Wizards of the Coast, éditeur, entre autres, des énormes succès Magic et Dungeons & Dragons, filiale du mastodonte Hasbro, a annoncé le 10 juin 2020 le bannissement de sept cartes de son jeu phare, en raison de leur représentation raciste.
Magic est un jeu de cartes à collectionner (comme Pokémon, sorti plus tard), édité sans discontinuité depuis 1993. Le Monde avait profité du 25e anniversaire du jeu pour en dresser un portrait très complet.
Invoke Prejudice, la carte à l’origine de cette décision
Tout part d’une carte en particulier, Invoke Prejudice, qui, à elle seule, cumule les problèmes.
Son illustration en premier lieu, référence directe aux membres masqués du Ku Klux Klan. Ce n’est probablement pas un hasard, « l’artiste » ayant commis cette « œuvre » est connu pour les références nazies de ses illustrations. D’autres cartes Magic sont de son fait, non moins glauques…
Le hasard (ou pas, qui sait) fait que l’identifiant unique de cette carte (modifié suite à l’annonce), attribué selon un classement défini par l’extension dans laquelle elle est apparue et l’ordre alphabétique, est 1488. « 14 » et « 88 », deux nombres symboliques des suprémacistes blancs depuis les années 80. Le premier rappelle les quatorze mots d’un slogan nauséabond du suprémaciste blanc David Lane. Le second fait référence à la huitième lettre de l’alphabet, « h » en commençant par le début (« HH » donc, pour « Heil Hitler »), ou « s » en partant de la fin (donc « SS »).
Six autres cartes exclues… peut-être d’autres
L’éditeur ne s’est par arrêté là, puisque six autres cartes ont subi le même sort. Que ce soit en raison de l’illustration, du titre, de leur texte d’effet, ou de celui d’ambiance qui agrémente certaines cartes.
Les conséquences sont doubles. Les images des cartes sont retirées du Gatherer, la base de données listant l’intégralité des quelque 20 000 cartes éditées depuis la création du jeu. Un texte explicatif vient en remplacement : « Nous avons retiré l’image de cette carte de notre base de données à cause de sa représentation, son texte ou une combinaison de facteurs racistes. Le racisme, peu importe sa forme, n’a pas sa place dans nos jeux, ou ailleurs ».
Ces sept cartes sont également bannies des tournois officiels : les joueurs ne seront plus autorisés à les utiliser dans leur deck, le paquet de cartes construit par leur soin avec lequel ils viennent participer à la compétition.
L’éditeur précise sur Twitter qu’il ne s’agit là que d’une première étape. Chaque carte imprimée sera examinée, et, le cas échéant, les cas similaires subiront le même traitement.
Quelques précédents ludiques
Ce n’est pas le premier jeu de société confronté à une problématique raciste. Mais c’est sans doute celui qui aura le plus fort impact médiatique, du fait de sa large diffusion et de son succès croissant depuis sa création en 1993. Pour se rendre compte de l’ampleur du phénomène, un seul chiffre suffit : entre 2008 et 2016, 20 milliards de cartes ont été imprimées.
On pense aux pions de couleur marron de Puerto Rico, dénommés colons dans le jeu, mais représentant en réalité des esclaves venus extraire les ressources de l’île. Aux cartes esclaves de Five Tribes, faisant office de joker au marché, depuis remplacées par des fakirs. À la thématique de Mombasa, qui simule le pillage des ressources du continent africain par les Européens au 19e siècle. Ou bien évidemment à Secret Hitler, qui propose un thème pour le moins dérangeant et clivant, alors même que son propos est de dénoncer la propagande fasciste. L’an dernier, le New York Times publiait un article dans lequel l’auteur s’interrogeait sur la pertinence de permettre aux joueurs d’endosser le rôle de racistes, d’esclavagistes ou de nazis, suite à l’annulation du jeu Scramble for Africa dans lequel les participants auraient incarné différentes puissances européennes venues coloniser l’Afrique.
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