La nouvelle série de Mindy Kaling porte de très beaux messages de tolérance et d’acceptation, mais ils sont noyés sous une pauvreté scénaristique confondante.

Il n’est pas facile de critiquer une série qui porte de telles valeurs sincères et bienveillantes, qui vient combler des décennies d’invisibilisation et de stéréotypes de la communauté indienne dans la pop culture mainstream. Pourtant après dix épisodes de Mes premières fois, force est de se résigner à constater amèrement : la nouvelle série de Netflix n’est franchement pas une réussite.

Alors que l’on entend souvent dire que la plateforme de vidéo en streaming permettrait à de nombreux auteurs et autrices de mettre au monde des séries ambitieuses, qui n’auraient pas trouvé leur place à la télévision classique, Mes premières fois cumule plutôt les attributs d’une série formatée pour le grand public qui cherche à rentrer dans le rang.

Entre 2014 et 2015, la télévision américaine linéaire a vu débarquer une vague de nouvelles séries aux castings majoritairement non-blancs, de Black-ish (ABC) à Fresh Off the Boat (ABC) en passant par The Carmichael Show (NBC), Jane the Virgin (CW) et Empire (Fox), chacune représentant avec beaucoup de finesse la vie de famille au sein de diverses communautés. Leur mot d’ordre : un angle grand public —  à l’exception d’Empire, plus dure — saupoudré de second degré fédérateur, qui permet de faire passer des messages de tolérance et d’acceptation tout en prônant le droit à la différence. Bien que ces familles connaissent des problèmes similaires aux foyers blancs américains moyens, elles sont également confrontées à des questionnements propres à leurs origines et couleur de peau, ainsi qu’a la la difficulté de se faire une place dans une société qui favorise, ouvertement ou insidieusement, les personnes blanches.

Si Mes premières fois devait être catégorisée, on la rangerait donc aux côtés de ces grandes sœurs. En beaucoup, beaucoup moins bien.

Mes premières fois // Source : Netflix

Mes premières fois

Source : Netflix

Une grande avancée en matière de représentation

La série originale Netflix, sortie le 27 avril 2020, met en scène la vie de Devi Vishwakumar (Maitreyi Ramakrishnan), une adolescente américaine d’origine indienne qui retourne au lycée après la mort de son père. Refusant de reconnaître son traumatisme, elle se lance à corps perdu dans un objectif beaucoup plus divertissant : coucher avec le plus beau garçon de l’école.

Mindy Kaling, qui a co-créé le projet avec la scénariste Lang Fisher, signe sa quatrième série après la rafraîchissante The Mindy Projet, l’oubliable (et oubliée) Champions et la classique comédie-romantique Four Weddings and a Funeral (mini-web série). La showrunneuse de talent ne s’en cache pas, Mes premières fois est complètement inspirée de sa propre adolescence, et prend à cœur de représenter avec justesse les nuances d’une vie constamment étrillée entre deux cultures. « J’adore être indienne », lance ainsi Devi, très peu convaincue, au cours d’un quatrième épisode dédié à la célébration de la Fête de Ganesh, un moment de rassemblement familial qu’elle peine à apprécier, restant ancrée dans un semi-rejet de tout ce qui pourrait être « trop indien ». Son cousin, qui partageait la même ambivalence, lui confie qu’il vit beaucoup mieux depuis qu’il a cessé d’être « ce mec indien, peu sûr de lui, qui renie sa culture ».

Des clichés narratifs à la pelle

Malheureusement, outre ces réflexions sur l’identité, et un casting exceptionnellement divers, Mes premières fois enchaîne les intrigues convenues et les rebondissements éculés, au point où l’on peinerait à trouver le courage d’enchaîner avec un prochain épisode, si ceux-ci n’étaient pas rythmés par des cliffhangers artificiels — le coup du SMS d’urgence qui n’était en fait qu’une fausse alerte, merci, mais non merci.

Les clichés narratifs s’enchaînent si vite qu’il est difficile d’en tenir un compte précis : le jock aux abdos sculptés qui n’aime pas l’école, mais qui a une sœur qu’il adore, en situation de handicap, l’amie qui se découvre lesbienne (mais dont le parcours sera expédié en quelques scènes), le « meilleur ennemi » qui a finalement un bon fond, la mère de famille stricte, les parents richissimes mais absents…

Mes premières fois // Source : Netflix

Mes premières fois

Source : Netflix

On reste néanmoins loin de l’élément le plus aberrant : l’omniprésente voix-off de… John McEnroe. Oui, la série de Mindy Kaling est entièrement commentée par la voix nasillarde de l’ex-star de tennis, qui hurle dans le micro toutes les trois minutes, narrateur goguenard et omniprésent qui n’a absolument rien à voir avec l’intrigue — le père de Devi aimait bien John McEnroe, fin de l’explication.

Si l’on était enclin à lui donner le bénéfice du doute, on pourrait presque voir cet ajout comme une sorte de performance géniale de renonciation ; serait-il impossible de toucher un large public en racontant la vie d’une adolescente indienne au cœur d’un casting majoritairement non-blanc, sans qu’elle ne soit paraphrasée par un homme blanc de 60 ans ? S’agit-il ici d’un « cheval de Troie », à la Orange is the new black, qui a permis à Mes premières fois d’exister ? Une chose est certaine : on s’en serait vraiment passé.

Mes premières fois, saison 1, sur Netflix France depuis le 27 avril 2020

Le verdict

"Mes premières fois"  // Source : Netflix
6/10

Mes premières fois

Pleine de bons sentiments, la série de Mindy Kaling est résolument utile, mais foncièrement inintéressante. La pauvreté du scénario et des rebondissements n'est que renforcée par la voix-off de John McEnroe, ovni surréaliste des plus agaçants.
Source : Montage Numerama

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