d’ailleurs imaginaires. Voici 8 récits courts en littérature de l’imaginaire.
Élévation (Stephen King)
Oui, Stephen King est le maître du thriller et de l’horreur. Mais il excelle aussi dans d’autres styles et Élévation fait partie de ses pépites méconnues. Le principe est simple : un homme découvre qu’il perd chaque jour toujours plus de poids, mais sa masse ne change pas. En somme, la balance affiche chaque jour un chiffre plus bas, mais sa corpulence reste la même. Plus étrange encore, avec ou sans vêtements, même s’il rajoute des objets lourds sur lui, le chiffre affiché sur la balance reste le même. À cela s’ajoute la motivation du personnage à venir en aide à un couple de voisines, dont le restaurant est sur le point de faire faillite.
Cette douce fable insuffle une jolie dose de légèreté et de positivité, mais n’est pas dénuée d’une force transformatrice : l’élévation évoquée dans le titre n’est autre que le processus visant à se délester des a priori, des souvenirs, des douleurs qui empêchent d’avancer et d’évoluer.
L’une rêve, l’autre pas (Nancy Kress)
Nancy Kress est tout simplement l’une des plus grandes écrivaines en littérature de l’imaginaire. Et sa réputation lui vient notamment de son immense corpus de novellas, c’est-à-dire de romans courts. Piocher dans ses œuvres est la bonne idée à avoir en ce moment si vous souhaitez des récits courts mais de très haut niveau.
L’une rêve, l’autre pas, édité en France chez ActuSF, est l’une de ses plus belles novellas. Nous voici en présence de deux jumelles, que tout rassemble, mais qu’un petit détail sépare profondément : l’une des deux est modifiée génétiquement… elle n’a plus besoin de dormir. Que changeront ces quelques heures de vie éveillée en plus ? Quel serait l’impact social de cette ingénierie génétique ? Nancy Kress ne vous fournira pas les réponses sur un plateau, mais vous apportera de quoi réfléchir même une fois le court récit terminé.
Encore plus de Nancy Kress : Le Nexus du Docteur Ermann et Danses aériennes
Parce qu’on a jamais assez de Nancy Kress dans une sélection, on ne peut que vous conseiller Le Nexus du Docteur Ermann, autre petit bijou de sa plume, dans la collection Heure-Lumière du Bélial. Cette fois-ci, le récit est à l’interaction entre la SF et le fantastique, dans une ambiance plutôt polar. On retrouve un physicien nucléaire qui est certes en maison de retraite, mais continue à donner des cours en revenant de l’université. Après l’un d’eux, il subit une sorte de malaise, comme une attaque cérébrale mais inexplicable. Sauf qu’il n’est pas le seul dans la maison de retraite à avoir vécu cet étrange phénomène. Il va enquêter. Même en étant très courte, la novella est riche, remplie de personnages attachants et de sous-intrigues.
Si les novellas de Nancy Kress ont eu l’effet escompté sur votre imagination, alors vous pourrez encore vous en donner à cœur joie avec son recueil Danses aériennes. L’autrice y développe des récits foisonnants d’intelligence sur l’impact des technosciences sur l’humanité.
Six mois, trois jours (Charlie Jane Anders)
Six nouvelles, six courtes explorations imaginaires percutantes, attendrissantes ou tragiques, au travers d’une variété de genres, de la SF au fantastique : le recueil Six mois, trois jours de Charlie Jane Anders fourmille d’idées qui vous feront voyager vers un « ailleurs » passionnant.
C’est par exemple une histoire d’amour, entre Judy et Doug. Tous deux ont un même pouvoir surnaturel : voir l’avenir. Mais à une petite différence près. La première perçoit une infinité de futurs possibles, quand le second ne voit systématiquement qu’un seul avenir. L’autrice nous propose aussi un étonnant récit post-apocalyptique. Marisol s’est réfugiée dans un bunker et, lorsqu’elle est en sort, le monde est détruit, elle est la seule survivante. Parmi les débris, elle découvre une lampe d’où provient un génie, qui lui offre trois vœux. Lui permettront-ils de sauver le monde ?
L’homme qui mit fin à l’histoire (Ken Liu)
Cette novella de Ken Liu repose sur un point de départ SF pour aborder un sujet historique et politique saisissant. Imaginez un peu le rêve des archéologues et historiens accompli : dans L’homme qui mis fin à l’Histoire, des scientifiques inventent une façon de visiter le passé, mais avec des limites. Une même période historique ne peut être visitée qu’une seule fois et par une seule personne. Aucune action transformatrice n’est non plus possible.
La première visite concerne la bien réelle Unité 731, unité militaire de recherche bactériologique de l’Armée impériale japonaise. Entre 1936 et 1945, celle-ci s’est adonné à des expérimentations humaines en Chine. Elle commet les pires atrocités. Il en résulte la mort de 300 000 et 480 000 victimes. Des actes qui ne relèvent pas de la fiction, qui ont été reconnus en 2002 par le Japon mais qui restent sous le radar historique. Avec ce récit, Ken Liu prend ce voyage temporel pour délivrer toute une série de documentations (témoignages, interviews, articles) sur ce sujet.
Un tour de force philosophique et historique en très peu de pages, grâce à une mécanique narrative initiale relevant de la SF. L’homme qui mit fin à l’histoire est marquant.
Binti (Nnedi Okorafor)
Le recueil Binti édité par ActuSF condense trois novellas (indépendantes mais reliées) du même univers SF développé par Ndedi Okorafor. Il s’agit d’un space opera ambitieux, avec moult vaisseaux spatiaux vivants, planètes, espèces extraterrestres. Mais le récit, certes inventif, brille surtout par la plume talentueuse de l’autrice. Elle met les pieds dans le plat au sujet du racisme, des différences, des préjugés.
Binti, c’est le nom de l’héroïne et narratrice. Elle vient d’un peuple très isolationniste, en Afrique, et son destin était de reprendre la boutique de son père. Son « véritable » destin sera finalement tout autre. Son don pour les mathématiques lui permet d’intégrer une prestigieuse université interplanétaire. Elle va quitter son peuple, sa famille, pour embarquer dans un grand voyage spatial, loin de ses origines, et pourtant ce voyage est aussi une profonde quête d’identité.
Le roman s’inscrit dans le mouvement afro-futuriste, mais dans un style très young adult.
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